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29/11/2016 | FRANCE | N°15BX01874

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2016, 15BX01874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Editrans a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné la suppression de l'ensemble des installations classées qu'elle exploite à Bassens, en zone industrielle de Guerlandes. Elle a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 27 août 2013 par lequel le préfet a ordonné la consignation par la société Editrans d'une somme de 1 040 000 euros correspondant au coût des travaux prévus par l'arrêté du

7 mars 2013.

Par un jugement n° 1301641 et 1304073 du 2 avril 2015, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Editrans a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet de la Gironde a ordonné la suppression de l'ensemble des installations classées qu'elle exploite à Bassens, en zone industrielle de Guerlandes. Elle a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du 27 août 2013 par lequel le préfet a ordonné la consignation par la société Editrans d'une somme de 1 040 000 euros correspondant au coût des travaux prévus par l'arrêté du 7 mars 2013.

Par un jugement n° 1301641 et 1304073 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 7 mars 2013 et du 27 août 2013.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 3 juin 2015, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 avril 2015 et de rejeter au fond la requête de première instance de la société Editrans.

.......................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Editrans exploite sur le territoire de la commune de Bassens, dans la zone industrielle de Guerlandes, une déchetterie. A compter de l'année 2008, elle a aussi développé sur ce site une activité de tri, de transit et de conditionnement de déchets sans toutefois solliciter l'autorisation requise. Le 29 juillet 2010, le préfet de la Gironde mettait en demeure la société Editrans de déposer une demande d'autorisation en vue de régulariser cette activité. Le 20 août 2011, alors que la demande de régularisation déposée par la société Editrans était en cours d'instruction, un incendie se produisait à l'intérieur du site, dans un massif de déchets, mobilisant les services de secours six jours durant. Ce sinistre a conduit le préfet à prendre en urgence, le 29 août 2011, un arrêté ordonnant à la société Editrans de suspendre son activité de réception, de tri et de transit des déchets et de les évacuer dans un délai deux mois. En dépit de cette décision, l'exploitant continuait d'exercer ses activités ainsi que le constatait l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement dans un rapport établi le 6 décembre 2011. Parallèlement, le 18 janvier 2012, le préfet adressait à la société Editrans un courrier l'informant de ce que, en raison de l'insuffisance de ses capacités techniques, l'instruction de sa demande d'autorisation ne serait pas poursuivie. Quelques mois plus tard, soit le 27 juin 2012, un nouvel incendie se déclarait à l'intérieur du site, sur un stock de déchets près du bâtiment principal de tri. Aussi, le 12 juillet 2012 un arrêté préfectoral ordonnait la suppression de l'ensemble des installations exploitées par la société Editrans et le nettoyage intégral du site. Puis l'inspecteur des installations classées effectuait, le 14 janvier et le 18 janvier 2013, deux nouvelles visites sur place pour constater que la société Editrans poursuivait ses activités de réception des déchets en dépit de la mesure de suspension prononcée le 29 août 2011 et qu'elle n'avait pas évacué la totalité des déchets ni nettoyé les lieux en méconnaissance des prescriptions fixées par l'arrêté préfectoral du 12 juillet 2012. En conclusion de son rapport, l'inspecteur proposait la signature d'un nouvel arrêté prononçant la suppression de l'installation et la remise en état du site en tenant compte du volume des déchets restants et du volume des déchets évacués. Il proposait également l'intervention d'un arrêté ordonnant à la société de consigner auprès du comptable public une somme d'argent représentant le coût des travaux mis à sa charge.

