Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du directeur du centre hospitalier de Cadillac du 11 juin 2013 lui infligeant un blâme ainsi que la décision du 20 septembre 2013 par laquelle le directeur de l'établissement a rejeté son recours gracieux contre la décision du 11 juin 2013 et contre sa notation relative à l'année 2012, d'enjoindre à l'administration de lui accorder la note de 17,25 pour l'année 2012 et de supprimer l'appréciation figurant sur sa feuille de notation, enfin, de condamner le centre hospitalier de Cadillac à réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi.
Par un jugement n° 1304011 du 26 juin 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé la sanction et la notation contestées, a enjoint au centre hospitalier de Cadillac de procéder à une nouvelle notation au titre de l'année 2012 et de retirer le blâme infligé le 11 juin 2013, puis a rejeté le surplus des conclusions de Mme E....
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 août 2014, 29 juillet 2016 et 19 septembre 2016, le centre hospitalier de Cadillac, représenté par MeD..., demande à la cour d'annuler ce jugement du 26 juin 2014, de rejeter la demande de Mme E...et de mettre à sa charge la somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation de soins et de cure publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant le centre hospitalier de Cadillac, et de MeA..., représentant Mme B...E....
Considérant ce qui suit :
1. Infirmière titulaire au centre hospitalier de Cadillac, Mme E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 20 septembre 2013 par laquelle le directeur de l'établissement a rejeté son recours gracieux contre la décision du 11 juin 2013 lui infligeant un blâme et contre sa notation relative à l'année 2012, d'enjoindre à l'administration de lui accorder la note de 17,25 pour l'année 2012 et de supprimer l'appréciation figurant sur sa feuille de notation, enfin, de condamner le centre hospitalier de Cadillac à réparer le préjudice financier occasionné par la diminution de sa note. Par un jugement du 26 juin 2014, dont le centre hospitalier de Cadillac relève appel en tant qu'il a donné satisfaction à MmeE..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé le blâme et la notation contestés, a enjoint à l'autorité administrative de procéder à une nouvelle notation pour l'année 2012, puis a rejeté les conclusions indemnitaires de MmeE.... Par la voie de l'appel incident, Mme E... demande qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Cadillac, d'une part, de reprendre ses notations des années 2012 et 2013 en les fixant respectivement, compte tenu de la progression annuelle de 0,25 constatée depuis l'année 2001, au minimum à 17,50 et à 17,75, d'autre part, de retirer le blâme infligé le 11 juin 2013.
Sur la régularité du jugement :
2. A le supposer invoqué, le moyen tiré par le centre hospitalier de Cadillac de l'omission à statuer sur la fin de non-recevoir qu'il avait opposée, tirée de la tardiveté de la demande, manque en fait. Le jugement n'est donc entaché d'aucune irrégularité sur ce point.
Sur la recevabilité de la demande de Mme E...:
3. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées ". Selon le premier alinéa de l'article 65 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs - Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations; à la demande de l'intéressé, elles peuvent en proposer la révision. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article ". Les modalités de cette notation sont fixées par l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics.
4. La demande de révision de la notation constitue, non un recours gracieux qui n'aurait prorogé le délai de recours contentieux que pendant le délai de deux mois suivant l'intervention d'une décision implicite de rejet, mais la mise en oeuvre de la procédure spéciale ouverte par les dispositions susmentionnées.
5. Le 28 novembre 2012, Mme E...a eu connaissance de sa notation de l'année. Il est constant qu'elle en a sollicité la révision auprès de la commission administrative paritaire, qui a rejeté cette demande par une décision du 19 avril 2013 mentionnant les voies et délais de recours mais dont la date de notification n'est pas établie. Mme E...a ensuite formé, le 6 août suivant, un recours gracieux à l'encontre de cette décision de rejet, assorti d'une demande d'annulation de la décision du 11 juin 2013 lui infligeant un blâme. Ce recours gracieux exercé le 6 août 2012 permet d'établir que Mme E...a reçu, au plus tard à cette date la décision du 19 avril 2013 rejetant sa demande de révision. Le délai de recours contentieux de deux mois imparti par l'article R. 421-2 du code de justice administrative a été interrompu par ce recours gracieux expressément rejeté le 20 septembre 2012 par une décision qui n'avait pas, contrairement à ce qu'elle soutient, un caractère purement confirmatif d'une décision devenue définitive. A la date du 13 novembre 2013 à laquelle Mme E...a présenté ses demandes dirigées contre sa notation et, en tout état de cause, contre la sanction ultérieure du 11 juin 2013, le délai de recours n'était pas expiré et ces demandes étaient recevables.
