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12/07/2016 | FRANCE | N°14BX03441,14BX03475

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 14BX03441,14BX03475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...et la SCI Dimodol ont demandé au tribunal administratif de Pau :

- d'annuler la décision du 22 juillet 2010 par laquelle le délégué de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le département des Hautes-Pyrénées a octroyé une subvention limitée à 180 847 euros pour un projet de réhabilitation d'une maison de caractère sise à Bagnères-de-Bigorre, ensemble la décision en date du 29 novembre 2011 par laquelle la directrice générale de l'ANAH a rejeté son recours hiérarchique ;
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...et la SCI Dimodol ont demandé au tribunal administratif de Pau :

- d'annuler la décision du 22 juillet 2010 par laquelle le délégué de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) dans le département des Hautes-Pyrénées a octroyé une subvention limitée à 180 847 euros pour un projet de réhabilitation d'une maison de caractère sise à Bagnères-de-Bigorre, ensemble la décision en date du 29 novembre 2011 par laquelle la directrice générale de l'ANAH a rejeté son recours hiérarchique ;

- de condamner l'Etat, puis l'ANAH, à leur verser ;

- la somme de 177 023,89 euros HT en réparation des préjudices subis ;

- la somme de 40 000 euros HT au titre de la suppression de l'éco prime ;

- la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice financier et moral qu'elles ont subi en raison de l'illégalité des décisions de l'ANAH.

Le tribunal administratif de Pau a statué sur cette demande par un jugement n° 1200264 du 30 septembre 2014 :

- l'article 1er de ce jugement donne acte du désistement de Mme C...et de la SCI Dimodol de leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2010 ;

- l'article 2 annule la décision du 29 novembre 2011 de la directrice générale de l'ANAH ;

- l'article 4 met à la charge de l'ANAH la somme de 1 000 euros à verser à la SCI Dimodol et à Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- l'article 3 rejette les conclusions indemnitaires de la SCI Dimodol et de MmeC....

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 10 décembre 2014, sous le n° 14BX03441, et des mémoires présentés les 20 octobre 2015, 15 décembre 2015 et 18 mars 2016, la SCI Dimodol et MmeC..., représentées par MeA..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 septembre 2014 en tant qu'il a rejeté leurs conclusions indemnitaires ;

2°) à titre principal :

- de condamner l'ANAH à verser à la SCI Dimodol la somme de 79 059,34 euros HT en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la méconnaissance de la délibération du 6 décembre 2005, des règles de l'ANAH 65 et du programme d'actions alors en vigueur ;

- de condamner l'ANAH à verser à la SCI Dimodol la somme de 16 000 euros HT au titre de la suppression de l'éco prime ;

- de condamner l'ANAH à verser à la SCI Dimodol et Mme C...la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral et financier ;

3°) à titre subsidiaire : d'enjoindre à l'ANAH de statuer sur le recours hiérarchique présenté le 27 décembre 2010 en appliquant le taux de subvention de 50% fixé par délibération du 6 décembre 2005, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II) Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 décembre 2014, 4 septembre 2015, 23 novembre 2015 et 14 avril 2016, sous le n° 14BX03475, l'ANAH, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 4 et 5 du jugement n° 1200264 du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Dimodol et Mme C...devant le tribunal administratif de Pau ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Dimodol une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant Mme C...et la SCI Dimodol, et de Me D..., représentant l'ANAH.

