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04/10/2016 | FRANCE | N°16BX01255

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2016, 16BX01255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 21 mars 2016 par lequel le préfet de la Dordogne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, ensemble l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1601277 du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour :

I/ Par requête enregistrée le 12 avril 2016 sous le n° 16BX01255 et des mémo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté en date du 21 mars 2016 par lequel le préfet de la Dordogne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination, ensemble l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1601277 du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par requête enregistrée le 12 avril 2016 sous le n° 16BX01255 et des mémoires enregistrés respectivement le 7 juin 2016, 19 juillet 2016 et le 9 août 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mars 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Dordogne de procéder au réexamen de sa situation personnelle, notamment au regard de sa situation familiale et médicale et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, durant la durée nécessaire au réexamen de sa situation ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son avocat la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles, ce dernier s'engageant alors à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

6°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

..........................................................................................................

II/ Par requête enregistrée le 12 avril 2016 sous le n° 16BX01258 et des mémoires enregistrés respectivement les 7 juin 2016, 19 juillet 2016 et le 9 août 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mars 2016 ;

2°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Henri de Philip de Laborie,

- et les observations de MeB..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., né le 20 décembre 1978 à Erevan (Arménie), de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en France le 24 juillet 2013 selon ses propres dires, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Le 22 octobre 2013, ils ont présenté une demande d'asile qui a été instruite dans le cadre de la procédure prioritaire, l'Arménie figurant dans la liste des pays considérés comme sûrs. A la suite du rejet de leur demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 décembre 2013, le préfet de la Dordogne a, par deux arrêtés du 21 juillet 2014, refusé de délivrer à M. C...et son épouse un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. et Mme C...n'ont pas exécuté cette mesure. A la suite de son interpellation, le 21 mars 2016, par les services de police à Périgueux pour des faits de vol à l'étalage dans un hypermarché, M. C... a été placé en garde à vue puis, le jour-même, a fait l'objet de deux arrêtés du préfet de la Dordogne portant, d'une part, obligation de quitter sans délai le territoire français et fixation du pays de destination et, d'autre part, assignation à résidence dans le département de la Dordogne pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 25 mars 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par les requêtes 16BX01255 et 16BX01258, M. C...relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les requêtes n° 16BX01255 et 16BX01258 présentées par M. C...sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les demandes tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 26 juillet 2016, M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, les conclusions tendant à ce que soit prononcée l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle du requérant sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions de la requête n° 16BX01255 :

En ce qui concerne les deux arrêtés :

4. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 décembre 2013 refusant le bénéfice de l'asile à M.C..., qui ne peut être contestée que devant la Cour nationale du droit d'asile, et non devant le juge administratif de droit commun, en vertu des articles L. 731-2 et R. 733-6 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), ne peut utilement être invoqué à l'encontre des décisions du préfet de la Dordogne. D'une part, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 décembre 2013 est devenue définitive. D'autre part, les décisions du préfet de la Dordogne n'ont pas été prises pour l'exécution de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 31 décembre 2013.

5. Les arrêtés contestés, qui visent respectivement les articles L. 511-1-I 3°, L. 511-1-II 1° et 3° d), L. 511-4 et L. 513-2, d'une part, et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionnent différents éléments de la situation personnelle et familiale de M.C..., notamment la présence en France de son épouse et de ses deux enfants. Ils contiennent ainsi l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Dordogne. Par suite, alors que la circonstance que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne soit pas visée, est sans incidence sur la légalité de ces décisions qui n'avaient pas à relever de manière exhaustive l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de M.C..., ni à répondre à l'ensemble des arguments qu'il invoque, est suffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet aurait négligé de procéder à un examen particulier de la situation de M. C....

6. Il ressort des pièces du dossier que M.C..., interpellé le 21 mars 2016, a, au cours de son audition le même jour par les services de la police, été interrogé et a répondu tant au sujet de son identité, de son pays d'origine, de sa situation familiale et des conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. Au cours de cette audition, il a affirmé qu'il n'avait aucun problème de santé, psychique ou physique et répondu négativement à la question " avez-vous autre chose à rajouter ' ". Dans ces conditions, M. C...n'a pas été privé de la possibilité d'être entendu et de présenter ses observations avant l'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai. Ainsi, le moyen invoqué, tiré de ce que l'arrêté aurait été pris en violation du droit d'être entendu manque en fait.

7. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M.C..., la mesure d'éloignement n'a pas été exécutée avant la notification du jugement du 25 mars 2016 ni en tout état de cause à la date prévue du 14 avril 2016. D'autre part, ainsi que l'a relevé le magistrat désigné, l'assignation à résidence n'a pas eu pour effet de l'empêcher de se rendre à l'audience devant le tribunal dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que des agents de la police municipale de la commune de Périgueux se sont rendus à deux reprises au domicile de M. C... afin de lui notifier, par voie administrative, l'avis d'audience à venir au tribunal administratif de Bordeaux, et que ce dernier qui n'était pas présent n'établit pas avoir sollicité auprès du préfet de la Dordogne le bénéfice d'une autorisation écrite préalable pour se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence ni en première instance ni en appel. Dans ces conditions, ni l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, ni l'assignation à résidence n'ont eu pour objet ou pour effet de le priver du droit d'exercer un recours effectif devant le juge compétent, recours qu'il a au demeurant engagé. Par suite, le préfet n'a pas méconnu ni les stipulations de l'article 6 de la CEDH ni les dispositions de l'article L. 512-3 du CESEDA.

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai :

8. Il ressort des déclarations mêmes de M. C...qu'il a affirmé ne souffrir d'aucun problème de santé psychique ou physique le 21 mars 2016. S'il verse des certificats postérieurs, peu circonstanciés et dont l'un indique que son état de santé ne lui permet pas de se rendre régulièrement au commissariat dans le cadre de son assignation à résidence en raison d'un état " anxio-dépressif sévère ", à la date à laquelle il a été pris, le préfet n'était pas tenu contrairement à ce que soutient M. C...de saisir le médecin de l'agence régionale de santé pour avis sur cet arrêté.

9. Si M. C...se prévaut des circonstances qu'il est marié avec une compatriote présente en France, qu'il réside avec elle chez ses beaux-parents avec sa mère, et que leurs deux enfants sont scolarisés à Périgueux, il ressort toutefois des pièces du dossier que les intéressés se maintiennent tous deux irrégulièrement sur le territoire français depuis la précédente mesure d'éloignement prise à leur encontre le 21 juillet 2014, et que son épouse a de nouveau fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire par arrêté du préfet de la Dordogne en date du 8 décembre 2015 dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour de ce jour. M. C...ne dispose d'aucune ressource propre. Contrairement à ce qu'il soutient, la seule circonstance que sa mère et ses beaux-parents se trouvent en France ne fait pas obstacle à ce que M. C... et son épouse, qui se sont tous les deux vus opposer une mesure d'éloignement, reconstruisent la cellule familiale dans leur pays d'origine, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-cinq et vingt-six ans et où il n'est pas établi que leurs enfants ne pourraient pas suivre une scolarisation normale. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de son séjour en France, l'arrêté attaqué qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et le préfet n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

10. Pour refuser d'accorder à M. C...un délai de départ volontaire, le préfet de la Dordogne a estimé que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et relevé qu'il s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, de sorte qu'il existait un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Si M. C...soutient que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que les faits de vol d'une boucle de chaussure pour enfant en cause n'ont pas donné lieu à une condamnation de justice mais ont fait l'objet d'un simple rappel à la loi, il est constant qu'il n'a pas exécuté le précédent arrêté du 21 juillet 2014 l'obligeant à quitter le territoire français pourtant confirmé par un jugement du tribunal de Bordeaux du 29 décembre 2014 devenu définitif. Par suite, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

11. La circonstance que le passeport de M. C...ait été remis aux autorités et ainsi qu'il le soutient, l'aurait empêché de quitter le territoire de son plein gré par un autre moyen que par voie aérienne est sans incidence sur la légalité de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

12. M. C...qui a déclaré lui-même, lors de son audition par les services de police, n'avoir aucun problème de santé et ne pas suivre de traitement médicamenteux, n'établit pas par la seule production d'un certificat médical postérieur à l'arrêté attaqué, peu circonstancié et un bulletin d'hospitalisation qui ne fait état que des risques engendrés par une assignation à résidence que la décision fixant le pays de destination contenue dans le premier arrêté litigieux l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions présentées à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 de code de justice administrative doivent être rejetées. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de cette instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

14. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " (...) Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts (...) ".

15. La circonstance que M. C...n'ait pas fait l'objet d'une condamnation eu égard au degré de gravité de l'infraction qu'il a commise en volant la boucle d'une chaussure pour enfant dans un hypermarché, fait qu'il a lui-même reconnu, n'est pas de nature à remettre en cause son existence. Par suite, en considérant qu'il s'était rendu coupable de vol, le passage incriminé du mémoire du préfet de la Dordogne ne présente pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire justifiant sa suppression en application des dispositions citées au point précédent.

Sur les conclusions de la requête n° 16BX01258 :

16. Le présent arrêt rend sans objet la requête n° 16BX01258 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M.C....

Article 2 : La requête n° 16BX01255 est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 16BX01258.

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N°s 16BX01255, 16BX01258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01255
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Henri de LABORIE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : AMBLARD FABRICE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-04;16bx01255 ?
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