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05/12/2016 | FRANCE | N°14BX02741

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2016, 14BX02741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Midi-Pyrénées, l'Etat, et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont conclu le 17 mai 1996 une convention prévoyant la réalisation de l'" Agrobiopole " et pour laquelle l'Etat accordait un financement de 4 millions de francs (soit 609 796,76 euros). Par un courrier du 27 avril 2010, le président du conseil régional a demandé à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche d'indemniser la région du préjudice subi du fait de l'absence de paiement par l'Etat de la som

me de 609 796,76 euros.

Par un jugement n° 1004809 du 11 juillet 2014, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Midi-Pyrénées, l'Etat, et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont conclu le 17 mai 1996 une convention prévoyant la réalisation de l'" Agrobiopole " et pour laquelle l'Etat accordait un financement de 4 millions de francs (soit 609 796,76 euros). Par un courrier du 27 avril 2010, le président du conseil régional a demandé à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche d'indemniser la région du préjudice subi du fait de l'absence de paiement par l'Etat de la somme de 609 796,76 euros.

Par un jugement n° 1004809 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la région Midi-Pyrénées la somme de 609 796,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2010 et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés le 16 septembre 2014 et 2 novembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Région Midi-Pyrénées devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la prescription quadriennale était acquise à la date du 27 avril 2010 à laquelle la région Midi-Pyrénées a présenté sa demande préalable en indemnisation dès lors que les courriers tendant au paiement de la somme de 609 796,76 euros adressés par le comptable de la Région Midi-Pyrénées, les 17 septembre 2003, 10 septembre 2004 et 25 juillet 2006, ne valaient pas au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, interruption de la prescription quadriennale faute d'avoir été adressés par l'ordonnateur de la collectivité. Le courrier du 25 juillet 2006, ne peut être regardé que comme un acte interruptif de la prescription en recouvrement applicable aux comptables publics, en vertu de l'instruction codificatrice n° 04-043 du 29 juillet 2004 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales. La prescription quadriennale ne peut être valablement interrompue que par l'ordonnateur en vertu de l'instruction codificatrice n° 05-050-MO du 13 décembre 2005 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales ;

- le tribunal a dès lors commis une erreur de droit en regardant ces courriers comme interrompant valablement la prescription quadriennale ;

- à titre subsidiaire, concernant le bien-fondé de la créance dont se prévaut la Région, le ministre s'en remet à ses écritures de première instance ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2015, la région Midi-Pyrénées, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le ministre fait une interprétation erronée de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, dès lors que cette loi permet au comptable de la collectivité d'interrompre valablement le cours de la prescription quadriennale ;

- la jurisprudence du Conseil d'Etat, donne une interprétation extensive de la notion de " demande " interrompant le cours de la prescription et le comptable de la collectivité publique, comme l'a jugé à de nombreuses reprises la Cour des comptes, engage sa responsabilité en renonçant au recouvrement d'une créance ;

- c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a considéré que les demandes du Trésorier-Payeur Général des 17 juillet 2003, 10 septembre 2004 et 25 juillet 2006, avaient valablement interrompu le cours de la prescription quadriennale ;

- la Cour des comptes dans ses arrêts impose au comptable d'effectuer toutes les diligences pour le recouvrement des créances, et lui reproche au contraire son inaction ;

- en ce qui concerne le bien-fondé de la créance, le tribunal a à juste titre considéré que le contrat de plan et la convention signée le 17 mai 1996 entre l'Etat, la région et l'INRA, engageait l'Etat quant au financement de l'" Agrobiopole ", l'Etat s'engageant à verser 4 millions de francs.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 90-587 du 4 juillet 1990 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., représentant la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. La région Midi-Pyrénées a demandé au tribunal administratif de Toulouse, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 609 796,76 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par l'Etat du protocole d'accord signé le 4 août 1994 entre l'Etat, la région, l'Institut national de recherche agronomique (INRA), l'Institut national polytechnique (INP) et l'Université Paul Sabatier (UPS), pour la construction du pôle de biotechnologies végétales.

2. Par un jugement n° 1004809 du 11juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la région Midi-Pyrénées la somme de 609 796,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2010 et capitalisation des intérêts. Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relève appel de ce jugement.

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par :/ - Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. (...) /- Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) ".

4. Contrairement à ce que soutient le ministre, le comptable de la collectivité publique, qui est tenu conformément à l'article 12 A du décret du 29 décembre 1962 modifié portant règlement général sur la comptabilité publique, qui est applicable aux collectivités locales, d'accomplir toutes diligences pour parvenir au recouvrement des créances de la collectivité, peut en vertu de l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1968, valablement interrompre par ses demandes adressées à l'Etat, le cours de la prescription quadriennale. Si le ministre invoque dans son recours, pour soutenir que le cours de la prescription quadriennale ne pourrait être valablement interrompu que par l'ordonnateur et non par le comptable, l'instruction codificatrice n° 05-050-MO du 13 décembre 2005 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales, cette instruction n'a en tout état de cause pas de valeur réglementaire,. Comme l'ont relevé les premiers juges, la prescription quadriennale qui a commencé à courir le 1er janvier 1999, du fait de la réception des travaux intervenue le 13 juin 1998 , et qui expirait au 31 décembre 2003, a donc été valablement interrompue par le courrier du 19 juillet 2002 du président du conseil régional de Midi-Pyrénées adressé à la rectrice de l'académie de Toulouse tendant au paiement de la créance détenue par la Région. La prescription quadriennale a à nouveau été interrompue par le courrier du 25 juillet 2006 du trésorier payeur général de la région de Midi-Pyrénées adressé au ministre délégué à la recherche, courrier comme il est établi par l'instruction reçu par le ministre le 2 août 2006. En conséquence, à la date du 27 avril 2010 à laquelle la Région Midi-Pyrénées a présenté une demande préalable indemnitaire, la créance de la Région à l'encontre de l'Etat n'était pas atteinte par la prescription quadriennale, compte tenu des actes interruptifs de prescription émis notamment par le comptable public de la Région. Le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté l'exception de prescription quadriennale opposée par l'Etat en défense.

5. Pour faire droit aux conclusions de la région Midi-Pyrénées tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 609 796,76 euros en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des engagements contractuels de l'Etat dans le cadre de l'opération de construction du pôle de biotechnologie végétale de Toulouse-Auzeville, les premiers juges ont retenu le fait que la convention signée le 17 mai 1996 entre l'Etat, la région et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) prévoyant la réalisation de l' " Agrobiopole " et pour laquelle l'Etat accordait un financement de 4 millions de francs (soit 609 796,76 euros), présentait un caractère impératif indépendamment même des termes du contrat de plan conclu entre l'Etat et la région Midi-Pyrénées pour la période 1994-1998, dans lequel s'inscrivait cette opération. Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'apporte en appel aucune contestation quant à la pertinence des motifs retenus par le tribunal. Il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen invoqué en appel par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

6. Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche n'est donc pas fondé à demander l'annulation du jugement du 11 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la région Midi-Pyrénées la somme de 609 796,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2010 et capitalisation des intérêts.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la région Occitanie la somme de 2000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la région Occitanie la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la région Occitanie.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2016

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 14BX02741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02741
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Existence d'un contrat.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Promesses.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-05;14bx02741 ?
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