Une note en délibéré présentée par Me B...a été enregistrée le 26 mai 2016.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Dimodol, représentée par MmeC..., sa gérante, est propriétaire d'un immeuble ancien situé dans le centre de la commune de Bagnères-de-Bigorre, qu'elle a souhaité réhabiliter en créant neuf logements. Elle a présenté auprès de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) une demande de subvention portant sur huit de ces logements et a signé le 20 mai 2010 une convention par laquelle elle s'est engagée pour une durée de neuf ans à louer ces logements, moyennant des loyers plafonnés, à des locataires dont les ressources ne dépassaient pas un montant déterminé. Par une décision du 22 juillet 2010, la délégation locale de l'ANAH des Hautes-Pyrénées lui a accordé une subvention d'un montant de 180 847 euros. Estimant ce montant insuffisant, la SCI a présenté un recours hiérarchique. Ce recours a été rejeté par une décision du directeur général de l'Agence du 29 novembre 2011. La SCI Dimodol et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler ces décisions des 22 juillet 2010 et 29 novembre 2011 et de condamner l'Etat, puis, ultérieurement, l'ANAH, à les indemniser de leurs préjudices moral et financier. Le tribunal administratif a statué sur cette demande par un jugement du 30 septembre 2014. Par son article 1er, ce jugement donne acte aux requérantes du désistement de leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2010. Par son article 2, il annule la décision du 29 novembre 2011 du directeur général de l'ANAH et, par son article 4, il condamne l'Agence à verser aux requérantes la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'article 3 du même jugement rejette les conclusions indemnitaires présentées par les requérantes.

2. Par une requête enregistrée sous le n° 14BX03441, dirigée contre l'article 3 du jugement en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires dirigées contre l'ANAH, la SCI Dimodol et Mme C...demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures, à titre principal, de condamner l'ANAH à verser à la SCI la somme de 79 059,34 euros HT correspondant à la différence entre la subvention qui a été allouée par l'ANAH et celle qui, selon elles, aurait dû leur être versée, la somme de 16 000 euros HT au titre du non-versement de " l'éco-prime " et la somme de 100 000 euros en réparation de leur préjudice financier et moral, et à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'ANAH de statuer sur le recours hiérarchique présenté le 27 décembre 2010 en appliquant le taux de subvention fixé par délibération du 6 décembre 2005, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une requête enregistrée sous le n° 14BX03475, l'ANAH demande à la cour d'annuler les articles 2, 4 et 5 du jugement susvisé et de rejeter les demandes présentées par la SCI Dimodol et Mme C...devant le tribunal administratif de Pau.

3. Les requêtes n° 14BX03441 et n° 14BX03475 sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Pau et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'appel de l'ANAH :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. L'ANAH soutient que le jugement est irrégulier dans la mesure où, pour annuler la décision du 29 novembre 2011, le tribunal administratif a retenu un moyen qui n'a été invoqué par la SCI Dimodol et Mme C...que dans une note en délibéré qui ne lui a pas été communiquée. Il résulte toutefois du dossier de première instance que le moyen, retenu par le tribunal administratif, tiré de ce que le directeur général de l'ANAH avait, en fixant les taux de subvention applicables, méconnu sa compétence, avait déjà été soulevé par les requérantes dans les mémoires communiqués à l'ANAH. Celle-ci n'est, dès lors, pas fondée à contester la régularité du jugement.

En ce qui concerne la légalité de la décision du directeur général de l'ANAH du 29 novembre 2011 :

