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05/12/2016 | FRANCE | N°14BX01977

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2016, 14BX01977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 avril 2012 par lequel le maire de la commune de Limoges l'a mis en demeure de tenir ses chiens en laisse et muselés sur la voie publique et dans les lieux publics.

Par un jugement n° 1200896 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2014, M.D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 mars 2014 ;

2°) d'annuler l'arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 13 avril 2012 par lequel le maire de la commune de Limoges l'a mis en demeure de tenir ses chiens en laisse et muselés sur la voie publique et dans les lieux publics.

Par un jugement n° 1200896 du 6 mars 2014, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2014, M.D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 6 mars 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 avril 2012 du maire de Limoges ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Limoges, à verser à son conseil, la somme de 1 794 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que la somme de 13 euros au titre des frais de plaidoirie.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté du 13 avril 2012 est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- il émane d'une autorité incompétente, dès lors qu'il repose sur des faits constitutifs d'une infraction pénale et ne pouvait dès lors permettre l'exercice par le maire des pouvoirs de police administrative que lui confère l'article L. 2212-2 7° du code général des collectivités territoriales en matière de divagation d'animaux féroces ou malfaisants ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait, se fondant sur des faits de divagation d'animaux qui ne sont pas établis ; les plaintes de riverains sont insuffisamment circonstanciées ; pour ce qui est de l'incident du 8 mars 2012, la matérialité des faits ne peut être regardée comme établie, dès lors qu'il a été relaxé des poursuites pénales du chef de blessures involontaires par agression de chiens, par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 25 janvier 2013 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit, dès lors que ses chiens, de type berger allemand, n'appartiennent pas à la catégorie des chiens dangereux définie par l'article L. 211-12 du code rural et par l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour son application ;

- l'arrêté du 13 avril 2012 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dans la mesure où les prescriptions qu'il édicte sont plus sévères que celles prévues par le code rural, alors que ses chiens n'ont jamais mordu personne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2015, la commune de Limoges, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête de M. D...et à la ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à al charge de ce dernier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend ses écritures de première instance et fait valoir en outre que :

- le maire, par un arrêté du 10 août 2012 a édicté une réglementation selon laquelle les chiens doivent être tenus en laisse sur la totalité des voies publiques situées sur le territoire ;

- une nouvelle plainte a été déposée contre M. D...le 15 août 2014, par une personne qui soutient avoir été mordue par l'un de ses chiens ;

- l'arrêt de relaxe prononcé par la cour d'appel de Limoges dont se prévaut le requérant n'a été rendu qu'au bénéfice du doute et n'a donc pas d'autorité de la chose jugée dans le cadre de l'instance devant les juridictions administratives ;

- M. D...ne tient pas ses chiens en laisse et ne les musèle pas et fait courir un danger aux habitants de son quartier imposant l'intervention du maire sur le fondement de l'article L 211-1 du code rural.

M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 mai 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 27 avril 1999 conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de l'agriculture et de la pêche pris pour l'application de l'article 211-1 du code rural et établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux, faisant l'objet des mesures prévues aux articles 211-1 à 211-5 du même code ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...relève appel du jugement du 6 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 avril 2012 par lequel le maire de Limoges l'a mis en demeure de tenir ses chiens en laisse et muselés sur la voie publique et dans les lieux publics, et prévoyant qu'en cas d'inexécution, ses chiens feraient l'objet d'un placement dans un lieu de dépôt adapté à leur accueil et à leur garde.

2. Le maire de Limoges, en visant les dispositions du code rural et du code général des collectivités territoriales dont il a fait application, a suffisamment motivé son arrêté au regard des éléments de droit. En ce qui concerne la motivation au regard des éléments de fait, elle est également suffisante dès lors que l'arrêté relève que M. D...avait fait l'objet de plusieurs plaintes de particuliers auprès des services de police en raison de " l'agressivité manifestée par ses animaux à l'égard des personnes et d'autres chiens se trouvant sur la voie publique " et, qu'en particulier, le 8 mars 2012, " une personne a été poursuivie par les 5 chiens de M. D...et n'a trouvé son salut que dans la fuite, incident à la suite duquel elle a déposé plainte ".

