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10/10/2016 | FRANCE | N°14BX00049

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2016, 14BX00049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lejeune et Associés a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à lui verser la somme de 17 362,36 euros au titre de l'indemnisation contractuelle à la suite de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu pour la restructuration du collège Lubet-Barbon de Saint-Pierre-du-Mont.

Par un jugement n° 1201703 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et d

es mémoires, enregistrés les 7 janvier 2014, 17 juillet 2014 et 9 mars 2015, la société Lejeune...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lejeune et Associés a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à lui verser la somme de 17 362,36 euros au titre de l'indemnisation contractuelle à la suite de la résiliation du marché de maîtrise d'oeuvre conclu pour la restructuration du collège Lubet-Barbon de Saint-Pierre-du-Mont.

Par un jugement n° 1201703 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 janvier 2014, 17 juillet 2014 et 9 mars 2015, la société Lejeune et Associés, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 7 novembre 2013 ;

2°) de condamner le département des Landes à lui verser la somme de 17 362,36 euros eu titre de l'indemnisation contractuelle liée à la résiliation du marché ;

3°) de mettre à la charge du département des Landes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif était parfaitement recevable, n'étant pas tardive ;

- pour rejeter sa demande indemnitaire, le département s'est appuyé sur l'article 18 du cahier des clauses administratives générales CCAG-PI ; or, selon la loi MOP, la mission de base ne peut être ni divisée ni réduite, nonobstant un chiffrage de chacun des éléments ; il ne ressort pas du marché, ni n'est démontré par le département, que son intention avait été de procéder à un phasage pour pouvoir utiliser le mécanisme de l'article 18 précité ; le marché n'a pas expressément prévu cette possibilité ; au contraire, l'article 21-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) indique que le maître d'oeuvre pourra revendiquer, à titre d'indemnisation, 4 % du montant du marché ; en l'espèce, elle est donc en droit de solliciter 4 % de 434 058,99 euros, soit 17 362,36 euros ;

- elle a également droit à être indemnisée en raison de l'arrêt de l'exécution des travaux ; si l'article 19 du CCAP autorise le titulaire du marché à arrêter l'exécution des travaux, son article 21-1 régit le cas où la résiliation est le fait du maître de l'ouvrage ; il ne s'agit pas de deux procédures différentes de résiliation ; la lecture que fait le département de ces deux articles est volontairement erronée ; il est d'ailleurs prévu dans la décision de résiliation que celle-ci intervient pour un motif d'intérêt général ; le motif invoqué date de 2010 et n'a été invoqué qu'en 2011 ;

- l'objectif était de résilier un marché sans indemniser le maître d'oeuvre, alors qu'il résulte de l'instruction que les travaux prévus dans le marché résilié ont été réalisés par d'autres entreprises dans les semaines qui ont suivi la résiliation ; la dialectique de la charge de la preuve imposait au département des Landes de démontrer que les travaux faisant l'objet du marché ont été effectivement arrêtés ; en réalité, le département a fait réaliser, après la résiliation du marché, et sans appel d'offres, certains travaux, comme la rampe handicapés ou la VMC de l'externat ; contrairement à ce qu'a considéré le tribunal administratif, c'est donc bien à moyen terme que la programmation de la construction du collège s'est poursuivie ; elle a donc été évincée sur un motif volontairement erroné ; l'irrégularité de son éviction justifie une indemnisation ; il est également permis de s'interroger sur le cadre juridique et technique des travaux réalisés après résiliation, effectués sans appels d'offre et sans validation par un bureau technique ;

- au total, il ne peut être soutenu que l'article 19 du CCAP emporterait par principe l'exclusion des dispositions de l'article 21 du même CCAP, de sorte que la stipulation en litige ne saurait relever des résiliations prévues par l'article 39 du CCAG-PI, mais bien de l'article 36-2, conformément aux dispositions de l'article 21 du CCAP.