5. Aux termes de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.-L'Agence nationale de l'habitat a pour mission (...) de promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés ainsi que de participer à la lutte contre l'habitat indigne et à l'amélioration des structures d'hébergement (...) ". L'article L. 321-4 du même code prévoit qu'une " aide particulière peut être accordée au propriétaire qui s'engage à respecter des obligations définies par voie de convention ", cette convention, conforme à des conventions types prévues par décret, déterminant notamment les travaux d'amélioration qui incombent au bailleur, le montant maximum des loyers, les conditions d'occupation du logement. Selon le 1° du I de l'article R. 321-12 dudit code, l'agence peut accorder des subventions, notamment aux " propriétaires bailleurs ", pour des logements qu'ils donnent à bail et qui sont occupés dans les conditions prévues à l'article R. 321-20. L'article R. 321-5 du même code précise que le conseil d'administration de l'agence a notamment pour attribution de déterminer les dépenses qui peuvent être subventionnées ainsi que le régime des aides et les contreparties demandées aux bailleurs. L'article R. 321-17 de ce code dispose que : " Le conseil d'administration fixe le montant maximum de la subvention par application d'un taux déterminé à la dépense subventionnable ou de manière forfaitaire ". L'article R. 321-7 précise que le directeur général de l'agence assure l'exécution des délibérations du conseil d'administration, en particulier par les instructions qu'il transmet à cet effet aux délégués de l'agence mentionnés à l'article R. 321-11. Selon le II de ce dernier article, le délégué de l'agence dans le département a notamment pour mission de décider, en application du programme d'action de l'agence dans le département, de l'attribution des subventions aux bénéficiaires mentionnés en particulier au I précité de l'article R. 321-12 " dans la limite des autorisations d'engagement notifiés par le délégué de l'agence dans la région ". Enfin, l'article R. 321-10 du même code précise que la commission locale d'amélioration de l'habitat est consultée, dans son ressort territorial, sur le programme d'actions établi par le délégué de l'agence dans le département, dans le cadre défini par le règlement général de l'agence.

6. L'article 11 du règlement général de l'ANAH relatif à la décision d'agrément ou de rejet de la demande de subvention précise, dans sa version applicable en l'espèce, que : " La décision d'attribution de la subvention ou de rejet de la demande d'aide est prise par le délégué de l'agence dans le département ou par le président de la collectivité délégataire en application des programmes d'actions mentionnés au 1° du I et du II de l'article R. 321-10 dans le respect des articles L. 321-1 et suivants et R. 321-12 et suivants du CCH, du présent règlement, des délibérations du conseil d'administration, et le cas échéant, au vu des engagements spécifiques souscrits par le demandeur. / La décision est prise au regard de l'intérêt du projet sur le plan économique, social, environnemental et technique du projet. Cet intérêt est évalué en fonction notamment des dispositions et des priorités du programme d'actions mentionné au 1° du I et du II de l'article R. 321-10 du CCH et défini au A du chapitre Ier du présent règlement. / En cas d'absence ou d'insuffisance d'intérêt du projet, l'aide apportée par l'ANAH peut être refusée, minorée ou soumise à des conditions supplémentaires ayant trait à la consistance du projet ou à des engagements particuliers du propriétaire (...). ".

7. Par une lettre du 22 juillet 2010, le délégué de l'agence dans le département des Hautes-Pyrénées a informé la SCI Dimodol qu'une subvention prévisionnelle de 180 847 euros lui était accordée pour les travaux de réhabilitation de l'immeuble insalubre dont elle est propriétaire à Bagnères-de-Bigorre, correspondant à un taux de subvention, au regard de la " dépense subventionnée ", de 75% pour le logement au " loyer conventionné très social " et de 35% pour les sept autres logements au loyer conventionné. La décision du directeur général de l'ANAH du 29 novembre 2011 en litige rejette le recours par lequel la SCI et Mme C...ont revendiqué, d'une part, le bénéfice, pour sept des huit logements, de la majoration du taux de subvention prévue notamment par une délibération du conseil d'administration de l'ANAH du 6 décembre 2005, d'autre part, pour l'ensemble des huit logements, le bénéfice de " l'éco-prime " prévue par la délibération n° 2008-13 du 3 juillet 2008 du même conseil d'administration.