Sur la légalité de la notation :
6. L'article 1er de l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics prévoit que pour les infirmiers, les éléments prévus à l'article L.814 du code de la santé publique et entrant en compte pour la détermination de la note chiffrée attribuée chaque année aux agents des établissements d'hospitalisation publics visés à l'article L. 792 dudit code sont : " 1. Connaissances professionnelles ; 2. Application dans l'exécution du travail ; 3. Esprit d'initiative ; 4. Aptitude psychologique à l'exercice des fonctions ; 5. Tenue générale et ponctualité. ".
7. La note chiffrée attribuée à Mme E... au titre de l'année 2012, abaissée de 17,25 à 17, est assortie d'une appréciation littérale selon laquelle " des rapports récents font apparaître que les difficultés dans les relations interrelationnelles se sont significativement aggravées au détriment du patient ... ces éléments interrogent sur sa capacité à prendre en charge des patients vulnérables ". L'évaluation du critère " Esprit d'initiative " a été abaissée de 3,45 à 3,40 (-0,05), celle de l'aptitude psychologique à l'exercice de la fonction de 3,45 à 3,30 (-0,15) et celle de la " Tenue générale et ponctualité " de 3,45 à 3,40 (-0,05).
8. Il est constant que l'autorité administrative s'est fondée sur un rapport établi le 15 octobre 2012 par le cadre de santé supérieur, lui-même fondé sur les rapports établis les 20 et 28 juin 2012 par un cadre de santé. La matérialité du grief tiré de la sévérité excessive à l'égard de deux stagiaires, qui ont validé leur stage avec des évaluations positives, n'est établie ni par le témoignage d'une infirmière affectée dans cette unité seulement quatre jours en juin 2012 selon lequel Mme E...était " très dure " avec les stagiaires, ni par celui d'une étudiante, contredit par d'autres témoignages évoquant les difficultés personnelles de ces stagiaires, non imputables à l'attitude des tutrices. Ce même témoignage ne suffit pas davantage à établir que Mme E...aurait sciemment appris à un patient à répondre des grossièretés. En revanche, la matérialité du grief tiré du ton agressif envers le chef de pôle et le cadre de santé supérieur lors de deux réunions au sein de l'unité de soins peut être regardée comme établie, Mme E...ayant d'ailleurs elle-même admis avoir pu manquer de " diplomatie " en les interrogeant, lors de la première réunion sur les conditions de vie des patients. Il a ensuite été reproché à Mme E...d'avoir, après l'incendie de son véhicule par un patient, tenu " un discours témoignant de son opposition au retour de ce patient dans l'unité de soins ", puis, le 20 juin 2012, évoquant un autre patient privé de sortie qui avait pris la fuite, d'avoir déclaré : " Je vais me le faire celui-là ". Compte tenu des précisions apportées par l'intéressée, qui invoque notamment pour expliquer ses propos la fatigue et le stress entraînés tant par ses trois nuits consécutives de travail que par la fugue du patient, ces incidents ponctuels ne justifiaient pas une dégradation de sa notation. L'usage, même excessif, des mots " cadrage " et " recadrage " ne révèle par lui-même aucun manquement aux devoirs d'une infirmière psychiatrique, d'autant que Mme E...indique qu'elle entendait rappeler aux patients le cadre thérapeutique. En appel, le centre hospitalier de Cadillac se borne à rappeler les faits reprochés, établis selon ses dires par les témoignages de cadres de santé, du chef de pôle et d'une collègue et à soutenir qu'il " n'est pas admissible que le tribunal ait cru faire prévaloir l'appréciation de l'agent sur celle divergente du cadre " sans contester sérieusement les allégations précises et circonstanciées de MmeE.... Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu également des quinze témoignages de collègues attestant du professionnalisme de MmeE..., dont certains évoquent les répercussions psychologiques et financières que l'incendie de son véhicule lui a occasionnées, d'autres, les difficultés personnelles des deux stagiaires non imputables à l'attitude des tutrices, la notation en cause doit être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la manière de servir de cet agent. Le centre hospitalier de Cadillac n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision.