3. M. D...soutient que le maire de Limoges ne pouvait, sans entacher son arrêté d'incompétence, se fonder sur les faits du 8 mars 2012 dès lors que compte tenu des poursuites pénales dont il a fait l'objet à raison de ces faits, ces derniers ne relevaient pas du pouvoir de police du maire. Toutefois, compte tenu du principe de l'indépendance entre les procédures administratives et judiciaires, la circonstance que M. D...ait fait l'objet de poursuites pénales pour blessures involontaires par agression d'animaux n'a pas eu pour effet de dessaisir le maire de Limoges des pouvoirs de police administrative qu'il tient du code général des collectivités territoriales et du code rural. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du maire pour prendre l'arrêté du 13 avril 2012 doit être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. ". En vertu de l'article L. 211-11 du code rural et de la pêche maritime : " I- Si un animal est susceptible, compte tenu des modalités de sa garde, de présenter un danger pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire (...) peut prescrire au propriétaire ou au gardien de cet animal de prendre des mesures de nature à prévenir le danger. Il peut à ce titre, à la suite de l'évaluation comportementale d'un chien réalisée en application de l'article L. 211-14-1, imposer à son propriétaire ou à son détenteur de suivre la formation et d'obtenir l'attestation d'aptitude prévues au I de l'article L. 211-13-1. En cas d'inexécution (...) des mesures prescrites, le maire peut, par arrêté, placer l'animal dans un lieu de dépôt adapté à l'accueil et à la garde de celui-ci. (...) ". Et selon l'article L. 211-12 du même code : " Les types de chiens susceptibles d'être dangereux faisant l'objet des mesures spécifiques prévues par les articles L. 211-13, L. 211-13-1, L. 211-15 et L. 211-16, sans préjudice des dispositions de l'article L. 211-11, sont réparties en deux catégories (...)Un arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'agriculture établit la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories ". Ces dispositions confient à l'autorité de police municipale le soin de faire cesser les troubles à l'ordre public et de prévenir les risques à la sécurité publique résultant du danger que présente pour les personnes et les animaux domestiques le comportement d'animaux, compte tenu des modalités de leur garde.

5. Par l'arrêté du 13 avril 2012, le maire de Limoges, au motif de différents incidents s'étant produits, notamment le 8 mars 2012, a mis en demeure M.D..., propriétaire de cinq chiens de type berger allemand, de les tenir en laisse et muselés lors de leurs déplacements sur la voie publique ou dans d'autres lieux publics, et indique qu'en cas d'inexécution de ces prescriptions, ses chiens seraient placés dans un lieu de dépôt adapté à leur accueil et à leur garde. M. D...en ce qui concerne l'incident du 8 mars 2012 se prévaut de l'arrêt de la cour d'appel de Limoges du 25 janvier 2013 par lequel il a été relaxé, au bénéfice du doute, des faits de la poursuite le concernant. Toutefois, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant reçu la force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. En l'espèce, M. D..., ne conteste pas l'absence de maîtrise de ses chiens y compris pour ce qui est de l'incident du 8 mars 2012 dès lors qu'il indique qu'ils étaient, dans l'agglomération de Limoges, à la poursuite d'un chevreuil, alors que pour ce qui est des autres incidents impliquant ses chiens notamment ceux des 8 février et 8 juillet 2011, les procès-verbaux de dépôt de plaintes établissent des morsures de chiens par les chiens de M.D..., ainsi que pour ce qui est de l'incident du 8 février 2011, la blessure du propriétaire, ayant nécessité son hospitalisation, lorsqu'il s'est porté au secours de son chien agressé par les chiens de M. D.... Par suite, le moyen tiré de l'absence de matérialité des faits sur lesquels se fonde l'arrêté du 13 avril 2012 doit être écarté.

6. M. D...invoque l'erreur de droit dont entaché serait l'arrêté du 13 avril 2012, dès lors que ses chiens ne sont pas au nombre de ceux mentionnés par l'arrêté du 27 avril 1999 pris pour l'application de l'article L. 211-12 précité du code rural, établissant la liste des types de chiens susceptibles d'être dangereux. Toutefois, L. 211-11 du code rural et l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dont le maire a fait application, s'appliquent à tous types de chiens qu'ils soient ou non au nombre de ceux visés à l'article L. 211-12 du code rural pour lesquels peuvent être prises par ailleurs des mesures spécifiques. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté.

7. Eu égard au danger présenté pour la sécurité publique par la présence des chiens de M. D...sur la voie publique, le maire de Limoges, qui n'était pas contrairement à ce que soutient le requérant, tenu de procéder sur le fondement des dispositions précitées de l'article L 211-11 du code rural, à l'évaluation comportementale des chiens de M. D...en vue d'imposer à ce dernier le suivi d'une formation, n'a pas en mettant en demeure M. D... de tenir ses chiens en laisse et muselés sur la voie publique et dans les lieux publics pris une mesure disproportionnée par rapport aux buts poursuivis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

9. La commune de Limoges, n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, la demande M. D...tendant au versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice, ainsi qu'au titre des droits de plaidoirie ne peuvent être que rejetées.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... à verser la somme de 1 000 euros que la commune de Limoges demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à la commune de Limoges la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la commune de Limoges.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2016

Le rapporteur,

Pierre BentolilaLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 14BX01977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01977
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-18 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-05;14bx01977 ?
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