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13/10/2016 | FRANCE | N°14BX01206

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2016, 14BX01206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 101 932,40 euros en réparation du préjudice subi du fait de l' illégalité des refus d'autorisation d'exploiter du préfet des Deux-Sèvres en date du 25 octobre 2000 et du 25 août 2005, depuis la fin de l'année culturale 2004-2005 jusqu'à la fin de l'année culturale 2008-2009, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, à lui rembourser les f

rais de l'expertise qu'il a diligentée, d'un montant de 1 853,80 euros.

Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 101 932,40 euros en réparation du préjudice subi du fait de l' illégalité des refus d'autorisation d'exploiter du préfet des Deux-Sèvres en date du 25 octobre 2000 et du 25 août 2005, depuis la fin de l'année culturale 2004-2005 jusqu'à la fin de l'année culturale 2008-2009, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts et, d'autre part, à lui rembourser les frais de l'expertise qu'il a diligentée, d'un montant de 1 853,80 euros.

Par un jugement n° 1101678 du 13 février 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à M. B...une indemnité de 68 109,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 août 2010 et capitalisation des intérêts échus le 6 août 2011 et à chaque échéance annuelle, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 18 avril 2014 et le 7 décembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers et de rejeter la demande de M.B....

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole ;

- le code civil ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relève appel du jugement du 13 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à la demande de M.B..., qui exerce la profession d'agriculteur, en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 68 109,37 euros assortie des intérêts, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité du refus opposé le 25 octobre 2005 par le préfet des Deux-Sèvres à sa demande d'autorisation d'exploiter des terres.

2. Il résulte de l'instruction que par une première décision du 25 octobre 2000, le préfet des Deux-Sèvres a refusé à M. B...l'autorisation d'exploiter des terres d'une superficie de 40 hectares et 36 ares situées sur le territoire de la commune de Massais, précédemment mises en valeur par M. C.... Par arrêt du 17 mai 2005, la Cour a prononcé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Le 25 août 2005, le préfet des Deux-Sèvres a opposé un nouveau refus à M.B... qui a saisi le tribunal administratif de Poitiers de deux demandes tendant l'une à la réparation du préjudice subi du fait du refus initial et l'autre à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 25 août 2005. Par un arrêt en date du 29 janvier 2009 qui n'a fait l'objet d'aucun pourvoi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit aux conclusions indemnitaires de M. B...à hauteur de la somme globale de 99 505,54 euros et a annulé la décision du 25 octobre 2005 du préfet des Deux-Sèvres comme fondée sur des motifs erronés.

Sur le lien de causalité entre la faute de l'administration et le préjudice de M. B... :

3. L'illégalité qui entache le refus du préfet des Deux-Sèvres de délivrer l'autorisation d'exploiter les terres en cause le 25 août 2005, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M.B....

4. Aux termes de l'article L. 411-58 du code rural : " Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit du conjoint (...). /Toutefois, le preneur peut s'opposer à la reprise (...)/Si l'opération envisagée est subordonnée à une autorisation en application des dispositions (...) concernant le contrôle des structures des exploitations agricoles, la reprise ne peut être obtenue que si cette autorisation a été accordée. Si la décision prise à ce sujet n'est pas devenue définitive à la date normale d'effet du congé, le tribunal paritaire sursoit à statuer, le bail en cours étant prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant laquelle cette décision est devenue définitive. Si la décision définitive intervient dans les deux derniers mois de l'année culturale en cours, le bail est prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale suivante (...) ". Aux termes de l'article R. 331-7 du même code : " (...) Dans le cas d'une reprise de biens par l'effet d'un congé notifié sur le fondement de l'article L. 411-58, le bénéficiaire adresse sa déclaration au service compétent, au plus tard dans le mois qui suit le départ effectif du preneur en place (...) ".

