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10/10/2016 | FRANCE | N°14BX03301

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 14BX03301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la notation qui lui a été attribuée pour l'année 2012 par La Poste ainsi que la décision reçue le 26 avril 2014 par voie électronique, confirmée le 2 mai 2012, par laquelle elle a été nommée chargée de mission, chargée du développement commercial auprès du directeur des ventes de La Poste du département des Deux-Sèvres.

Par un jugement n° 1202494 du 16 septembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les d

écisions des 26 avril et 2 mai 2012 du directeur de La Poste prononçant la mutation d'of...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la notation qui lui a été attribuée pour l'année 2012 par La Poste ainsi que la décision reçue le 26 avril 2014 par voie électronique, confirmée le 2 mai 2012, par laquelle elle a été nommée chargée de mission, chargée du développement commercial auprès du directeur des ventes de La Poste du département des Deux-Sèvres.

Par un jugement n° 1202494 du 16 septembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 26 avril et 2 mai 2012 du directeur de La Poste prononçant la mutation d'office de Mme D...A..., en tant qu'elles la concernent, ensemble le rejet de son recours gracieux, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2014, La Poste, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2014 en ce qu'il a annulé les décisions précitées des 26 avril et 2 mai 2012, ensemble le rejet du recours gracieux formé par Mme A...;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de mutation de Mme A...devait s'analyser comme une sanction disciplinaire ; elle n'avait pas pour objet de sanctionner la moindre faute ; en tout état de cause, elle n'a entraîné aucun déclassement de MmeA... ; il s'agissait d'une mutation dans l'intérêt du service ;

- en effet cette mutation s'inscrit dans le cadre des mesures préventives mises en place par La Poste, afin de prévenir tout harcèlement moral eu égard aux fautes qui étaient reprochées à MmeA... ; en effet, un rapport rédigé par la commission pluridisciplinaire met en avant de graves dissensions entre Mme A...et ses subordonnés ; au regard de la personnalité de Mme A...et de la situation au sein de son service, le médecin du travail a estimé qu'elle " ne doit plus jamais manager des salariés " ; cette situation portait atteinte au bon fonctionnement du service et pouvait conduire à porter atteinte à la santé de ses agents, dont celle de MmeA... ; sa mutation était donc justifiée afin de prévenir les risques psycho sociaux pouvant apparaître dans le service ; La Poste n'avait cependant aucunement l'intention de sanctionner une quelconque faute commise par MmeA... ;

- le nouveau poste ne constituait pas un déclassement pour MmeA... ; il a, au contraire, donné à Mme A...de nouvelles fonctions d'une échelle supérieure à celles de son ancien poste, qui sont des fonctions de direction et de développement commercial ; la mutation d'office de Mme A...n'est donc pas constitutive d'un déclassement susceptible d'être requalifié en sanction disciplinaire ;

- cette mutation n'a pas eu de conséquences sur la situation financière de Mme A... ; au contraire, son salaire a augmenté et elle a bénéficié d'une prime d'accompagnement géographique ;

- il ne s'agit donc pas d'une sanction disciplinaire déguisée, La Poste n'ayant eu aucune intention répressive ; en revanche, il ressort de la dernière fiche de notation de Mme A... que celle-ci se heurtait à des difficultés relationnelles avec ses agents ; la mutation d'office en litige s'inscrit simplement dans le cadre des mesures préventives prises par La Poste dans l'intérêt du service et de ses agents ; la décision de mutation ne fait d'ailleurs pas référence à des manquements à des obligations professionnelles ; elle se réfère uniquement à la situation conflictuelle constatée en indiquant des manquements " par rapport au référentiel de management de La Poste ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2015, MmeA..., représentée par la SCP E...- Kolenc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les décisions attaquées traduisent bien la volonté de La Poste de tirer les conséquences de ses manquements professionnels en termes de management ;

- cette mutation n'est pas dénuée de conséquences sur sa situation professionnelle, puisque elle a entraîné un changement de sa résidence administrative et lui a ôté toute tâche d'encadrement ; elle a également entraîné une diminution de son régime indemnitaire, par la diminution de sa prime intitulée " part variable " ;

- il s'agit donc bien d'une sanction disciplinaire déguisée ; elle aurait donc dû être mise à même de pouvoir consulter don dossier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant La Poste et de Me E..., représentant MmeA... ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., agent public titulaire de La Poste, occupait, depuis janvier 2009, le poste de " directeur d'établissement terrain " pour le secteur de l'Ile-de-Ré (Charente Maritime). Par décision du 26 avril 2012, confirmée le 2 mai 2012, elle a été mutée dans le département des Deux-Sèvres en tant que chef de projet pour assurer, à compter du 4 juin 2012, des fonctions de " chargée de mission développement commercial " auprès du directeur des ventes de ce département. Son recours gracieux à l'encontre de ces décisions, en date du 21 mai 2012, a fait l'objet d'un rejet implicite. La Poste fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 septembre 2014 en ce qu'il a, à la demande de Mme A..., annulé les décisions précitées des 26 avril et 2 mai 2012 portant mutation de MmeB..., ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin de réformation du jugement :