Par des mémoires en défense et un mémoire en production de pièces, enregistrés le 23 juin 2014, 3 octobre 2014 et 13 août 2015, le département des Landes, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Lejeune et Associés la somme de 3 000 euros au titre de l'article l. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société Lejeune et Associés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me A...du cabinet Chapon et Associés, représentant le département des Landes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 août 2009, le département des Landes a chargé la société d'architecture Lejeune et Associés du marché de maîtrise d'oeuvre de la restructuration du collège Lubet-Barbon de Saint-Pierre-du-Mont, marché d'un montant de 434 058,99 euros TTC aux termes dudit acte. Cependant, par lettre en date du 19 avril 2012, le département a notifié à la société l'arrêt de l'exécution du marché, motivée par " l'absence de programmation à moyen terme de la poursuite de l'opération de restructuration du collège ". La société Lejeune et Associés fait appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 7 novembre 2013, qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Landes à lui verser l'indemnité forfaitaire due en cas de résiliation du marché, et réclame à ce titre 4 % de 434 058,99 euros, soit 17 362,36 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. D'une part, aux termes de l'article 19 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), faisant partie du contrat litigieux : " Arrêt de l'exécution de la prestation : Conformément à l'article 18 du CCAG-PI, le maître d'ouvrage se réserve la possibilité d'arrêter l'exécution des prestations au terme de chacune des phases techniques ". Aux termes de l'article 21 du même CCAP : " Résiliation du marché : Il sera fait, le cas échéant, application des articles 35 à 40 inclus du CCAG-PI avec les précisions suivantes : / Article 21-1 : Résiliation du fait du maître d'ouvrage : Pour la fixation de la somme forfaitaire figurant au crédit du maître d'oeuvre, à titre d'indemnisation, le pourcentage prévu au 4 de l'article 36-2 du CCAG-PI est fixé à 4 % ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 18 du cahier des clauses administratives générales / prestations intellectuelles (CCAG-PI) dans sa version issue du décret n°78-1306 du 26 décembre 1978 : " Lorsque les prestations sont scindées en plusieurs phases techniques, l'arrêt de leur exécution peut être décidé par la personne publique à chacune de ces phases soit de sa propre initiative, soit à la demande du titulaire, dès lors que les deux conditions suivantes sont remplies : - le marché prévoit expressément cette possibilité ; - chacune de ces phases est assortie d'un montant. / La décision d'arrêter l'exécution des prestations ne donne lieu à aucune indemnité, sauf stipulation différente du marché. / L'arrêt de l'exécution de l'étude entraîne la résiliation du marché dans les conditions du 6 et du 9 de l'article 39. (...) ". Aux termes de l'article 36-1 du même CCAG-PI : " Lorsque la personne publique résilie le marché, en tout ou partie, sans qu'il y ait faute du titulaire et en dehors des cas prévus à l'article 39, elle n'est pas tenue de justifier sa décision. Elle délivre une pièce écrite attestant que la résiliation du marché n'est pas motivée par une faute du titulaire, si ce dernier le demande. / Le titulaire est indemnisé dans les conditions prévues au 2 du présent article ". Aux termes de l'article 36.2 de ce CCAG-PI : " Sauf stipulation particulière du marché, le décompte de liquidation comprend : / (...) 4° Une somme forfaitaire calculée en appliquant au montant hors T.V.A., non révisé, de la partie résiliée du marché, un pourcentage fixé par le marché ou, à défaut, égal à 4 p. 100 ". Enfin, aux termes de l'article 39.6 dudit CCAG-PI : " Application de la clause d'arrêt d'exécution : Lorsque la personne publique fait application, dans les conditions de l'article 18, de la clause d'arrêt d'exécution des prestations, sa décision emporte résiliation du marché ".

4. Il résulte de l'annexe 1 à l'acte d'engagement du 31 août 2009, ainsi que du CCAP, que les missions qui y sont définies constituaient autant de phases techniques distinctes, dont chacune était assortie d'un montant clairement identifié lors de la conclusion du marché. La résiliation du marché par le maître d'ouvrage est intervenue alors que le maître d'oeuvre avait fini d'exécuter la phase " avant-projet sommaire " (APS), ce que ce dernier ne conteste d'ailleurs pas.

