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12/07/2016 | FRANCE | N°16BX01037

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 12 juillet 2016, 16BX01037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 27 février 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505543 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mars 2016

et le 1er juin 2016, MmeA..., représentée par Me Cesso, demande à la Cour :

1°) d'annuler le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les décisions du préfet de la Gironde du 27 février 2015 portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1505543 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 mars 2016 et le 1er juin 2016, MmeA..., représentée par Me Cesso, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 février 2016 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 27 février 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le

26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 juin 2016 :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me Cesso, avocat de MmeA....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...épouseA..., ressortissante turque née en 1982, est entrée en France le 2 septembre 2012 en compagnie de son époux et de leurs deux enfants. La demande d'asile déposée par le couple à son arrivée a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 mars 2013, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2013. Elle a déposé le 16 juin 2014 une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Le préfet de la Gironde, par un arrêté du 27 février 2015, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A...relève appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Le préfet de la Gironde a donné délégation, par un arrêté du 8 octobre 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Gironde d'octobre 2014, à M. Bedecarrax, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception d'une liste limitative d'actes au sein de laquelle ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. En vertu de l'article 2 de cet arrêté, cette délégation s'applique notamment à la délivrance des titres de séjour et aux mesures d'éloignement et décisions accessoires s'y rapportant, prises en application du Livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en litige doit être écarté.

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

4. Mme A...fait valoir qu'elle séjourne depuis plus de deux ans en France où elle est bien intégrée, qu'elle doit rester auprès de son mari, qui est titulaire d'une promesse d'embauche et de ses enfants, dont les plus âgés sont scolarisés et qu'elle était enceinte à la date de la décision attaquée. Si, ainsi que le relève MmeA..., le tribunal administratif de Bordeaux, par jugement n° 1505544 du 18 février 2016, a annulé pour défaut d'examen particulier le refus de titre opposé à son mari, le tribunal a, en conséquence de cette annulation, seulement enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Dans ces conditions, compte tenu du caractère très récent du séjour en France de MmeA..., de l'absence d'obstacle allégué à la poursuite de la vie familiale en Turquie et à la scolarisation des enfants dans ce pays, dont est aussi originaire son époux, et de la présence en Turquie de ses parents et de ses frères et soeurs, le refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui le fondent et n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Eu égard à ce qui vient d'être dit quant à l'absence d'obstacle avéré à ce que les enfants de M. et Mme A...accompagnent leurs parents en Turquie et, pour les deux plus âgés, y poursuivent leur scolarité, l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Pour les raisons exposées aux points 4 à 6 ci-dessus, le préfet, en ayant fait obligation à Mme A...de quitter le territoire français, n'a ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, ni méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

8. Toutefois si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'annulation, postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, de l'arrêté du 27 février 2015 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixé le pays de renvoi, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté concernant MmeA..., cette annulation et l'injonction faite au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, est de nature à faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement de l'appelante pendant la durée du réexamen de la situation de son mari, eu égard aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. L'arrêté attaqué vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est, par suite, suffisamment motivé en droit comme en fait. Par ailleurs, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, pour écarter les risques invoqués par Mme A...en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet ne s'est pas uniquement fondé sur les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et le moyen tiré de que ce le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée doit par suite être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement de s'assurer, en application de l'article L. 513-2 du code précité et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend ne l'exposent pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Si Mme A...fait valoir qu'elle a été interpellée en Turquie sous prétexte qu'elle vendait des journaux kurdes et qu'à la suite d'une nouvelle manifestation en août 2012, elle a décidé avec son mari de quitter son pays, elle ne produit aucun document permettant d'établir la réalité des menaces auxquelles elle aurait été personnellement exposée à la date de l'arrêté attaqué en cas de retour dans son pays d'origine, alors d'ailleurs que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par une décision du 8 mars 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 novembre 2013. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2015 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions aux fins d'injonction

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 16BX01037
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;16bx01037 ?
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