Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 7 mai 2012 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a mis fin à son agrément en qualité d'aumônier régional à compter du 2 mai 2012.
Par un jugement n° 1202937 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 février 2015, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 octobre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 7 mai 2012 ;
3°) d'enjoindre au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de l'autoriser à exercer les fonctions d'aumônier du culte musulman à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'administration n'a pas procédé au retrait de son agrément ; or ce retrait ne pouvait intervenir que dans le délai de quatre mois suivant la signature de l'agrément ; la procédure de retrait est donc irrégulière ;
- si le directeur des services pénitentiaires était compétent pour retirer un agrément, il devait préalablement solliciter l'avis du préfet en vertu des dispositions de l'article D. 439 du code de procédure pénale ;
- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors qu'il n'a pas été entendu, ni même été invité à présenter ses observations préalablement à la décision attaquée ;
- le principe de non rétroactivité des actes administratifs a été méconnu ; en effet, la décision du 7 mai 2012 prend effet à compter du 2 mai 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2016, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 9 décembre 1905 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 15 septembre 2016 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue ;
- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...A...exerçait les fonctions d'aumônier musulman régional en milieu carcéral auprès de la direction des services pénitentiaires de Toulouse. Par décision du 7 mai 2012, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a mis fin à son agrément en qualité d'aumônier régional des prisons à compter du 2 mai 2012. M. A...relève appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'Etat dispose, dans son alinéa premier, que " la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte " mais prévoit, dans son second alinéa, que " pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. ". L'article 26 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire réaffirme le droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion de chaque personne détenue et rappelle que chacune d'entre elles peut exercer le culte de son choix selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement. L'article R. 57-9-3 nouveau du code de procédure pénale (CPP) dispose pour sa part que " chaque personne détenue doit pouvoir satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ".
3. L'article D. 439 du code de procédure pénale prévoit : " L'agrément des aumôniers est délivré par le directeur interrégional des services pénitentiaires après avis du préfet du département dans lequel se trouve l'établissement visité, sur proposition de l'aumônier national du culte concerné ".
4. Par la décision attaquée, qui n'a pas été prise à l'initiative de l'administration pénitentiaire, et qui ne constitue pas le retrait d'une décision administrative, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a mis fin à l'agrément d'aumônier musulman régional de M.A..., à la suite de la demande en ce sens présentée par l'aumônier musulman national des prisons le 4 avril 2012.
5. M. A...se trouvait placé, compte tenu de son ministère religieux, dans une situation telle que la demande formulée par l'autorité religieuse dont il dépendait faisait obstacle au maintien de son agrément en qualité d'aumônier régional des prisons. Ainsi, l'administration était tenue comme elle l'a fait par la décision du 7 mai 2012 de mettre un terme à cet agrément. Dans ces conditions, les moyens invoqués par le requérant à l'encontre de cette décision sont inopérants, à l'exception de celui tiré de l'illégalité de son effet rétroactif.
6. La décision du 7 mai 2012 ne pouvait légalement entrer en vigueur qu'à compter de sa notification à M.A.... Elle doit dès lors être annulée en tant qu'elle a donné effet au retrait de l'agrément en litige à la date du 2 mai 2012.
7. Il résulte de ce qui précède, que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande aux fins d'annulation de la décision du 7 mai 2012 en ce qu'elle comporte un effet rétroactif au 2 mai 2012.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.".
9. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'a pas pour effet de rétablir M. A... dans les fonctions d'aumônier musulman régional et n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 7 mai 2012 en tant qu'elle porte effet d'une date antérieure à celle de sa notification à M. A... ainsi que le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il porte rejet des conclusions de la demande de M. A...aux fins d'annulation de ladite décision en ce qu'elle comporte cet effet rétroactif sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête de M. C...A...est rejeté.
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N° 15BX00693