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18/07/2016 | FRANCE | N°15BX04154

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 18 juillet 2016, 15BX04154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 4 septembre 2014 portant refus de séjour.

Par un jugement n° 1402915 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. A..., pour la durée de son traitement restant à courir, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement des circonstances de fait ou

de droit.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 4 septembre 2014 portant refus de séjour.

Par un jugement n° 1402915 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de délivrer un titre de séjour à M. A..., pour la durée de son traitement restant à courir, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous réserve d'un changement des circonstances de fait ou de droit.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2015, M. le préfet de la Vienne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 octobre 2015 en ses articles 1er, 2 et 3 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...tendant à l'annulation de son arrêté du 4 septembre 2014 ;

3°) de conclure au remboursement à l'Etat, du versement par ce dernier de la somme de 600 euros au conseil de M. A...au titre de l'art L. 761-1 du code de justice administrative, dans le cas où cette somme aurait été versée et encaissée.

.......................................................................................................

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., se revendiquant dans ses écritures comme étant de nationalité azerbaïdjanaise, né le 31 octobre 1979 à Kirovabad (Azerbaïdjan), soutient être entré en France en octobre 2009 avec sa compagne, MmeB..., ressortissante du même pays. Sa demande d'asile a été rejetée le 24 février 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, décision confirmée le 29 juin 2012 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 10 août 2012, il a obtenu une carte de séjour temporaire " étranger malade ". Un arrêté du préfet de la Vienne du 12 novembre 2013 portant refus de renouvellement de cette carte et mesure d'éloignement a été annulé par jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 6 mars 2014, qui a fait injonction au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour pour une durée équivalente à celle de son traitement médical, soit six mois. Par un jugement du même jour, ce tribunal administratif a également annulé sur le fondement de la vie privé et familiale, le refus de séjour opposé à MmeB.... En exécution de l'injonction qui lui a été faite, le préfet de la Vienne a délivré à M. A...une autorisation provisoire de séjour valable du 14 avril 2014 au 5 juin 2014. Le 14 avril 2014, M. A... a formulé une nouvelle demande de séjour en qualité d'étranger malade, qui a fait l'objet d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé, émis le 16 mai 2014. Toutefois, le 4 septembre 2014, le préfet de la Vienne a refusé le titre de séjour sollicité. Ce même préfet fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 octobre 2015, en demandant l'annulation de ses articles 1er, 2 et 3, qui ont annulé son arrêté précité du 4 septembre 2014, lui ont enjoint de délivrer à M. A...un titre de séjour pour la durée de son traitement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et ont mis à la charge de l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 600 euros au profit du conseil de M. A....

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions, en vigueur à la date de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à son entrée en France, M. A...souffrait d'une hépatite C, qu'il souffre également de troubles psychiatriques sévères de type dépressif et psychotique et, qu'en raison d'une pathologie addictive, il bénéficie d'un traitement de substitution aux opiacés. Par son avis du 16 mai 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé nécessitait une pris en charge médicale, que le défaut de prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant six mois, que la présence de sa conjointe, MmeB..., était nécessaire à ses côtés pendant la même période et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine. Cependant, par son arrêté du 4 septembre 2014, le préfet de la Vienne, qui ne s'est ainsi pas senti lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a estimé que l'intéressé avait la possibilité de bénéficier de traitements appropriés dans son pays d'origine, les médicaments dont il a besoin étant disponibles dans ce pays.

4. S'agissant de l'hépatite C, il ressort des pièces du dossier que cette pathologie, qui a été prise en charge en France à partir de 2011, a été traitée avec succès et ne nécessite plus qu'un suivi de surveillance en gastro-entérologie. M. A...n'établit pas qu'un tel suivi serait impossible en Azerbaïdjan, alors que le préfet affirme sans être contredit que plusieurs hôpitaux sont à même d'effectuer ce suivi dans ce pays, et notamment le " Central Clinical Hospital " à Bakou, la capitale.