2. Ainsi, le 7 mars 2013, le préfet de la Gironde prenait un arrêté ordonnant à la société Editrans de supprimer ses installations dans un délai de quatre mois et de nettoyer intégralement le site d'exploitation. Le 27 août 2013, le préfet enjoignait à la société de consigner une somme de 1 040 000 euros répondant au coût des travaux prévus par l'arrêté du 7 mars 2013. La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie relève appel du jugement n° 1301641 et 1304073 du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux, à la demande de la société Editrans, a annulé les arrêtés susmentionnés du 7 mars 2013 et du 27 août 2013.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. L'unique moyen sur lequel les premiers juges ont fondé leur décision d'annulation était tiré de ce que le préfet de la Gironde ne pouvait rejeter la demande d'autorisation présentée par la société Editrans sans avoir préalablement invité celle-ci à compléter sa demande ni recueilli ses observations sur son projet de décision statuant sur ladite demande. Cependant, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'avait pas été invoqué par la société Editrans dans ses écritures devant le tribunal administratif. Ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, ont entaché leur décision d'irrégularité. Il s'ensuit que le jugement n° 1301641 et 1304073 rendu le 2 avril 2015 par le tribunal administratif de Bordeaux doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société Editrans devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 7 mars 2013 ordonnant la suppression d'installation classée exploitée par la société Editrans :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 514-2 du code de l'environnement, applicable en l'espèce en application du II de l'article 28 de l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 : " Lorsqu'une installation classée est exploitée sans avoir fait l'objet de la déclaration, de l'enregistrement ou de l'autorisation requis par le présent titre, le préfet met l'exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé en déposant, suivant le cas, une déclaration, une demande d'enregistrement ou une demande d'autorisation. Il peut, par arrêté motivé, suspendre l'exploitation de l'installation jusqu'au dépôt de la déclaration ou jusqu'à la décision relative à la demande d'enregistrement ou d'autorisation. Si l'exploitant ne défère pas à la mise en demeure de régulariser sa situation ou si sa demande d'enregistrement ou d'autorisation est rejetée, le préfet peut, en cas de nécessité, ordonner la fermeture ou la suppression de l'installation. (...) ".

6. Il résulte des dispositions précitées que le préfet peut, en cas de nécessité, ordonner la fermeture de l'installation classée fonctionnant sans autorisation à la condition qu'il ait préalablement mis en demeure l'exploitant de régulariser sa situation en déposant une demande d'autorisation. En outre, ces mêmes dispositions permettent aussi au préfet d'ordonner la fermeture de l'installation si, l'exploitant ayant déféré à la mise en demeure en déposant une demande d'autorisation, celle-ci a été rejetée par l'autorité compétente.

7. Comme dit précédemment, le préfet de la Gironde a, le 29 juillet 2010, mis en demeure la société Editrans de déposer une demande d'autorisation en vue de régulariser son activité de tri, de transit et de conditionnement des déchets. Il est constant que la société a déféré à cette mise en demeure, qui est celle prévue par l'article L. 514-2 précité, en déposant le 7 octobre 2010 une demande d'autorisation qu'elle a ensuite complétée le 8 août 2011. Il résulte ensuite de l'instruction que, par courrier du 18 janvier 2012, le préfet de la Gironde a informé la société Editrans que son dossier de demande n'était pas " recevable " en raison de " l'insuffisance " de ses capacités techniques et lui a retourné ledit dossier en précisant que l'instruction " ne peut, en l'état actuel des choses, être poursuivie ". Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Editrans, l'arrêté du 7 mars 2013 ordonnant la suppression de l'installation est intervenu à l'issue d'une procédure régulière dès lors qu'il a été précédé de la mise en demeure de déposer une demande de régularisation ayant abouti à la décision du 18 janvier 2012 qui équivaut, par ses termes mêmes, à un refus d'autorisation.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 514-5 du code de l'environnement : " Les personnes chargées de l'inspection des installations classées (...) sont assermentées (...). Elles peuvent visiter à tout moment les installations soumises à leur surveillance. (...) L'inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet (...) ". Il résulte des procès-verbaux de prestations de serment produits par le préfet devant le tribunal administratif que les deux inspecteurs qui ont visité le site de la société Editrans, le 14 janvier et le 18 janvier 2013, avaient auparavant prêté serment devant le tribunal de grande instance. Par suite, le moyen tiré de ce que ces inspecteurs n'étaient pas assermentés manque en fait.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : -restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; - infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". L'arrêté du 7 mars 2013 en litige, après avoir visé les articles L. 514-1 et L. 514-2 du code de l'environnement applicables à la situation de la société Editrans, énonce que celle-ci ne dispose pas des capacités techniques indispensables à la gestion de ses stocks de déchets, lesquels se trouvent à l'intérieur d'un site exposé à un risque d'inondation. Il rappelle également que la société a continué d'y exercer ses activités malgré une mesure de suspension prise à son encontre le 29 août 2011 et un arrêté du 4 janvier 2012 la mettant en demeure de respecter cette suspension. En outre, l'arrêté du 7 mars 2013 se réfère à cette précédente décision du 29 août 2011 qui imposait aussi à l'exploitant d'évacuer l'ensemble des déchets présents sur son établissement, et se fonde sur les visites effectuées par les services compétents qui ont relevé sur place une présente persistante d'importantes quantités de déchets. Ce faisant, le préfet de la Gironde a exposé de manière suffisante les considérations de droit et de fait qui l'ont conduit à prendre son arrêté du 7 mars 2013. Par suite, la société Editrans n'est pas fondée à soutenir que celui-ci est insuffisamment motivé.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. En premier lieu, il est constant que l'arrêté en litige du 7 mars 2013, qui fait application de l'article L. 514-2 du code de l'environnement cité au point 5, est fondé sur la circonstance que la société Editrans exerce son activité sans autorisation. Cet article L. 514-2 n'impose pas qu'une décision prononçant la suppression d'une installation classée pour la protection de l'environnement soit obligatoirement précédée d'une mesure de suspension de l'activité exercée. Ainsi, l'arrêté du 7 mars 2013 ne constitue pas une mesure d'application de la suspension de l'activité que le préfet a prononcée en urgence, le 29 août 2011, en raison de l'incendie qui s'était déclaré à l'intérieur du site d'exploitation quelques jours auparavant. Il en va d'autant plus ainsi que cette mesure de suspension, par elle-même, ne remettait pas en cause l'instruction, alors en cours, de la demande d'autorisation déposée par la société Editrans à titre de régularisation. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 29 août 2011 soulevé par la société Editrans à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 mars 2013 est inopérant.