8. Après avoir cité les articles R. 321-17, R. 321-12 et R. 321-11 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que l'article 11 du règlement général de l'ANAH, la décision contestée du 29 novembre 2011 relève, s'agissant du refus de majoration du taux de subvention que " suivant l'instruction n° I. 2007-03 du 31 décembre 2007 publiée au bulletin officiel de l'Equipement n° 2088-03 relative aux subventions de l'ANAH dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne, il appartient au préfet, délégué de l'ANAH dans le département ou au délégataire d'apprécier, notamment en fonction de la nature des travaux envisagés ou de la situation d'insalubrité de l'immeuble ou du logement, l'opportunité d'appliquer la majoration du taux de subvention " et que " pour l'attribution de votre subvention, seul le logement conventionné à loyer très social a bénéficié du taux de subvention majoré, soit 75% du montant des travaux subventionnables ; pour les sept autres logements, compte tenu notamment de la vacance de ces logements, l'intérêt économique et social n'a pas été considéré comme suffisant pour justifier le bénéfice d'une subvention majorée ; cette appréciation étant laissée au décideur conformément à la réglementation énoncée précédemment ". S'agissant du refus d'accorder le bénéfice de " l'éco-prime ", la même décision du 29 novembre 2011 se fonde sur ce qu' " en ce qui concerne le bénéfice de l'éco-prime, il ressort de la délibération n° 2008-13 du conseil d'administration du 3 juillet 2008 (...) que des écoprimes peuvent être attribuées sous certaines conditions sans que leur attribution ne revête un caractère obligatoire ; en l'espèce, le bénéfice des éco-primes sur des logements vacants a pu ne pas présenter un intérêt économique et social pour l'Agence ".

9. En indiquant, au point 3 de son annexe II, consacré aux règles applicables à compter du 1er janvier 2006 pour les " aides aux bailleurs ", le taux maximal de subvention de l'ANAH applicable à " l'habitat indigne ", l'instruction du 31 décembre 2007 de la directrice générale de l'ANAH " relative aux subventions de l'ANAH dans le cadre de la lutte contre l'habitat indigne ", à laquelle se réfère la décision litigieuse du 29 novembre 2011, n'a pas créé de règles nouvelles mais a repris, notamment en ce qui concerne la majoration de 20% du " taux du logement ", les règles dégagées par le conseil d'administration de l'ANAH, notamment dans sa délibération du 6 décembre 2005. Ce faisant, la directrice générale de l'Agence, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, n'a pas excédé le champ de sa compétence tel qu'il est précisé par l'article R. 321-7 précité dudit code. Elle est, au contraire, restée dans les limites de ses attributions telles qu'elles ont été fixées par cet article, qui lui permettent d'adresser des instructions aux délégués de l'Agence visant à assurer une exécution cohérente par ces derniers des décisions prises par le conseil d'administration. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a relevé que, cette instruction étant entachée d'incompétence, la décision litigieuse du 29 novembre 2011 n'avait pu en faire application sans être entachée d'erreur de droit. De plus, en tant qu'elle refuse le bénéfice de l' " éco-prime ", cette décision ne fait pas application de l'instruction du 31 décembre 2007 susmentionnée, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de sa motivation rappelée au point 8 ci-dessus. C'est donc à tort que, pour annuler la décision du 29 novembre 2011, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise par son auteur en se fondant sur une instruction prise par une autorité incompétente.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens par lesquels la SCI Dimodol et Mme C...ont contesté la légalité de cette décision du 29 novembre 2011.

S'agissant du refus de l'ANAH d'accorder la majoration du taux de subvention :

Quant à la compétence de l'auteur de la décision :

11. Par une délibération du 19 mai 2010 régulièrement publiée le 10 septembre suivant, et conformément à ce que prévoit le b) du 9° de l'article R. 321-5 du code de la construction et de l'habitation, le conseil d'administration de l'ANAH a accordé à la directrice générale de l'ANAH une délégation de pouvoirs lui permettant de statuer sur les recours hiérarchiques déposés par les demandeurs de subventions à l'encontre des décisions prises par les délégués locaux de l'Agence. Conformément à ce que permet le VIII de l'article R. 321-7 du code de la construction et de l'habitation, la directrice générale, par une décision du 26 juillet 2010 régulièrement publiée le 25 octobre 2010, a accordé à M.E..., directeur technique et juridique de l'ANAH, délégation à l'effet de signer les décisions prises sur lesdits recours hiérarchiques. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que dernier était incompétent pour signer la décision contestée du 29 novembre 2011 ne peut qu'être écarté.