2. D'une part, si un agent public est titulaire de son grade, mais n'est pas titulaire de son emploi, lequel peut être modifié par l'employeur dans l'intérêt du service, le changement d'affectation ne peut cependant être regardé comme une simple mesure d'ordre intérieur prise dans l'intérêt du service et donc insusceptible de recours, lorsqu'il conduit à une modification importante des missions de l'agent, notamment dans le sens d'un abaissement de ses responsabilités ou d'une baisse de ses avantages pécuniaires, ou d'un changement du lieu et des conditions d'exercice des fonctions et ce, alors mêmes que les nouvelles fonctions sont au nombre de celles qui peuvent être confiées au cadre d'emplois dont relève l'agent. Il s'agit alors d'une mutation, susceptible de recours.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A...occupait des fonctions de directeur d'établissement à la Flotte-en-Ré, qui consistaient en des fonctions de gestion financière, budgétaire et comptable et d'animation d'un établissement postal, en des pouvoirs en matière d'opérations bancaires, financières et d'assurance dans l'intérêt de La Poste, ainsi qu'en des fonctions d'encadrement du personnel, toutes fonctions pour lesquelles elle disposait d'une délégation de signature du directeur de La Poste. Au titre de sa nouvelle affectation en tant que chargée de mission pour le développement commercial auprès du directeur des ventes des Deux-Sèvres, elle n'assume plus aucune fonction de direction ou d'encadrement, ne dispose plus d'aucune délégation de pouvoir ou de signature, mais se voit confier des missions de prospection et de développement commercial. Si La Poste fait valoir que, ce faisant, Mme A...n'a subi aucun déclassement professionnel dans la mesure où son nouveau poste correspond à ses compétences techniques reconnues, cette affectation a conduit, en tout état de cause, non seulement à une modification importante de ses missions mais aussi à la suppression de ses responsabilités en matière d'encadrement et d'organisation du service, et de l'autonomie qui était celle d'un directeur d'établissement, ainsi qu'à un changement du lieu des conditions d'exercice de ses fonctions. Dans ces conditions, l'affectation qu'a reçue Mme A...doit être regardée comme une mutation, ce que ne conteste d'ailleurs pas La Poste, qui l'évoque en termes de " mutation d'office ".

4. D'autre part, la mutation constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que le changement d'affectation n'a été pas été décidé seulement pour remédier à des problèmes d'organisation ou, plus largement, aux nécessités du service, mais que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

5. La Poste fait valoir que la mutation de Mme A...a été décidée dans l'intérêt du service, dès lors qu'avaient été détectées des situations " de graves dissensions avec ses subordonnés ", sa mutation étant ainsi " justifiée afin de rétablir une certaine sérénité dans ce service et de prévenir les risques psychosociaux ". La Poste produit également le rapport de l'enquête contradictoire établi conjointement au sein de l'établissement par la responsable des ressources humaines, l'assistante sociale et le médecin du travail, dans lequel ce dernier conclut à une " intention de nuire " de la part de Mme A...et à ce " qu'il n'est pas souhaitable, dans l'immédiat, que Marielle B...continue à exercer des fonctions managériales du fait d'un comportement inadapté par son manque de réserve et par l'excessivité de ses propos et/ou attitude ". En outre, la décision du 2 mai 2012 notifiant à Mme A...sa mutation fait clairement état d'un signalement pour harcèlement moral effectué à son encontre et mentionne le fait que le rapport précité a mis en évidence " des manquements significatifs par rapport au référentiel de management de l'enseigne de La Poste ". Dans ces conditions, la mutation litigieuse, qui a fortement réduit les responsabilités de Mme B...est clairement fondée sur les fautes commises par celle-ci sur le fondement desquelles La Poste aurait régulièrement pu engager une procédure disciplinaire.

6. Il résulte de l'ensemble des circonstances précitées que les premiers juges ont, à bon droit, considéré que la décision de mutation attaquée, eu égard à ses motifs et aux conditions d'exercice du poste dans lequel Mme A...s'est trouvée affectée, s'analysait comme une sanction disciplinaire qui ne pouvait être légalement prononcée sans que l'intéressée ait été mise en mesure de présenter utilement sa défense, notamment par l'accès à son dossier.

7. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé les décisions des 26 avril et 2 mai 2012, en tant qu'elles concernent mmeA..., ensemble le rejet de son recours gracieux du 21 mai.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à Mme D...A....

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 14BX03301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX03301
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS EXEME ACTION

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-10;14bx03301 ?
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