11. En deuxième lieu, et comme dit précédemment, le préfet de la Gironde a, par courrier du 18 janvier 2012, informé la société Editrans que l'instruction de sa demande d'autorisation ne serait pas poursuivie faute pour cette dernière d'avoir déposé un dossier justifiant de ses capacités techniques à exploiter le site en cause. Comme dit précédemment, ce courrier du 18 janvier 2012, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait qu'il prît la forme d'un arrêté, équivalait à un refus d'autoriser la société Editrans à exploiter son centre de tri et de transit de déchets. Il en résultait comme conséquence que la société, dont la demande n'avait ainsi pas abouti, exerçait son activité sans être titulaire de l'autorisation requise. Elle relevait ainsi du champ d'application de l'article L. 514-2 précité du code de l'environnement qui permettait au préfet de prendre un arrêté ordonnant la suppression d'une installation classée pour la protection de l'environnement qui fonctionne sans autorisation. Ce sont bien les dispositions de l'article L. 514-2 qui ont fondé l'arrêté du 7 mars 2013 et non la circonstance que la société Editrans n'a pas respecté les prescriptions de l'arrêté du 29 août 2011 lui imposant notamment de suspendre son activité. Par suite, la société Editrans n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 7 mars 2013 serait entaché d'erreur de droit au regard des conditions auxquelles l'article L. 514-2 du code de l'environnement subordonne une décision de fermeture d'une installation classée.

12. En troisième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 514-2 du code de l'environnement que la suppression ou la fermeture d'une installation classée fonctionnant sans autorisation n'est légalement fondée que si elle est nécessaire. En l'espèce, par un arrêté du 12 mai 2011, le préfet de la Gironde avait notamment enjoint à la société Editrans de limiter les dépôts au sol des déchets en évitant qu'ils constituent des remblais, fixé à 4 mètres la hauteur maximale des déchets stockés et prescrit leur évacuation dans un bref délai. Dans les rapports qu'il a rédigés le 21 janvier 2013, après deux visites des lieux, l'inspecteur des installations classées a constaté que, si un nettoyage a été effectué sur certaines parties du site, celui-ci continue néanmoins de recevoir des déchets - y compris des déchets ménagers fermentescibles - dont le volume est évalué à 14 000 tonnes (10 600 mètres cubes), en dépit l'arrêté du 29 août 2011 qui prononçait la suspension de l'activité en cause. Ce même rapport établit que des tas de déchets sont entreposés en divers endroits du site en méconnaissance des prescriptions de l'arrêté du 12 mai 2011 et alors que le règlement du plan de prévention des risques d'inondation interdit dans la zone considérée tout dépôt au sol susceptible de nuire à l'écoulement des eaux. Par ailleurs, la société Editrans ne conteste pas les affirmations du préfet de la Gironde selon lesquelles elle n'a pas exécuté un certain nombre de prescriptions imposées dans l'arrêté du 12 juillet 2011 telles que l'installation d'une autopompe, la mise en place d'une distance d'éloignement du site par rapport aux parcelles voisines, la mise à jour de son tableau indiquant la quantité de déchets présents sur le site ou encore l'installation d'une protection coupe-feu. Enfin, la société Editrans n'a produit aucun élément de nature à démontrer qu'elle disposait des capacités techniques suffisantes lui permettant d'exploiter sans risque une telle installation. Il s'ensuit que l'activité exercée par la société Editrans dans les conditions décrites ci-dessus est susceptible de causer des nuisances à l'environnement, telles qu'incendies, pollutions de l'air ou du sol, dont l'intensité est accrue par le fait qu'elle s'exerce, comme dit précédemment, en zone inondable. Par suite, le préfet de la Gironde a pu légalement décider, sur le fondement de l'article L. 514-2 du code de l'environnement, de prononcer la suppression de l'installation exploitée par la société Editrans et prescrire le nettoyage intégral du site.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Editrans n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 mars 2013.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral de consignation du 27 août 2013 :