Quant aux motifs du refus d'accorder le bénéfice de la majoration du taux de subvention :

12. En premier lieu, par une délibération du 6 décembre 2005, le conseil d'administration de l'ANAH a précisé les modifications apportées à compter du 1er janvier 2006 quant aux modalités d'intervention des aides de l'Agence. Il y est notamment précisé que, pour les propriétaires bailleurs, " en cas d'insalubrité, les travaux sont subventionnés au taux de l'opération, selon l'engagement des propriétaires, majorés dans tous les cas de 20% avec un déplafonnement possible des travaux, pris en compte dans la limite de 30 000 euros supplémentaires par logement concerné ". Contrairement à ce que soutiennent la SCI et MmeC..., cette délibération ne crée pas une obligation pour l'ANAH, lorsqu'elle subventionne des travaux destinés à remédier à l'insalubrité d'un logement, de majorer systématiquement de 20% le taux de subvention du logement, lui-même défini en fonction de l'engagement de " maîtrise du loyer " pris par le bailleur et de la zone géographique dans laquelle se situe le logement. En vertu de l'article R. 321-17 précité du code de la construction et de l'habitation, le conseil d'administration ne fixe qu'un montant maximal de subvention, de sorte que les taux qu'il détermine ne peuvent être que des taux maximums. Au demeurant, les tableaux auxquels renvoie la délibération du 6 décembre 2005 précisent bien qu'il s'agit de taux maximums. Enfin, la mention " dans tous les cas " que comportent les indications précitées de cette délibération signifie seulement que, s'agissant des aides destinées à remédier à l'insalubrité, le taux maximum de majoration, fixé à 20%, ne varie pas en fonction du niveau de l'engagement de " maîtrise de loyer " pris par le bailleur et/ou de la zone géographique dans laquelle se situe le logement.

13. En deuxième lieu, dans le point 3 de son annexe II, consacré aux " aides aux bailleurs (règles applicables au 1er janvier 2006) " dans le cadre de la lutte contre " l'habitat indigne ", l'instruction de la directrice générale de l'ANAH du 31 décembre 2007 déjà citée précise que : " Dans tous les cas, le taux maximum auquel sont subventionnées ces opérations est le taux correspondant au niveau de loyer que le propriétaire s'engage à respecter, majoré de 20%. Un déplafonnement des travaux pris en compte est accordé, dans la limite de 30 000 euros supplémentaires par logement concerné (...). Il appartient à la CAH ou au délégataire d'apprécier, notamment en fonction de la nature des travaux envisagés ou de la situation d'insalubrité de l'immeuble ou du logement, l'opportunité d'appliquer la majoration du taux de subvention et du plafond de travaux ". Ces indications ne créent, contrairement à ce que soutiennent la SCI Dimodol et MmeC..., aucune règle nouvelle qui soit en contradiction avec les délibérations du conseil d'administration. Le taux de subvention déterminé par le conseil d'administration de l'ANAH est bien un taux maximal, ainsi qu'il a été dit au point 9. Le fait même qu'il s'agisse d'un taux maximal implique que les autorités chargées d'attribuer les subventions disposent d'un pouvoir d'appréciation notamment quant aux montants des subventions qu'il y a lieu d'allouer pour chaque dossier éligible. Ainsi, en indiquant aux délégués locaux, auxquels s'adresse cette instruction, qu'il leur appartient d'apprécier l'opportunité d'appliquer la majoration du taux en fonction " notamment " de la nature des travaux envisagés et de la situation d'insalubrité du logement, la directrice générale de l'ANAH n'a instauré aucune règle qui soit en contradiction avec les délibérations du conseil d'administration de l'agence, notamment celle précitée du 6 décembre 2005.

