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15/11/2016 | FRANCE | N°14BX01581

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2016, 14BX01581


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 février 2011 par laquelle l'autorité militaire de troisième niveau a prononcé la résiliation disciplinaire de son contrat.

Par un jugement n° 1101751 du 10 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mai 2014 et le 18 mars 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du 10 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse et d'annuler pour excès d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 février 2011 par laquelle l'autorité militaire de troisième niveau a prononcé la résiliation disciplinaire de son contrat.

Par un jugement n° 1101751 du 10 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mai 2014 et le 18 mars 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse et d'annuler pour excès de pouvoir la sanction du 17 février 2011 ;

2°) d'enjoindre à l'administration, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de le rétablir dans ses droits ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Militaire sous contrat depuis le 1er août 2000, M.B..., caporal-chef alors affecté au 1er régiment de chasseurs parachutistes de la 2ème compagnie à Pamiers, a été placé en garde à vue du 25 au 27 février 2010, puis condamné par un jugement du 15 juin suivant du tribunal correctionnel de Foix pour " détention, transport, usage, offre ou cession et acquisition illicite de produits stupéfiants " en contravention à l'article 222-37 du code pénal. Cette condamnation n'était toutefois pas assortie d'une inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Informée par le caporal chef B...de son placement en garde à vue dès le 1er mars 2010, l'autorité disciplinaire de premier niveau a ouvert à son encontre et à l'encontre de quatre autres caporaux une procédure disciplinaire le 23 juin 2010 puis, après l'avoir entendu, le 28 juin suivant, a transmis la demande de sanction à l'autorité militaire de deuxième niveau, qui l'a elle-même adressée à l'autorité militaire de troisième niveau. Se prononçant le 10 décembre 2010 sur le cas des cinq militaires impliqués dans une même affaire, en application de l'article R. 4137-86 du code de la défense, le conseil d'enquête a proposépour M. B...la sanction de retrait d'emploi pendant un an. Le 17 février 2011, l'autorité militaire de troisième niveau, le général de corps d'armée commandant la région terre sud-ouest, a prononcé la résiliation disciplinaire du contrat de M.B.... Celui-ci relève appel du jugement du 10 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. En vertu des articles L. 4137-1 et L. 4137-2 du code de la défense, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires, réparties en trois groupes, étant prévu pour les sanctions du troisième groupe : " a) Le retrait d'emploi défini par les dispositions de l'article L.4138-15; b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat ". L'article L.4138-15 du code de la défense prévoit que le retrait d'emploi par mise en non activité est prononcé pour une durée qui ne peut excéder douze mois. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. Le bulletin de sanction mentionne que de mars 2008 à juillet 2009, M. B...a " consommé et revendu des produits stupéfiants de type cocaïne notamment à des militaires de son régiment ". La matérialité des faits de consommation illicite de cocaïne pendant près de dix-huit mois, au demeurant établie par un jugement pénal devenu définitif, n'est pas contestée par M.B.... En appel, le ministre de la défense fait valoir que ces agissements, contraires aux devoirs de discipline, de loyalisme, d'honneur et de dignité rappelés notamment par les articles L. 4111-1 et D. 4122-1 du code de la défense, sont de nature à affecter la manière de servir de l'intéressé et l'exécution des missions de l'institution militaire en portant atteinte à son image. M. B...précise toutefois, d'une part, n'avoir jamais consommé cette substance, ni même aucune autre substance illicite, lors de missions ou dans l'enceinte militaire, d'autre part, s'être borné à en faire un usage festif et occasionnel " certains week-ends... chez le caporal D. " en compagnie de ce dernier et de trois autres collègues, pour gérer son stress professionnel. Il n'est pas contredit sur ce point et insiste en particulier sur le fait qu'il n'a jamais consommé seul ou dans un lieu public, ce qui n'est pas davantage contesté. S'agissant du grief tiré du commerce de stupéfiants, M. B...indique que ces opérations consistaient tout au plus en des " échanges " au sein d'un groupe de cinq amis ayant leurs propres fournisseurs, opérations dont il affirme sans être contredit n'avoir retiré aucun bénéfice en indiquant notamment " chacun de nous achetait et revendait aux uns et aux autres ". M. B...se prévaut, en outre, de l'absence de toute sanction antérieure et de ses excellents états de service, établis tant par les médailles et distinctions attribuées que par ses fiches d'évaluation très élogieuses au titre des années 2006 à 2010 mentionnant notamment " soldat de très grande valeur, digne de confiance, à fort potentiel, se distinguant par son professionnalisme, à suivre avec bienveillance et méritant de réussir son parcours professionnel... ". Il déclarait, devant le conseil d'enquête réuni le 10 décembre 2010, regretter ses actes, avoir cessé toute consommation en 2009, ce que confirmaient les analyses toxicologiques du mois d'avril 2010, et indiquait accepter de se soumettre à tout nouveau test. Le requérant invoque, enfin, la circonstance, que le juge administratif peut, même s'il n'y est pas tenu, prendre en compte dans son appréciation des faits, que sa condamnation pénale n'a été assortie d'aucune inscription au bulletin n° 2 de son casier judiciaire.

4. Même commis en dehors du service, les agissements en cause sont de nature à porter atteinte à la dignité militaire et au renom de l'armée. Compte tenu notamment du grade et des responsabilités de M.B..., ils pouvaient légalement justifier une sanction disciplinaire, ce que l'intéressé ne conteste d'ailleurs pas. Toutefois, dans les circonstances très particulières de l'affaire, compte tenu tant de la manière de servir de l'intéressé que du caractère ponctuel de ses agissements d'ordre privé, la résiliation de son contrat, sanction la plus sévère du dernier groupe, alors, au demeurant, que le conseil d'enquête avait, ainsi qu'il a été dit au point 1, proposé la sanction moins sévère de retrait temporaire d'emploi, première des sanctions du troisième groupe, n'est pas proportionnée à la gravité des fautes commises. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni de se prononcer sur la régularité du jugement, à la supposer contestée, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que par ledit jugement, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la sanction litigieuse.

5. L'exécution du présent arrêt, qui ne fait pas obstacle à l'infliction, en cas de reprise de la procédure disciplinaire, d'une sanction moins sévère, implique nécessairement la réintégration de M. B...et la reconstitution administrative de sa carrière. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au ministre de la défense de prendre ces mesures dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à payer à M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse et la décision du 17 février 2011 du général de corps d'armée commandant la région terre sud-ouest sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de la défense de réintégrer M. B...et de procéder à la reconstitution administrative de sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

2

N° 14BX01581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01581
Date de la décision : 15/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Personnels militaires et civils de la défense - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires - Discipline.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Contrôle du juge de l'excès de pouvoir - Appréciations soumises à un contrôle normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-11-15;14bx01581 ?
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