Sur la légalité de la sanction :
9. Pour infliger un blâme à MmeE..., l'autorité disciplinaire s'est fondée sur l'atteinte aux droits des personnes malades garantis par la loi du 4 mars 2002 et sur les manquements aux obligations fixées par les articles R. 4312-2, R. 4312-25 et R. 4312-26 du code de la santé publique garantissant le respect de la dignité du patient, la dispense de soins à toute personne avec la même conscience et la prise en compte en toute circonstance de l'intérêt du patient. Elle a retenu les motifs suivants : " attitudes agressives et coercitives dans la prise en charge de patients et propos irrespectueux à leur égard notamment le 20 juin 2012, ton agressif lors de réunions vis-à-vis de ses responsables et encadrement inadapté des étudiants en stage ".
10. Quand bien même la matérialité de l'ensemble des faits reprochés serait établie, ces faits ponctuels ne peuvent être regardés, dans les circonstances rappelées au point 8, comme constitutifs d'une faute pouvant légalement justifier une sanction. Le centre hospitalier de Cadillac n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a annulé cette sanction.
Sur l'appel incident :
11. MmeE..., qui n'a d'ailleurs formé aucune demande d'exécution du jugement, admet avoir reçu notification, le 25 août 2014, d'une nouvelle fiche de notation assortie de la même appréciation littérale mais portant à 17,25 sa note chiffrée compte tenu de la progression du critère " Esprit d'initiative " de 3,40 à 3,45, de celui de l'aptitude psychologique à l'exercice de la fonction de 3,30 à 3,45 et celui de la " Tenue générale et ponctualité " de 3,40 à 3,45. Elle maintient en appel sa demande d'injonction de révision de sa notation au titre de l'année 2012 et de retrait de la sanction en faisant valoir que cette nouvelle note n'est pas conforme à la progression annuelle de 0,25 et que " cette stagnation constitue une sanction ".
12. Mme E...n'a aucun droit à l'augmentation de sa note par rapport à celle de l'année précédente, l'administration étant seulement tenue de revoir, au vu des services accomplis, la notation annulée par le juge administratif. L'exécution du jugement impliquait seulement la notification d'une nouvelle fiche de notation au titre de l'année 2012. Par suite et en tout état de cause, les conclusions de Mme E...tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de Cadillac de lui attribuer une note supérieure ou égale à 17,50 au titre de l'année 2012 compte tenu de la progression annuelle " normale " de 0,25 ne peuvent être accueillies. L'exécution du jugement n'impliquant pas davantage la révision de la notation au titre de l'année 2013, les conclusions de la requérante tendant à l'attribution à ce titre d'une note chiffrée au moins égale à 17,75, d'ailleurs nouvelles en appel, ne peuvent être accueillies.
13. Si Mme E...demande à la cour d'enjoindre à son employeur de retirer le blâme infligé le 11 juin 2013, l'article 2 de l'arrêté litigieux prévoit l'effacement automatique de la sanction " au bout de 3 ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ". Il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué qu'une nouvelle sanction ou que tout autre élément aurait fait obstacle à l'effacement du blâme à compter du 11 juin 2016. Les conclusions de Mme E...sont donc privées d'objet et ne peuvent être accueillies.
14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'appel principal, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par MmeE..., et l'appel incident doivent être rejetés.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeE..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamnée sur ce fondement. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier de Cadillac la somme de 1 200 euros à payer à MmeE....
DECIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Cadillac est rejetée.
Article 2 : Le centre hospitalier de Cadillac paiera à Mme E...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme E...est rejeté.
2
N° 14BX02565