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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX01076

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 12 juillet 2016, 16BX01076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 2 juillet 2015 opposant un refus à sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1504307 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mars et le 27 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 2 juillet 2015 opposant un refus à sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1504307 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 mars et le 27 mai 2016, Mme A... C... épouseB..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2015 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné la Russie comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au Préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-12 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros TTC par application des dispositions conjuguées des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...C..., ressortissante russe née le 30 mars 1956 à Tachkent en Ouzbekistan, s'est mariée le 29 avril 2011 à Toulouse avec M.B..., de nationalité française. Elle est entrée en France sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour d'un an et a ensuite bénéficié d'une carte de séjour régulièrement renouvelée jusqu'au 29 juin 2013. La communauté de vie entre les époux ayant cessé après le départ de Mme C...du domicile conjugal en avril 2013, le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre suivant. Saisi par MmeC..., le tribunal administratif de Toulouse a annulé ce refus au motif que la demande de l'intéressée n'avait pas été examinée au regard des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation. C'est dans ces conditions que par un arrêté en date du 2 juillet 2015, le Préfet de la Haute-Garonne a repris une décision de rejet de la demande de renouvellement de titre de séjour de MmeC..., a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 22 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " et aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement (...) ".

3. Si les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre. Il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.

4. Il n'est pas contesté qu'à la date à laquelle le préfet de la Haute-Garonne a pris l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour, Mme C...ne remplissait plus depuis le 1er juillet 2013, date à laquelle elle avait initié une procédure de divorce pour faute auprès du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse, la condition de communauté de vie entre époux lui ouvrant droit au renouvellement de sa carte de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, lors de sa demande de renouvellement de titre de séjour le 26 juin 2013, MmeC... a indiqué avoir été contrainte de fuir le domicile conjugal en raison du comportement violent de son conjoint. En outre, Mme C...a également dénoncé les pressions et les violences exercées par son mari dans une première déclaration de main courante en date du 14 mai 2012, puis dans une seconde datée du 12 juin 2013. Par courrier du 24 juin 2013, l'intéressée a déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse pour des faits de violences psychologiques, menaces et harcèlement sexuel et a été entendue par les services de police, le 2 septembre 2013, dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte à ce titre. Les violences subies par la requérante et la situation de détresse et d'isolement dans laquelle elle s'est trouvée, sont également établies par les SMS qu'elle produit et que lui a adressés son mari, ainsi que par le témoignage émanant de l'interprète ayant accompagné les époux dans le cadre de leurs démarches administratives et personnelles, qui relate de manière circonstanciée plusieurs faits confirmant l'attitude menaçante et le comportement agressif de M.B..., y compris à son encontre. Mme C...verse en outre au dossier deux attestations d'une psychologue clinicienne l'ayant reçue à plusieurs reprises en 2013 pour un suivi psychologique qui indique que la requérante a été " victime d'une situation de persécution sourde et continue " et s'est trouvée " littéralement enfermée dans un climat de perversion morale et de harcèlement " et qui relève la persistance, en 2015, des conséquences sociales, matérielles, physiques et psychologiques engendrées par cette maltraitance. Enfin, Mme C...justifie de son intégration sur le territoire français depuis son entrée en France, ayant notamment suivi pendant deux ans une formation en langue française et ayant entrepris auprès de la direction régionale des affaires culturelles de Midi-Pyrénées des démarches en vue de son inscription à la formation de professeur de danse dans un établissement d'enseignement supérieur. Dans ces conditions, Mme C..., qui doit être regardée comme établissant, par les documents qu'elle produit, qu'elle a dû quitter le domicile conjugal en raison des violences exercées sur elle par son mari, est fondée à soutenir qu'en ne lui renouvelant pas sa carte de séjour temporaire, le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C...est ainsi fondée à demander l'annulation de la décision du 2 juillet 2015 portant refus de renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, l'annulation des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du même jour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Rivière, avocat de Mme C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au profit de cette avocate au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504307 du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 et l'arrêté du 2 juillet 2015 du préfet de la Haute-Garonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Rivière une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

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No 16BX01076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 16BX01076
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx01076 ?
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