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04/10/2016 | FRANCE | N°16BX01103

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2016, 16BX01103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1504741 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, M.E..., rep

résenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 3 septembre 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1504741 du 19 janvier 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2016, M.E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 19 janvier 2016;

2°) d'annuler le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenus dans l'arrêté du 3 septembre 2015 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " retraité " et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros, en application des dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi sur l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de Etat.

........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Faïck a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...E..., ressortissant algérien né le 4 juillet 1949, entré régulièrement sur le territoire français, le 13 janvier 2015, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour valable quatre-vingt-dix jours relève appel du jugement n° 1504741 du 19 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 septembre 2015 du préfet de la Gironde refusant de lui délivrer un certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qui précisent : " qu'il résulte de ces stipulations que la délivrance du certificat de résidence portant la mention " retraité " est prévue pour les ressortissants algériens ayant été titulaires d'un certificat de résidence valable dix ans mais non pour ceux d'entre eux ayant bénéficié de titres de séjour d'une validité moindre, quand bien même la succession de ces titres leur permettrait de justifier d'une durée de séjour continue égale ou supérieure à dix ans (...) si M. E...fait valoir qu'il a de manière régulière résidé et travaillé en France de 1972 à 1985, il est constant qu'il n'a jamais été titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans (...) qu'il suit de là que le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien, refuser à M. E...la délivrance du titre de séjour sollicité (... ) ". Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments exposés par M.E..., n'ont omis de statuer sur aucun des moyens soulevés devant eux. Dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 septembre 2015 :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes applicables et notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les dispositions législatives, notamment les articles L. 511-1 (I-II- et III), L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), dont l'autorité préfectorale a entendu faire application. Il expose la situation personnelle de M. E...en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour en France, ses attaches familiales en France et en Algérie. Il précise notamment qu'il : " a sollicité le 16 janvier 2015 son admission au séjour dans le cadre de l'article L. 313-14 du CESEDA et selon les articles 6-4, 6-5 7 ter " de l'accord franco-algérien, que M. E..." ne remplit ni les conditions prévues à l'article 6-4 de l'accord puisque ses trois enfants, nés d'une précédente union, de nationalité française, sont majeurs ", " ni les conditions de l'article 7 ter, puisqu'il ne justifie pas avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence algérien de dix ans " et rappelle que " les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du CESEDA ". Il indique en particulier que : " son épouse Mme A...B...de nationalité algérienne ainsi que leurs trois enfants résident en Algérie (...) la circonstance que trois de ses quatre enfants majeurs, nés d'une précédente union, soient de nationalité française, ne lui confère aucun droit particulier au séjour (...) au surplus, ses quatre enfants avaient été placés dès leur plus jeune âge auprès de la proche famille ou bien auprès du service de l'aide sociale à l'enfance de Paris eu égard au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Gap du 31 octobre 1985 (..) qu'il ne justifie pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine (...) est entré très récemment en France (...) ne remplit ainsi aucune condition pour se voir délivrer le certificat de résidence algérien prévu par l'article 6-5 de l'accord précité (...) ". L'autorité préfectorale ajoute, enfin, que M. E..." n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code et de l'accord susvisés et qu'ainsi, la décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Ainsi, l'arrêté, qui n'a pas à relever de manière exhaustive l'ensemble des éléments de la situation personnelle et familiale de M. E..., ni à répondre à l'ensemble des arguments qu'il invoque, est suffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979. Il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet aurait négligé de procéder à un examen particulier de la situation de M.E....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l 'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " . Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". En application de ces stipulations, il appartient à l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France d'apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

5. Pour soutenir que la décision portant refus de titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. E...fait valoir qu'il a résidé sur le territoire français plus de dix ans entre 1972 et 1985, période pendant laquelle il a travaillé et était bien intégré. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E...est entré à nouveau en France, le 13 janvier 2015, à l'âge de soixante-cinq ans et a donc passé la majeure partie de son existence en dehors de ce pays. Par ailleurs, s'il est père de quatre enfants de nationalité française, nés d'une précédente union, et vivant en France, il ressort des pièces du dossier que ces derniers ont été placés auprès du service d'aide sociale à l'enfance dès leur plus jeune âge et qu'ils sont sans nouvelles de leur père depuis plus de dix ans, ainsi que l'intéressé l'a lui-même reconnu dans une lettre qu'il a adressée à ce service. Ainsi, M. E...ne justifie pas de l'intensité des liens familiaux en France dont il se prévaut. De plus, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa seconde épouse et ses trois autres enfants. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. E....

6. En troisième lieu, l'article L. 313-14 du CESEDA dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

7. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. En l'espèce, il résulte des termes mêmes de l'arrêté que M. E..." a sollicité le 16 janvier 2015 son admission au séjour dans le cadre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée des étrangers et du droit d'asile et selon les articles 6-4, 6-5 et 7 ter de l'accord franco-algérien susvisé ;(...) les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code susvisé (...) qu'il n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code et de l'accord susvisés" que, ce faisant, le préfet, pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. E... a, contrairement à ce qui est soutenu, fait usage de son pouvoir de régularisation. Eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus et à la circonstance que M. E...ne fait état d'aucun motif exceptionnel et d'aucune circonstance humanitaire justifiant une admission exceptionnelle au séjour, il n'apparaît pas que le préfet de la Gironde aurait entaché sur ce point sa décision portant refus de titre de séjour d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.E....

8. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : " Le ressortissant algérien, qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " retraité " (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance du certificat de résidence portant la mention " retraité " est prévue pour les ressortissants algériens ayant été titulaires d'un certificat de résidence valable dix ans mais non pour ceux d'entre eux ayant bénéficié de titres de séjour d'une validité moindre, quand bien même la succession de ces titres leur permettrait de justifier d'une durée de séjour continue égale ou supérieure à dix ans.

9. M. E...fait valoir qu'il justifie d'une résidence de plus de dix années sur le territoire français par la production de son relevé de carrière et que pendant sa période de résidence en France il a travaillé, a été mis en possession de plusieurs titres de séjour d'une durée de cinq ans, et qu'il a perçu à compter de l'année 1985 une pension d'invalidité, circonstance qui démontre qu'il a été nécessairement en possession d'un titre de séjour durant cette période, avant qu'il ne reparte vivre en Algérie, et qu'il perçoit désormais une pension de retraite versée par la caisse nationale d'assurance vieillesse. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. E...n'a pas bénéficié d'un certificat de résidence valable dix ans, nécessaire pour obtenir la délivrance d'un titre portant la mention " retraité ". Il suit de là que le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien, refuser à M. E...la délivrance du titre de séjour sollicité alors même qu'à l'époque où il est entré en France pour la première fois, le certificat de dix ans n'existait pas.

10. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et sa demande tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

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N° 16BX011032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01103
Date de la décision : 04/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-10-04;16bx01103 ?
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