14. En troisième lieu, dans le cas où un texte prévoit l'attribution d'un avantage sans avoir défini l'ensemble des conditions permettant de déterminer à qui l'attribuer parmi ceux qui sont en droit d'y prétendre, l'autorité compétente peut, alors qu'elle ne dispose pas en la matière du pouvoir réglementaire, encadrer l'action de l'administration, dans le but d'en assurer la cohérence, en déterminant, par la voie de lignes directrices, sans édicter aucune condition nouvelle, des critères permettant de mettre en oeuvre le texte en cause, sous réserve de motifs d'intérêt général conduisant à y déroger et de l'appréciation particulière de chaque situation.

15. Par son instruction du 31 décembre 2007, la directrice générale de l'ANAH a entendu fixer de telles lignes directrices. Outre les précisions déjà évoquées, elle indique, dans la même annexe II de cette instruction, sous la rubrique " Opportunité ", qu'en ce qui concerne les propriétaires bailleurs, le recours au financement " majoré " de " l'habitat indigne " se justifie davantage pour les logements vacants que pour les logements occupés en expliquant les raisons de cette priorité devant être donnée aux logements vacants. Dès lors, en indiquant, dans la décision en litige du 29 novembre 2011, que l'intérêt économique et social de l'opération envisagée par la SCI Dimodol n'a pas été considéré comme suffisant en raison notamment de la " vacance des logements ", la directrice générale de l'ANAH a méconnu ses propres lignes directrices. Toutefois, l'administration peut, devant le juge, proposer de substituer au motif initialement invoqué pour justifier la décision d'autres motifs, du moment que cette substitution ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué. Il appartient au juge de rechercher si ce dernier motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif.

16. Dans son mémoire enregistré le 14 avril 2016, l'ANAH rappelle que les subventions sont octroyées dans la limite des autorisations d'engagement notifiées par le directeur général et fait valoir que l'octroi de la majoration du taux de subvention à l'ensemble des huit logements que comportait le projet de la SCI Dimodol aurait compromis, compte tenu des crédits délégués au niveau départemental, le financement des autres projets existant dans le département des Hautes-Pyrénées en vue de remédier à l'insalubrité des logements, de sorte que la décision a été prise de n'accorder la majoration de taux qu'au seul de ces huit logements qui faisait l'objet d'un conventionnement " très social ". Les explications ainsi fournies par l'ANAH, assorties de précisions chiffrées, n'ont pas été contestées par la SCI Dimodol et MmeC.... Ces motifs peuvent justifier légalement le refus d'accorder la majoration du taux de subvention dès lors que les taux de subvention prévus par le conseil d'administration sont des taux maximum, que les subventions sont accordées dans la limite des crédits délégués et que l'intérêt général peut justifier, dans ces conditions, que l'Agence, tout en accordant en l'espèce la majoration pour l'un des huit logements du projet de la SCI en raison du caractère très social de la location de ce dernier, renonce à accorder une telle majoration pour les sept autres logements. Il résulte enfin de l'instruction que le directeur général de l'ANAH aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ces motifs, lesquels peuvent, dès lors, être substitués à ceux initialement invoqués.

Quant aux autres moyens :

17. La SCI Dimodol et Mme C...se prévalent de la méconnaissance de la convention d'opération conclue le 20 février 2008 entre l'Etat, la communauté de communes de la haute-Bigorre, le département des Hautes-Pyrénées et l'ANAH. Toutefois, la méconnaissance des stipulations d'un contrat ne peut être utilement invoquée comme moyen de légalité à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre d'une décision administrative. En tout état de cause, cette convention ne comporte aucun élément qui irait à l'encontre de ce qui a été dit précédemment. Il en est de même du programme d'action territoriale pour 2010 qui n'aboutit nullement à contraindre le délégué de l'Agence dans le département à accorder la majoration du taux de subvention.

18. Les bénéficiaires des subventions accordées par l'ANAH, comme en l'espèce, en application de l'article R. 321-12 du code de la construction et de l'habitation sont placés vis-à-vis de cet établissement public dans une situation réglementaire et non contractuelle. Les requérantes ne sauraient, dès lors, se prévaloir du non-respect par l'Agence de ses obligations contractuelles.