En ce qui concerne la légalité externe :

14. En premier lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 514-2 du code de l'environnement, applicable en l'espèce en application du II de l'article 28 de l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 : " Si l'exploitant ne défère pas à la mise en demeure de régulariser sa situation ou si sa demande d'enregistrement ou d'autorisation est rejetée, le préfet peut, en cas de nécessité, ordonner la fermeture ou la suppression de l'installation. Si l'exploitant n'a pas obtempéré dans le délai fixé, le préfet peut faire application des procédures prévues aux 1° et 2° du I de l'article L. 514-1. ". Aux termes de l'article L. 514-1 du même code : " I. - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu'un inspecteur des installations classées (...) a constaté l'inobservation des conditions imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l'expiration du délai fixé pour l'exécution, l'exploitant n'a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut : 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de l'exécution des mesures prescrites (...) 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures prescrites ; 3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l'installation, jusqu'à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires. II. - Les sommes consignées en application des dispositions du 1° du I peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l'exécution d'office des mesures prévues aux 2° et 3° du I. (...) ".

15. Il résulte de l'instruction que, après avoir constaté que la société Editrans exploitait sans autorisation un centre de transit de déchets, le préfet de la Gironde a prescrit à cette dernière, dès le 17 avril 2009, d'exercer son activité conformément au dossier de déclaration qu'elle avait déposé en préfecture le 15 mars 2001 pour l'exploitation d'une simple déchetterie. En dépit de cela, la société Editrans a continué d'exercer son activité de tri et de transit de déchets, ce qui a conduit le préfet à lui adresser, le 4 janvier 2012, une mise en demeure de respecter les prescriptions de l'arrêté préfectoral lui imposant de suspendre son activité dans l'attente qu'il soit statué sur sa demande de régularisation et de nettoyer le site. Cette mise en demeure est celle prévue par l'article L. 514-1 précité du code de l'environnement dès lors qu'elle a été prise après que les services préfectoraux eurent constaté que la société Editrans ne respectait pas les conditions imposées au fonctionnement d'un centre de tri et de transit de déchets et qu'elle avait pour objet d'imposer à cette dernière de satisfaire auxdites conditions. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 27 août 2013 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé d'une mise en demeure.

16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par courrier du 22 juillet 2013, le préfet de la Gironde a communiqué à la société Editrans un projet d'arrêté de consignation en invitant cette dernière à présenter ses observations éventuelles. Eu égard à son objet, ce courrier ne constitue nullement la mise en demeure prévue par l'article L. 514-1 précité du code de l'environnement dont l'intervention aurait dû, selon la société, conduire le préfet à diligenter une nouvelle visite de la part de l'inspecteur des installations classées pour la protection de l'environnement. Par suite, ce moyen de procédure doit être écarté en tout état de cause.

17. En troisième lieu, les termes employés dans le courrier précité du 22 juillet 2013 ne révèlent pas que le préfet aurait préjugé de la situation de la société Editrans. Au contraire, et comme dit précédemment, ce courrier informait la société qu'il envisageait de mettre en oeuvre à son encontre la procédure de consignation et l'invitait à formuler ses observations sur le projet d'arrêté dont une copie était jointe audit courrier. Par suite, contrairement à ce que soutient la société, le principe du contradictoire et le principe général des droits de la défense, qu'elle invoque, n'ont pas été méconnus.

En ce qui concerne la légalité interne :

18. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 514-1 du code de l'environnement que la somme que le préfet impose à l'exploitant de consigner doit répondre du montant des travaux nécessaires pour rendre l'installation conforme aux lois et règlements en vigueur. Dans le cas présent, cette règle implique que la somme prévue dans l'arrêté de consignation corresponde au plus près au volume des déchets présents sur le site et au prix de leur évacuation tel qu'il résulte du marché.

19. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 514-1 précité du code de l'environnement, le préfet a imposé à la société Editrans de consigner une somme de 1 040 000 euros en considération du volume des déchets présents sur le site tels qu'ils ont été constatés par l'inspecteur des installations classées dans son rapport du 18 juillet 2013, à savoir 8 685 mètres cubes de gravats, 5 400 mètres cubes de bois et 19 000 mètres cubes de déchets industriels banals (DIB). La société Editrans ne conteste pas utilement cette évaluation en produisant son propre état des stocks de déchets établi par un géomètre expert le 31 juillet 2013 et qui est incomplet dès lors que ce document n'identifie pas les stocks DIB bruts, les stocks DIB divers (papiers, plastiques, cartons, polystyrène, tissus) et les autres stocks (verre, pare-chocs, tuyaux) pourtant présents sur le site. Par ailleurs, ce rapport ne présente pas toutes les garanties de certitude requises car il comporte les mentions selon lesquelles " le volume des combustibles solides de récupération n'a pu être relevé régulièrement " et " le volume énoncé n'est donné qu'à titre estimatif ". Par ailleurs, les relevés contenus dans le rapport du 31 juillet 2013 produit par la société ne sont pas exprimés en tonnage mais seulement en mètres cube et ne comportent ainsi aucune critique pertinente des densités de déchets retenues par l'inspecteur des installations classées dans son propre rapport. Par suite, la société n'établit pas que les quantités de déchets présents sur le site auraient été mal évaluées par l'autorité préfectorale.

20. Pour déterminer le montant de la somme à consigner par la société Editrans, le préfet de la Gironde s'est fondé sur trois devis établis à l'occasion du nettoyage d'un site similaire par des entreprises spécialisées dans ce type de prestations. Si la société Editrans soutient que le montant retenu dans l'arrêté du 27 août 2013 n'aurait pas été fixé de manière objective dès lors que les devis examinés par le préfet proviennent d'entreprises concurrentes, il résulte néanmoins de l'instruction que la somme de 1 040 000 euros finalement retenue correspond à la moins élevée des estimations dont le préfet avait connaissance et qu'elle a, en outre, été établie par la SN Challenger, laquelle appartient au groupe Ulysse dont la société Editrans fait partie.

21. Ensuite, la société soutient que le prix du traitement à la tonne des déchets qui a permis de chiffrer le montant de la consignation aurait dû tenir compte des recettes que lui procure la vente des déchets bois et autre blocs de béton et matériaux ferreux et qui viennent ainsi réduire leur coût de traitement. Toutefois, il résulte de l'instruction que le stock de déchets bois présents sur le site a nettement diminué entre le 18 juillet 2013, date de la visite de l'inspecteur des installations classées et le 31 juillet 2013, date à laquelle la société Editrans a fait réaliser son propre état de ses stocks et qu'il n'offre plus, en conséquence, à l'exploitant les mêmes possibilités de revente en vue d'obtenir un bénéfice. Par ailleurs, les factures que produit la société Editrans, qui ne portent que sur quelques mois de l'année 2013, ne donnent pas une représentation suffisamment précise de l'impact de son activité globale de revente de certains matériaux sur le coût global de traitement des déchets et ne permettent donc pas de déterminer dans quelle mesure la somme consignée dans l'arrêté du 27 août 2013 serait excessive. Ensuite, le coût du traitement des déchets de 78,5 euros/tonne que propose de retenir la société se fonde sur une convention signée en 2013 entre deux entreprises du secteur pour la seule évacuation des déchets DIB. Elle ne tient pas compte ainsi des autres catégories de déchets présents sur le site de Bassens et dont l'évacuation est aussi prévue. Enfin, si la société Editrans reproche au préfet de ne pas avoir pris en considération, pour déterminer le montant de la consignation, les déchets acheminés sur son site après un tri préalable et qui, de ce fait, bénéficient d'un coût de traitement moindre, elle ne produit aucun élément concret de nature à évaluer précisément leur volume.

22. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la somme de 1 040 000 euros prévue dans l'arrêté du 27 août 2013 serait excessive au regard de la nature des travaux devant être engagés doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée devant les premiers juges que la société Editrans n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 27 août 2013. Par voie de conséquence, les conclusions de la société Editrans tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1301641 et 1304073 du tribunal administratif de Bordeaux rendu le 2 avril 2015 est annulé.

Article 2 : Les demandes de la société Editrans présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux sont rejetées.

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N° 15BX01874


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01874
Date de la décision : 29/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Mise à l'arrêt.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-29;15bx01874 ?
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