5. S'agissant de la pathologie psychiatrique dont est atteint M.A..., il ressort des pièces médicales figurant au dossier, et notamment d'un certificat établi par un interne du centre hospitalier de Poitiers le 15 novembre 2013, que son état requiert l'administration d'un antidépresseur, d'un anxiolytique dont la molécule active est l'oxazépam et d'un hypnotique dont la molécule active est le zolpidem, tous deux appartenant à la classe thérapeutique des benzodiazépines, ainsi que d'un antipsychotique appartenant à la classe thérapeutique des neuroleptiques phénotiazines. Alors que M. A...ne démontre pas que ces médicaments ou leurs principes actifs ne seraient pas disponibles en Azerbaïdjan, le préfet de la Vienne fait valoir, sans être contredit, en s'appuyant sur des extraits du site du ministère de la santé d'Azerbaïdjan et du site de l'organisation mondiale de la santé, qu'il produits, que, d'une part, toutes ces classes thérapeutiques sont disponibles en Azerbaïdjan et que, d'autre part, lorsque la molécule de la spécialité française n'y est pas présente, des molécules équivalentes sont commercialisées, à savoir notamment l'alprazolam et le zopiclone en remplacement de l'oxazépam et du zolpidem, ou encore la chlorpromazine, qui est un dérivé de la phénothiazine. Il ressort en outre de la fiche MedCOI, extraite de la base de données " Medical Country of Origin Information ", système d'information financé par l'Union européenne et géré par un groupe de médecins appartenant au ministère néerlandais de l'intérieur, produite en appel par le préfet, qu'existent en Azerbaïdjan des structures psychiatriques qui seraient à même d'assurer le suivi de l'intéressé, notamment les hôpitaux psychiatriques de Bakou ou de Ganja, deuxième ville du pays, ou encore de Sorsulu, ainsi d'ailleurs que des centres médicaux susceptibles d'assurer un suivi en gastro-entérologie.

6. S'agissant enfin du traitement de substitution administré à M.A..., à savoir de la méthadone, qui est un opioïde analgésique de synthèse, il ressort également sans ambiguïté des documents précités que ce produit est disponible en Azerbaïdjan.

7. Par ailleurs, les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 ne font pas obligation au préfet d'examiner l'accessibilité effective aux soins de l'intéressé dès lors qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, la circonstance, relevée par les premiers juges, selon laquelle le traitement de substitution à la méthadone ne serait disponible que pour une proportion de la population inférieure à 10% est sans incidence.

8. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que les éléments apportés par le préfet de la Vienne sont de nature à renverser la présomption d'indisponibilité des traitements nécessaires à l'état de santé de M. A...dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté du 4 septembre 2014 pris à l'encontre de M. A..., au motif qu'il aurait, en refusant à ce dernier le titre de séjour " étranger malade " qu'il sollicitait, méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif :

10. En premier lieu, en vertu de l'article 3 de l'arrêté du 19 mai 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Vienne du même jour, M. Yves Séguy, secrétaire général de cette préfecture, a reçu délégation de signature, s'agissant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " pour l'ensemble de ses dispositions ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. M. A...fait valoir qu'il vit en France depuis quatre ans avec sa compagne, avec laquelle il a eu deux enfants nés en France et qu'il n'est pas en capacité de travailler pour l'instant, compte tenu de ses pathologies. Il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressé et sa compagne, Mme B...sont entrés irrégulièrement sur le territoire français à une date mal établie, que le préfet a soutenu sans être contredit devant les premiers juges que M. A...a, dans un premier temps, fait de fausses déclarations quant à sa nationalité, se prétendant arménien, et a produit de faux actes de naissance et un faux permis de conduire, que les deux enfants du couple sont âgés de seulement quatre ans et trois ans, que le tribunal administratif de Poitiers n'a, le 6 mars 2014, annulé le refus de séjour opposé à Mme B... qu'en raison de l'annulation qu'il a fait, par un jugement du même jour, du refus de séjour " étranger malade " en litige opposé à M.A..., Mme B...n'ayant d'ailleurs été admise provisoirement au séjour qu'en qualité d'accompagnante de M.A..., qu'ainsi rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale, dont tous les membres ont la même nationalité, se reconstitue dans le pays d'origine où M.A..., qui y a vécu plus de trente ans, n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles, et qu'enfin, il ne démontre pas une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, en ayant refusé à l'intéressé un titre de séjour, le préfet de la Vienne n'a pas porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, M. A...est irrecevable à contester des mesures portant obligation de quitter le territoire ou fixant le pays de renvoi, aucune de ces mesures n'étant contenues dans l'arrêté contesté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2014, par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M.A... :

16. Le présent arrêt rejetant les conclusions en annulation présentées par M. A..., ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A...sur ce fondement.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par le préfet de la Vienne :

18. Le préfet, qui demande à la cour de " conclure au remboursement à l'Etat du versement par ce dernier de la somme de 600 euros au conseil de M.A..., dans le cas où cette somme aurait été versée et encaissée ", doit être ainsi regardé comme présentant une conclusion en injonction de remboursement.

19. Le présent arrêt, qui fait droit à la requête du préfet de la Vienne en annulant le jugement attaqué et en rejetant la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif, annule par conséquent l'article 3 du jugement en question, article qui prévoyait la mise à la charge de l'Etat de la somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, il n'appartient pas au juge administratif d'enjoindre à un avocat de restituer une somme à l'Etat, dont au demeurant ce dernier n'établit pas qu'elle aurait été encaissée, ni même versée. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402915 du tribunal administratif de Poitiers du 22 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Poitiers et ses conclusions présentées en appel devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 15BX04154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX04154
Date de la décision : 18/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-18;15bx04154 ?
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