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29/09/2016 | FRANCE | N°16BX00560

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 16BX00560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 23 novembre 2015 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1505563 du 30 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation du placement en rétention

administrative et a annulé l'arrêté du 23 novembre 2015 en tant qu'il porte obliga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 23 novembre 2015 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1505563 du 30 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation du placement en rétention administrative et a annulé l'arrêté du 23 novembre 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, et fixe le pays de renvoi.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2016, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2015 en tant qu'il a annulé les décisions du 23 novembre 2015 obligeant M. C...à quitter le territoire français sans délai et fixant son pays de renvoi, et mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., se déclarant de nationalité irakienne, a déclaré être entré en France irrégulièrement, le 1er novembre 2015. Il a été interpellé à Calais le 23 novembre 2015 et a fait l'objet d'un arrêté en date du 23 novembre 2015 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et a ordonné son placement en rétention administrative. Par un jugement du 30 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande tendant à l'annulation du placement en rétention administrative de M. C...et a annulé l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 23 novembre 2015. Le préfet du Pas-de-Calais fait appel de ce jugement du 30 novembre 2015 en tant qu'il a annulé cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) ". Il ressort de ces dispositions que le législateur a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence. A cet effet, il a prévu que le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il délègue statue en soixante douze heures sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions de placement en rétention ainsi que sur les conclusions qui lui sont concomitamment soumises et qui tendent à l'annulation de l'une ou de plusieurs des décisions mentionnées au III de l'article L. 512-1. Il en résulte que la procédure spéciale du III de l'article L. 512-1 cesse d'être applicable dès lors qu'il est mis fin, pour quelque raison que ce soit, à la rétention ou à l'assignation à résidence de l'étranger. Le jugement de l'ensemble des conclusions dont l'étranger avait saisi le tribunal relève alors d'une formation collégiale du tribunal administratif statuant dans le délai prévu au I de l'article L. 512-1.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'il avait été mis fin à la rétention administrative de M. C...à la date à laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a statué, le 30 novembre 2015. Il suit de là que le jugement de l'ensemble des conclusions dont l'intéressé avait saisi cette juridiction relevait d'une formation collégiale, statuant dans le délai prévu au I de l'article L. 512-1 du code précité. Par suite, le jugement du 30 novembre 2015 est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions de M. C...tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai, de la décision fixant le pays de renvoi ainsi que de la mesure de placement en rétention administrative, présentées devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté du 30 novembre 2015 :

5. Par un arrêté n° 2015-10-57 en date du 16 février 2015, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. D...B..., chef de la section éloignement du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, les décisions fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ainsi que les décisions de placement en rétention administrative. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doit donc être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, l'arrêté du 23 novembre 2015 qui vise les textes applicables à la situation de M.C..., et notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état d'éléments spécifiques de sa situation en France et notamment de ce qu'il est démuni de tout document d'identité et de voyage en cours de validité. Cette décision, dont la motivation n'a pas à préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments tenant à la situation de M.C..., expose ainsi les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour prendre sa décision. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée. En outre, eu égard aux éléments figurant dans l'arrêté, le moyen tiré d'un défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa méconnaissance par une autorité d'un Etat membre est inopérant ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, si M. C...soutient qu'il a été dans l'impossibilité matérielle de solliciter l'asile en France, il n'apporte aucune précision quant aux circonstances qui l'auraient empêché de présenter une telle demande. M.C..., qui a déclaré lors de son audition le 23 novembre 2015 avoir l'intention de se rendre en Grande-Bretagne et n'avoir effectué aucune démarche en France et en Europe, n'a pas fait état à cette occasion des motifs pour lesquels il avait quitté son pays d'origine. Dans ces conditions, M.C..., qui ne peut-être regardé comme ayant, même implicitement, sollicité le bénéfice de l'asile, ne peut utilement soutenir qu'il serait provisoirement admissible au séjour en vertu de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il ne pourrait pas, de ce fait, faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ne peut pas non plus utilement se prévaloir, pour contester la décision décidant son éloignement du territoire français, qui n'a pas pour objet de fixer le pays de destination de cette mesure, des stipulations du 1 de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés adoptée à Genève le 28 juillet 1951 selon lesquelles aucun Etat partie n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié ou un candidat à l'asile politique sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de M.C..., que le préfet aurait entaché la décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. C..., qui vise les dispositions des a) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé, qui ne peut justifier être entré régulièrement en France, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et qui, dépourvu de document d'identité, n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, présente un risque de se soustraire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français. Par suite, la décision est suffisamment motivée.

11. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. C...n'étant pas illégale, le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision entraînerait par voie de conséquence celle lui refusant un délai de départ volontaire doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ". Il est constant que l'intéressé ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour à la date de la décision attaquée du 24 novembre 2015, ni même effectué aucune démarche de régularisation, et ne justifiait pas d'un domicile. Le préfet a donc pu légalement estimer, pour ces motifs, qu'il existait un risque que M. C...se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

13. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ". La directive n° 2008/115/CE prévoit au 4 de son article 7 relatif au départ volontaire que : " s'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ". La même directive prévoit au 7 de son article 3 qu'il faut entendre par risque de fuite " le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite ".

14. Les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui énoncent une liste limitative de situations objectives dans lesquelles l'autorité administrative est fondée à estimer qu'il existe un risque que le ressortissant étranger en cause se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son égard et à refuser, en conséquence, de lui octroyer un délai de départ volontaire, ne sont pas incompatibles avec les objectifs sus-rappelés de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 du Parlement européen et du Conseil, que la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, dont elles sont issues, a eu pour objet de transposer. Dès lors que la décision ne méconnaît pas les dispositions du code, le moyen tiré de la méconnaissance de la directive ne peut en tout état de cause qu'être rejeté.

15. Il résulte de ce qui précède que le préfet a pu légalement prononcer à l'encontre de M. C...une obligation de quitter sans délai le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

16. En premier lieu, la décision fixant le pays de renvoi, prise au visa notamment des articles 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé n'établit pas être personnellement et directement exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 en cas de retour dans son pays d'origine, et sera reconduit à destination de tout pays dans lequel il sera légalement admissible, à l'exclusion de l'Irak. Dès lors, et au regard des éléments particulièrement imprécis mentionnés par l'intéressé lors de son audition le 24 novembre 2015, la décision fixant le pays de renvoi de M. C...est suffisamment motivée.

17. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. C...n'étant pas illégale, le moyen selon lequel l'illégalité de cette décision entraînerait par voie de conséquence celle fixant le pays de renvoi doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de ces stipulations : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. M. C...soutient que la décision par laquelle le préfet a désigné comme pays de renvoi tout pays dans lequel il sera légalement admissible, à l'exclusion de l'Irak, méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 513-2 dès lors qu'il ne serait admissible dans aucun autre pays que l'Irak, et que la mention figurant dans l'arrêté équivaut à une absence de décision. Toutefois, l'absence de mention d'un pays de destination particulier ne saurait être regardée comme une absence de décision de l'autorité administrative, qui a bien exercé sa compétence en mentionnant que l'intéressé était obligé de quitter le territoire à destination de " tout pays où il établirait être légalement admissible ", et n'a pas non plus, ce faisant, méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

20. Enfin, si M. C...se prévaut de ses besoins de protection internationale, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas demandé à en bénéficier en France, y compris au cours de son audition le 24 novembre 2015, ni antérieurement dans les Etats européens qu'il a traversés. Il n'a, au surplus, fait état d'aucune menace précise et circonstanciée qu'il encourrait en Irak, pays vers lequel l'arrêté litigieux exclut de toute manière son éloignement.

Sur la décision ordonnant le placement en rétention :

21. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) " et aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ".

22. Il résulte de ces dispositions, qui ont notamment transposé celles de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en particulier son article 15, que la rétention administrative a pour objet de permettre l'exécution d'office de la mesure d'éloignement. Lorsque la rétention administrative est décidée, sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1, à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé, la rétention administrative ne peut être légalement décidée que si l'obligation de quitter le territoire français est elle-même légale. La circonstance que l'autorité administrative n'a pas précisé le pays de renvoi concomitamment à l'obligation de quitter le territoire ne fait pas par elle-même obstacle à ce que l'étranger faisant l'objet de cette obligation soit placé en rétention. Toutefois, au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 citées ci-dessus, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre une exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français, notamment celles qui doivent permettre la détermination du pays de renvoi. Il appartient au juge administratif, saisi sur le fondement du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences.

23. L'arrêté en litige mentionne que M. C...est démuni de document d'identité, ne présente pas de garanties suffisantes pour envisager une assignation à résidence, mais présente un risque de fuite, de sorte qu'il doit être placé en rétention administrative. La mesure de placement en rétention est ainsi suffisamment motivée.

24. Il résulte de ce qui précède que la mesure de rétention a été prise en vue de l'exécution d'une obligation de quitter sans délai le territoire français qui n'est entachée d'aucune illégalité.

25. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...ne serait pas légalement admissible dans un autre pays que l'Irak, ni que la décision de placer M. C...en rétention aurait excédé ce qui était strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre l'exécution d'office de son éloignement. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté litigieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, de condamnation au paiement des dépens et celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : Le recours pour excès de pouvoir de M. C...contre l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 23 novembre 2015 et les conclusions de M. C...à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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N° 16BX00560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00560
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : MAINIER - SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-09-29;16bx00560 ?
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