5. La requérante soutient qu'elle a été irrégulièrement évincée, dès lors que cette éviction n'était pas motivée par l'arrêt de l'exécution du marché, des travaux s'étant poursuivis postérieurement à celle-ci. A ce titre, elle produit des photographies d'une rampe d'accès pour handicapés et d'un terrain de sports, un acte d'engagement daté de septembre 2012 portant sur un marché publics de travaux pour l'installation d'une ventilation dans le bâtiment de l'externat pour un montant de 309 500 euros HT et un règlement de la consultation pour une mission de maîtrise d'oeuvre pour la restructuration du bâtiment SEGPA en date de juillet 2013. Cependant, d'une part, la production de quelques photographies ne permet pas d'établir la réalité ou la date des travaux en cause et, d'autre part, elle ne saurait se prévaloir de circonstances postérieures liées au lancement d'une nouvelle procédure de passation d'un marché de maîtrise d'oeuvre, plus d'un an après la résiliation de celui dont elle était titulaire, alors au surplus que le nouveau marché n'a pas le même objet que celui qui a été résilié. Enfin et surtout, elle n'établit pas le lien des travaux contestés avec le marché de maîtrise d'oeuvre dont l'exécution a été arrêtée, dès lors que le marché dont elle était titulaire portait sur une mission de maîtrise d'oeuvre en vue d'une restructuration globale du collège et que le tant marché de travaux de septembre 2012 que le marché de maîtrise d'oeuvre de juillet 2013 ne sont destinés qu'à des interventions partielles, l'un sur la seule réalisation d'une ventilation dans un bâtiment, l'autre sur la rénovation du seul bâtiment de la section d'enseignement général et professionnel adapté (SGPA). En tout état de cause, les éventuelles irrégularités dont seraient affectés ces marchés postérieurs sont sans incidence sur le présent litige.

6. Il résulte de ce qui précède que les conditions posées par l'article 18 du CCAG-PI ainsi que par l'article 19 du CCAP, relatives à l'existence de prestations scindées en plusieurs phases, à l'achèvement de la dernière à avoir été réalisée et à l'arrêt des prestations prévues par le marché en litige, étaient, en l'espèce, réunies. Par suite, le département des Landes a pu régulièrement utiliser la faculté d'arrêter l'exécution des prestations en application des dispositions précitées de l'article 19 du CCAP et de l'article 18 du CCAG-PI.

7. La société Lejeune et Associés revendique ensuite l'application, à la résiliation en litige, de l'article 20 du nouveau CCAG-PI, issu de l'arrêté du 16 septembre 2009. Cependant, cet arrêté, qui a été publié au Journal Officiel du 16 octobre 2009 n'est entré en vigueur que le 16 novembre 2009, soit postérieurement à l'acte d'engagement du 31 août 2009, alors au demeurant que le CCAG-PI normalement applicable est celui qui était en vigueur à la date de la consultation ou de la publication de l'avis d'appel public à concurrence. En tout état de cause, en l'espèce, le CCAP se réfère expressément au CCAG-PI de 1978, comme cela était possible en vertu de l'article 13 du code des marchés publics alors applicable.

8. Enfin, il résulte de la combinaison des dispositions précitées du CCAP et du CCAG-PI de 1978 que l'indemnisation de 4 % prévue par l'article 21-1 du CCAP ne vise que les résiliations prévues par l'article 36-1 du CCAG-PI et non les cas de résiliation prévus à l'article 39 dont relèvent les décisions par lesquelles le département des Landes a refusé cette indemnisation à la requérante, dès lors que l'article 36-1 du CCAG-PI exclut de son champ d'application les résiliations intervenues sur le fondement de l'article 39 du même document, et donc en particulier celles intervenues au titre du 6ème alinéa de cet article. Par suite, la société d'architecture Lejeune et Associés n'avait droit, en l'absence de stipulations différentes mentionnées dans le marché, et conformément aux stipulations des articles 18 et 39.9 du CCAG-PI, qu'au paiement des prestations réalisées jusqu'à la phase de l'avant-projet sommaire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lejeune et Associés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Lejeune et Associés, ainsi que les conclusions présentées par le département des Landes eu titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lejeune et Associés et au département des Landes.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 octobre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N° 14BX00049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX00049
Date de la décision : 10/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET AQUI"LEX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-10;14bx00049 ?
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