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18/10/2016 | FRANCE | N°16BX01489

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 18 octobre 2016, 16BX01489


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 23 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans.

Par une ordonnance n° 1503967 du 27 novembre 2015, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 30 août 2016, M.B..., représe

nté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 27 novembre 2015 ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 23 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer une carte de résident de dix ans.

Par une ordonnance n° 1503967 du 27 novembre 2015, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 mai 2016, et un mémoire en réplique enregistré le 30 août 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 27 novembre 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 mars 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer le titre sollicité et de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi que la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant bangladais, titulaire d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " régulièrement renouvelé, M. B...a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la carte de résident de dix ans qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel de l'ordonnance du 27 novembre 2015 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif, statuant sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. En vertu du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de tribunal administratif peuvent rejeter, par ordonnance après l'expiration du délai de recours les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

3. Pour rejeter la requête, le premier juge a estimé que : " si M. B...soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait relative à la condamnation pénale dont il a fait l'objet le 28 octobre 2014, il ne produit pas le jugement du tribunal correctionnel de Toulouse ; que l'absence d'examen de la situation personnelle du requérant ne ressortant ni de la motivation de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, ce moyen n'est manifestement pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'enfin, si M. B...soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ce moyen n'est assorti que de faits manifestement insusceptibles de venir à son soutien dès lors que M.B..., qui ne justifie pas de ressources d'un montant au moins égal au salaire minimum de croissance, ne remplit pas les conditions de délivrance d'une carte de résident ".

4. A l'appui de sa demande, M. B...invoquait le moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle en précisant que cette erreur de droit était révélée par la circonstance que le préfet ne précisait pas dans sa décision le montant des revenus qu'il estimait insuffisants et qu'il avait commis une erreur de fait concernant sa condamnation pénale. Le premier juge a estimé que " l'absence d'examen de la situation personnelle du requérant ne ressortant ni de la motivation de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier, ce moyen n'est manifestement pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ". Toutefois, quel que soit son bien-fondé, ce moyen de légalité interne n'était pas " manifestement dépourvu de précisions permettant d'en apprécier le bien fondé " au sens des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. De même, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation étaient assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ainsi que de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient ni irrecevables, ni inopérants. Enfin, à l'appui de son moyen de légalité interne contestant l'exacte application du texte, le requérant précisait notamment qu'il était propriétaire d'un fonds de commerce de restauration générant des chiffres d'affaires annuels respectifs de 68 398 euros et 70 857 euros en 2012 et en 2013. Le moyen ne pouvait donc être regardé comme " assorti de faits manifestement insusceptibles de venir à son soutien " au sens du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que, par application de ces dispositions, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.B.... Il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée, d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette demande.

Sur le refus de carte de résident de longue durée :

5. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France (...) sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles (...) L.313-11, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention "résident de longue durée-CE" (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence (...) appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur ... Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...) ". En vertu de l'article R. 314-1-1 du même code, l'étranger doit justifier qu'il remplit ces conditions en présentant : " 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien (...) appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ". Ces dispositions doivent être interprétées conformément aux objectifs de la directive du 25 novembre 2003, dont elles assurent la transposition et qui visent à permettre la délivrance d'un titre de séjour de longue durée, valable dans l'ensemble du territoire de l'Union, aux ressortissants de pays tiers résidant dans un Etat membre et remplissant certaines conditions, dont celle de disposer de ressources suffisantes pour ne pas être à la charge de l'Etat, ainsi qu'à uniformiser la définition des ressources prises en compte à cette fin.

6. En premier lieu, la régularité d'une décision ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs. En l'espèce, après avoir visé les textes applicables, notamment l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a reproduit des extraits, le préfet a indiqué à M.B..., d'une part, qu'il ne justifiait pas, sur la période considérée, de ressources d'un montant au moins égal au salaire minimum de croissance, d'autre part, qu'il ne présentait pas les garanties d'intégration républicaine requises pour la délivrance du titre sollicité. Cette motivation, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait en constituant le fondement, a mis l'intéressé à même de présenter utilement ses observations, alors même qu'elle ne précisait pas le montant exact retenu pour l'appréciation de la condition de ressources. Elle est ainsi conforme aux exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 désormais repris à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En deuxième lieu, si le requérant invoque l'atteinte à son droit à être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union Européenne et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en raison même de l'accomplissement de sa démarche tendant au bénéfice d'un titre de séjour, il ne pouvait ignorer qu'il pouvait se voir opposer un refus et il lui appartenait, à l'occasion du dépôt et de l'instruction de sa demande, de produire à l'administration tous éléments utiles. Or, il n'établit ni même n'allègue avoir sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux ou avoir été empêché de faire valoir ses observations.

8. En troisième lieu, le défaut de toute précision quant au montant des ressources du demandeur et l'erreur de fait commise par le préfet en ce qui concerne sa condamnation pénale ne révèlent pas par eux-mêmes un défaut d'examen de sa situation.

9. En quatrième lieu, le requérant fait valoir que depuis l'année 2011, il est propriétaire d'un fonds de commerce de restauration qui a généré un chiffre d'affaires annuel d'environ 68 398 euros en 2012 et 70 857 euros en 2013 et que si en 2014, ce montant a diminué en raison de son incarcération, il réalise désormais un chiffre d'affaires mensuel de 8 000 à 9 000 euros. Toutefois, à défaut d'éléments relatifs notamment à ses bénéfices, il ne justifie pas avoir disposé, au cours des cinq années précédant sa demande, de ressources, compte non tenu des aides sociales, correspondant au montant annuel moyen du salaire minimum de croissance, d'environ 17 400 euros bruts. Par suite, même s'il justifiait d'un séjour continu en France supérieur à cinq ans sous couvert d'une carte de séjour temporaire, il ne remplissait pas l'ensemble des conditions requises pour pouvoir prétendre au bénéfice de la carte de résident prévue à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'établit ni même n'allègue être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit et ne justifie pas de l'évolution favorable de sa situation en ce qui concerne la stabilité et la régularité de ses revenus. Par suite, en ne faisant pas application, à la supposer invoquée, de la dérogation prévue à l'article R. 314-1-1 du code, cité au point 5, le préfet n'a pas fait une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce.

10. En cinquième lieu, dès lors que la décision de refus de séjour était légalement justifiée par les motifs rappelés au point 9, l'erreur de fait commise par le préfet est sans incidence sur la légalité de sa décision, qu'il aurait prise même s'il ne s'était pas fondé sur les éléments retenus par le tribunal correctionnel, qui a déclaré M. B...coupable du seul délit " d'aide ou assistance à l'entrée ou au séjour d'étrangers en situation irrégulière en bande organisée ".

11. Enfin, le requérant, qui bénéficie d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de la décision litigieuse prise sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de la fragilité de son état de santé ou de celui de sa fille, de sa maîtrise de la langue française, de ses efforts d'intégration, de la scolarisation de ses enfants, de sa situation familiale et de son ancienneté de séjour au-delà des cinq années requises par la loi.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 11 que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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N° 16BX01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01489
Date de la décision : 18/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Portée des règles du droit de l'Union européenne - Directives.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Jugements - Composition de la juridiction.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL SYLVAIN LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-18;16bx01489 ?
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