S'agissant du refus d'accorder le bénéfice de " l'éco-prime " :

19. La délibération n° 2008-13 du 3 juillet 2008 du conseil d'administration de l'ANAH relative à la création d'éco-primes prévoit la possibilité d'accorder une prime de 2 000 euros par logement aux propriétaires bailleurs remplissant les conditions suivantes : " faire l'objet d'un projet subventionné par l'ANAH lui permettant d'être classé après travaux au moins en étiquette d'énergie " C " ou " D ", ce niveau étant fixé localement par la CAH ou par le délégataire des aides à la pierre ; faire l'objet d'un projet subventionné par I'ANAH permettant une progression après travaux d'au moins deux classes on étiquette d'énergie ; faire l'objet d'un conventionnement avec I'ANAH au titre de l'article L. 321-8 du code de la construction et de l'habitation, ou faire l'objet d'un financement au titre de la sortie d'insalubrité ou de péril (...) ".

20. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la SCI Dimodol a mené un projet de sortie d'insalubrité subventionné par l'ANAH, en procédant notamment au remplacement des huisseries par des fenêtres à double vitrage, à l'isolation des murs et des plafonds de l'immeuble et à l'installation d'un chauffage central alimenté par une pompe à chaleur. Ainsi qu'en témoigne l'évaluation énergétique de l'immeuble, versée au dossier, celui-ci est passé du classement " énergivore " G à un classement " C ", gagnant ainsi quatre classes d'énergie. La SCI Dimodol remplissait ainsi les conditions énoncées par la délibération précitée du 3 juillet 2008 lui ouvrant la possibilité d'obtenir une prime de 2 000 euros par logement.

21. Le fait que le projet de la SCI Dimodol satisfait aux conditions d'octroi de l' " éco-prime " ne confère pas nécessairement à cette SCI le droit d'obtenir cette prime. Toutefois, il appartient à l'ANAH de fournir les motifs pour lesquels, bien que ces conditions soient satisfaites, elle a refusé l'octroi de cette prime et ce, afin de permettre au juge d'exercer son contrôle sur la validité de ces motifs. Elle ne saurait, à cet effet, se limiter, comme elle l'a fait tant devant le tribunal administratif que devant la cour, à affirmer qu'elle se livre à une appréciation en toute opportunité ou que le projet, ainsi qu'elle l'a indiqué dans la décision attaquée, ne lui a pas paru présenter un intérêt économique et social sans apporter la moindre précision à l'appui de cette affirmation. L'ANAH n'apportant ainsi aucun élément permettant de justifier sa décision de refus de verser " l'éco-prime ", cette décision est entachée d'illégalité.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l'ANAH est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de son jugement, le tribunal administratif a annulé la décision du 29 novembre 2011 en tant qu'elle a refusé le bénéfice de la majoration du taux de subvention.

Sur l'appel de la SCI Dimodol et de MmeC... :

En ce qui concerne la régularité du jugement en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de la SCI Dimodol et de MmeC... :

23. Il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif que la SCI Dimodol et Mme C...ont produit une note en délibéré qui a été enregistrée le 24 septembre 2014 au greffe du tribunal administratif de Pau, après la date de l'audience publique, laquelle s'est tenue le 16 septembre 2014. Les visas du jugement du tribunal administratif du 30 septembre 2004 ne font pas mention de cette note en délibéré. Ainsi, en tant qu'il prononce, par son article 3, le rejet des conclusions indemnitaires de la SCI Dimodol et de MmeC..., ce jugement est irrégulier et doit être annulé.

24. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Dimodol et Mme C...devant le tribunal administratif.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires :

25. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Dimodol et Mme C...ont présenté, par une lettre en date du 15 février 2013 reçue par le directeur de l'ANAH le 19 février suivant, une demande indemnitaire tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de la décision d'octroi de subventions d'un montant inférieur à celui annoncé et du rejet du recours gracieux dirigé contre cette décision. Elles ont sollicité, dans cette demande, le versement de la somme de 177 023,89 euros représentant la différence entre le montant de subvention qu'elles estimaient devoir obtenir et la subvention perçue, la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la suppression de l'éco-prime et enfin, une somme de 100 000 euros en réparation de leur préjudice moral et financier. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet du 15 mars 2013. A cette date, le tribunal administratif n'avait pas statué sur la requête. Dès lors, le contentieux a été lié devant le tribunal.

En ce qui concerne le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

26. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, la SCI Dimodol et Mme C...ne peuvent se prévaloir de l'illégalité de la décision du 29 novembre 2011 en tant qu'elle refuse la majoration du taux de subvention pour demander réparation des préjudices invoqués. Elles ne sauraient davantage invoquer, s'agissant de cette majoration, un manquement de l'ANAH à ses engagements. Le seul engagement pris par l'ANAH était en effet celui découlant de la décision du 22 juillet 2010 d'accorder une subvention d'un montant de 180 847 euros, sous réserve du respect par la SCI de ses obligations, notamment quant à la conformité des travaux. Enfin, si la SCI Dimodol a été autorisée par une lettre de l'ANAH du 16 juillet 2010 à commencer les travaux, cette lettre précisait que cette autorisation ne préjugeait pas de l'octroi d'une subvention à son bénéfice, subvention qui, au demeurant, a été accordée seulement six jours après cette lettre. Les requérantes n'ont, par suite, droit à aucune indemnisation découlant du refus de l'ANAH de leur accorder la majoration du taux de subvention.

27. En revanche, le refus d'accorder " l'éco-prime " prévue par la délibération du 3 juillet 2008 du conseil d'administration de l'ANAH est entaché, ainsi qu'il a été dit, d'illégalité, l'Agence ne produisant aucun élément susceptible de justifier ce refus. Elle ne conteste pas sérieusement que les travaux effectivement réalisés sur l'immeuble, désormais achevés, ont été conformes aux engagements de la SCI, notamment quant au respect des normes en matière énergétique. Dans ces conditions, il doit être tenu pour établi que la SCI Dimodol, propriétaire de l'immeuble et maître d'ouvrage des travaux, a subi un préjudice consistant dans la perte d'une somme de 2 000 euros par logement, soit une perte totale de 16 000 euros. Dans ces conditions, elle est fondée à demander la condamnation de l'ANAH à lui verser cette somme. En revanche, il ne résulte de l'instruction ni que le défaut de versement de " l'éco-prime " aurait causé à la SCI un préjudice financier autre que celui résultant de ce non-versement, ni que ce défaut aurait causé à cette société ou à sa gérante un préjudice moral.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires à fin d'injonction :

28. Le présent arrêt annulant le jugement du tribunal administratif en ce qu'il annule le refus d'accorder à la SCI le bénéfice de la majoration du taux de subvention contenu dans la décision du 29 novembre 2011, les conclusions subsidiaires tendant à ce qu'il soit enjoint à l'ANAH de statuer sur le recours hiérarchique du 27 décembre 2010 en appliquant la majoration de 20% ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANAH la somme de 1 500 euros à verser à la SCI Dimodol et Mme C...au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens, et de rejeter les conclusions présentées par l'Agence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1200264 du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il annule la décision refusant d'octroyer à la SCI Dimodol la majoration du taux de subvention, décision contenue dans la décision de la directrice générale de l'ANAH du 29 novembre 2011.

Article 2 : L'article 3 dudit jugement est annulé.

Article 3 : L'ANAH est condamnée à verser la somme de 16 000 euros à la SCI Dimodol.

Article 4 : L'ANAH versera la somme globale de 1 500 euros à Mme C...et à la SCI Dimodol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N°s14BX03441, 14BX03475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX03441,14BX03475
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET CHATAIN et ASSOCIES ; MUSSO ; CABINET CHATAIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;14bx03441.14bx03475 ?
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