5. En premier lieu, pour contester le lien de causalité entre le refus d'exploiter du 25 août 2005 opposé à M. B...et le préjudice de ce dernier, le ministre fait valoir que, du fait de l'action entreprise par le preneur évincé devant le tribunal paritaire des baux ruraux en vue de faire échec à la reprise des terres qu'il exploitait, M. B...était dans l'impossibilité de les exploiter jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 3 novembre 2009 qui a confirmé la validité du congé délivré en 2000 à M.C..., preneur en place. Toutefois, si le tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire saisi par M. C...a sursis à statuer sur la contestation du congé de ce dernier qui lui avait été délivré le 6 avril 2000, c'est uniquement dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Poitiers statuant sur la demande de M. B...tendant à l'annulation du refus d'autorisation d'exploiter opposé par le préfet. Il en est de même du sursis à statuer prononcé par la cour d'appel de Poitiers dans l'attente de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux devant statuer sur la légalité du refus d'autorisation d'exploiter opposé par le préfet le 25 août 2005. Le ministre ne saurait dès lors utilement soutenir que l'impossibilité dans laquelle M. B...s'est trouvé d'exploiter ses terres trouve son origine dans l'action entreprise par le preneur évincé devant le tribunal paritaire des baux ruraux dès lors que les décisions du juge judiciaire intervenues au cours de la procédure ayant abouti à différer le congé donné à M. C...sont elles-mêmes la conséquence du refus d'exploiter opposé illégalement par le préfet.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 : " I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : /1° Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures. (...)/II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies:/1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I; /2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration;/3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins.(...) ".

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M.C..., preneur en place des terres en cause, a contesté le congé qui lui avait été délivré par sa soeur le 6 avril 2000 devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire qui a sursis à statuer, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 411-58 du code rural. Ainsi, les terres en cause ne pouvaient pas être regardées comme étant libres de location avant que ne soit rendu l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 3 novembre 2009 annulant le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Bressuire du 20 mars 2006 et confirmant la validité du congé donné à M.C.... Dès lors, le ministre ne peut pas utilement opposer à M. B...les termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole pour soutenir que l'impossibilité d'exploiter de M. B...aurait cessé le 5 janvier 2006.

8. En troisième lieu, par l'arrêt en date du 29 janvier 2009, devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Bordeaux a reconnu le droit à réparation du préjudice résultant pour M. B... de l'impossibilité d'exploiter les terres dont s'agit par suite de l'illégalité de la décision du 25 octobre 2000, l'administration ne faisant état d'aucun autre motif qu'elle aurait pu légalement opposer à M. B...à la date de cette décision. L'appréciation du préjudice a porté sur la perte liée à l'impossibilité d'exploiter les parcelles dont s'agit entre le 1er novembre 2001, date d'effet du congé donné à M.C..., et le 18 juillet 2005, date à laquelle les opérations d'expertise ont été clôturées. Ce préjudice a présenté un caractère continu en raison du nouveau refus d'exploiter opposé le 25 août 2005 à M. B...alors que les terres étaient encore exploitées par M.C.... Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, M. B...était fondé à se prévaloir d'un préjudice pour la période postérieure au 18 juillet 2005 qui n'avait pas été réparé par l'arrêt de la Cour ayant annulé par ailleurs pour un motif erroné la décision du 25 août 2005.

Sur l'évaluation du préjudice :

9. En premier lieu, Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont déterminé l'indemnité due à M. B...sur la période s'étendant depuis la fin de l'année culturale 2004-2005 jusqu'à la fin de l'année culturale 2008-2009.

10. En deuxième lieu, les premiers juges, pour évaluer le préjudice pour perte d'exploitation, se sont notamment référés à l'expertise diligentée par M. B...dont l'évaluation a été faite sur la base de rendements similaires à ceux que la cour, sur la base d'une estimation réalisée par le même expert, avait déjà estimé dans l'arrêt n° 07BX00611 comme n'étant pas excessifs. Dans ces conditions et eu égard aux éléments peu circonstanciés produits par le ministre, il n'y a pas lieu de réduire le montant de l'indemnité fixée par le tribunal.

11. Enfin, et dès lors que l'expertise réalisée aux frais de M. B...a été utile à la solution du litige, le ministre n'est pas fondé à contester sa prise en compte dans l'évaluation du préjudice total de l'intéressé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à indemniser M. B...de son préjudice à hauteur de la somme 68 109,37 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14BX01206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01206
Date de la décision : 13/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SCP ARTEMIS - VEYRIER - BROSSIER - GENDREAU - CARRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-13;14bx01206 ?
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