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01/12/2016 | FRANCE | N°16BX02391

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 01 décembre 2016, 16BX02391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505478 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2016, Mme C...B..., représentée par MeA...

, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505478 du 29 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2016, Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 29 février 2016 ;

2°) d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi en date du 8 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1513 euros droits de plaidoirie compris sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle vit en France depuis plus de trois années et elle établit vivre avec son conjoint depuis le mois d'août 2013 et que leur relation avait commencé dès la fin de l'année 2012. Ils ont deux enfants nés en 2014 et 2016. En outre, la cellule familiale ne peut se reconstituer en Macédoine eu égard à la qualité de réfugié de son conjoint, qui n'est d'ailleurs pas retourné en Macédoine en 2006 contrairement à ce qu'ont indiqué le préfet et le tribunal. S'agissant de ses attaches familiales en Macédoine, son père est décédé et sa mère est dans l'incapacité de la protéger de son oncle, qui lui a infligé des mauvais traitements lorsqu'il l'hébergeait. De plus, son conjoint ne dispose pas de ressources mensuelles égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance, de sorte qu'il ne peut former de demande de regroupement familial. Dans ces circonstances, le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les raisons précédemment énoncées, la cellule familiale ne peut se reconstituer en Macédoine. Par ailleurs, le refus de titre de séjour fait obstacle à ce qu'elle puisse subvenir à l'entretien de sa fille. Cette décision porte ainsi atteinte à l'intérêt de cette dernière en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français implique que sa fille soit séparée soit d'elle-même, soit de son père et n'est donc pas conforme à l'intérêt de celle-ci, en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français prive de base légale la décision fixant le pays de renvoi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2016, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Par ordonnance du 5 août 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2016 à midi.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-161 du 15 février 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

- et les observations de MeA..., représentant MmeB... ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante macédonienne née le 6 septembre 1991, est, selon ses déclarations, entrée en France le 30 août 2012. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 janvier 2014, Mme B...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 13 juin 2014, le préfet de la Gironde a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Cet arrêté n'ayant pas été exécuté et au regard de l'évolution de sa situation, Mme B...a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 3 février 2015. Le préfet de la Gironde, par un arrêté en date du 8 octobre 2015, a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 29 février 2016 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté et doit être regardée comme demandant l'annulation de l'ensemble des décisions incluses dans l'arrêté du 8 octobre 2015.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 octobre 2015 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Mme B...fait valoir que la communauté de vie avec son concubin, qui est titulaire d'un titre de séjour en qualité de réfugié kosovar, remonte à la fin de l'année 2012, qu'à la date de l'arrêté ils avaient un enfant né le 12 mai 2014 et qu'elle était enceinte de leur deuxième enfant. Si le préfet de la Gironde conteste l'ancienneté et la stabilité de la communauté de vie, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation de la mère de son concubin qui les héberge, corroborée par les courriers de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'acte de naissance de sa fille qui font mention de l'adresse du domicile commun, que la communauté de vie remonte au moins à la fin de l'année 2013. Dans ces circonstances, eu égard à la durée de la communauté de vie et à la situation du couple, en particulier de son mari, et alors même que Mme B...a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'arrêté litigieux a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être accueillis.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 octobre 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " .

6. Compte tenu du motif sur lequel elle repose, l'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement, en l'absence de nouveaux éléments, que soit délivrée à Mme B...une carte de séjour temporaire. Il y a donc lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer ce titre de séjour à l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Mme B...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Dans les circonstances de l'espèce, et en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais d'instance y compris les droits de plaidoirie, le versement au conseil de Mme B...d'une somme de 1 013 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1505478 du tribunal administratif de Bordeaux en date du 29 février 2016 et l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 8 octobre 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de Mme B...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ainsi que la somme de 13 euros en remboursement du droit de plaidoirie.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 16BX02391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02391
Date de la décision : 01/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : REIX

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-01;16bx02391 ?
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