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12/07/2016 | FRANCE | N°14BX02755

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 12 juillet 2016, 14BX02755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...Seneet MmeA...'Deye Seneont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n°1302289 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 22 septembre 2014, le 13 avril 2016 et le 27 mai 2016, M. C... Seneet

Mme A...'DeyeSene, représentés par Me F...E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...Seneet MmeA...'Deye Seneont demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n°1302289 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 22 septembre 2014, le 13 avril 2016 et le 27 mai 2016, M. C... Seneet Mme A...'DeyeSene, représentés par Me F...E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 juillet 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de rouvrir l'instruction de manière à ce que les appelants ainsi que l'administration produisent des mémoires s'appuyant sur les conclusions du rapport communiqué par l'administration fiscale sénégalaise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale conclue entre la France et le Sénégal le 29 mars 1974, publiée par décret n° 76-1072 du 17 novembre 1976, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Riou,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M. et MmeB.au sens de la présente convention, au lieu où elle a son "foyer permanent d'habitation", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites)

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme Seneont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2008, 2009 et 2010, à l'issue duquel l'administration a estimé que leur domiciliation fiscale se situait en France et leur a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 à 2010. M. et Mme Senerelèvent appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de l'examen du dossier de première instance qu'à la suite de la production par les requérants, le 13 février 2014, d'un mémoire assorti de nombreuses pièces, l'affaire, initialement prévue pour l'audience du 20 février 2014, a été renvoyée à une audience ultérieure. L'administration a produit un mémoire le 15 avril 2014. L'affaire, enrôlée à nouveau pour l'audience du 15 mai 2014 a été renvoyée à l'audience du 12 juin 2014. Si, le 28 mai 2014, l'administration a produit un nouveau mémoire, ce dernier a été immédiatement communiqué aux requérants qui ont disposé d'un délai suffisant pour y répliquer avant la clôture de l'instruction trois jours francs avant l'audience du 12 juin. Dans ces conditions, en refusant de renvoyer à nouveau l'affaire, le tribunal administratif n'a méconnu ni le principe du contradictoire, ni le droit à un procès équitable.

Au fond :

Sur la domiciliation fiscale :

3. En premier lieu, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions, en vertu de l'article 55 de la Constitution, peut conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention conclue le 29 mars 1974 entre la France et le Sénégal, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

4. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à tire accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ". Pour l'application des dispositions du a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.

5. M. Sene fait valoir qu'étant séparé de fait de son épouse depuis 2001, ainsi qu'en atteste un jugement du 24 février 2003 du juge aux affaires familiales, il vit depuis lors au Sénégal, avec une autre personne qu'il a épousé religieusement en 1996, et y a fondé, en 2002-2003, avec différents associés, la SA Massa International dont il est devenu le dirigeant. Il soutient également que les investissements réalisés en France ont été rendus nécessaires en raison de l'instabilité politique résultant des élections de 2007 au Sénégal. Toutefois, il résulte de l'instruction que, depuis 2008, Mme D...épouseB..., que M. Senea épousée en 1978 et dont il n'est pas divorcé, vit au Bouscat dans une maison qui a été acquise cette même année par l'intermédiaire d'une société civile immobilière dans laquelle M. Seneet son épouse sont associés à parts égales. Le couple disposait d'un compte joint et M. Senealimentait régulièrement le compte propre de son épouse. Un des deux enfants du couple vivait avec sa mère au Bouscat au cours des années en litige, l'aîné résidant aux Etats-Unis. Il n'est pas allégué que l'intéressé avait des enfants au Sénégal au cours des années litigieuses et, de façon générale, en dehors de la preuve du mariage religieux célébré au Sénégal en 1996, il n'est pas apporté d'éléments précis sur les intérêts familiaux dont il disposait dans ce pays au cours des années litigieuses. S'il est fait état du " contrôle judiciaire " sous lequel M. Seneaurait été placé de 2008 à 2012 et qui l'aurait empêché de venir en France plus de quinze jours par an, la réalité de cette situation n'est, en tout état de cause, pas établie par les pièces versées au dossier. Enfin, les requérants ne peuvent se prévaloir utilement de la décision d'irrecevabilité opposée par les services du ministère de l'intérieur à la demande de naturalisation de Mme Seneau motif que son époux résidait au Sénégal dès lors que cette décision, qui, au demeurant, ne porte pas de date lisible, n'a ni pour objet ni pour effet de déterminer le domicile fiscal de M. Sene au cours des années d'imposition. Dans ces conditions, l'administration a pu estimer à juste titre que ce dernier avait en France, au cours des années 2008 à 2010, son domicile fiscal au sens des dispositions précitées de l'article 4 B du code général des impôts, alors même que son activité professionnelle se déroulait au Sénégal.

6. Aux termes de l'article 2 de la convention franco-sénégalaise susvisée : " 1. Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son "foyer permanent d'habitation", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites)(... ".

7. La notion de foyer d'habitation permanent retenue par l'article 2 de la convention fiscale franco-sénégalaise doit être définie en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable et non à son patrimoine. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, c'est en France que se situait, au cours des années litigieuses, le lieu avec lequel M. Seneavait les relations personnelles les plus étroites. Dans ces conditions, c'est en France qu'il doit être regardé comme ayant eu, au cours de ces années, son foyer permanent d'habitation. Dès lors, les requérants ne sauraient faire valoir le contraire pour soutenir que les stipulations de la convention franco-sénégalaise feraient obstacle à l'application de la loi fiscale interne.

Sur la revendication d'une imposition séparée des époux :

8. Aux termes du 4 de l'article 6 du code général des impôts : " Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a) Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b) Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c) Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts ".

9. Il résulte de l'instruction que M Seneet son épouse, mariés sous le régime de la communauté, n'étaient pas séparés de biens. Le jugement du juge aux affaires familiales du 24 février 2003 se borne à fixer une contribution de M. Seneaux charges du ménage à la demande de son épouse. Aucune autorisation de résidences séparées n'est intervenue dans le cadre d'une instance de séparation de corps ou de divorce. Enfin, l'existence, au cours des années 2008 à 2010 en litige, d'une rupture effective du foyer constitué entre M. Seneet son épouse résidant en France qui, seule, pourrait caractériser un abandon du domicile conjugal, n'est aucunement avérée. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les contribuables devaient faire l'objet d'impositions distinctes pour les années litigieuses.

Sur les bases d'imposition :

10. En vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications prévues à l'article L.16 du même livre. M. et Mme Seneont été invités à justifier l'origine de sommes créditées sur leurs comptes bancaires par voie notamment de remises d'espèces ou de chèques. Les sommes dont l'origine n'a pas été regardée comme justifiée ont été regardées comme des revenus imposables et taxées d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Les contribuables ne contestent pas la mise en oeuvre de cette procédure de cette taxation d'office. Dans ces conditions, en vertu de l'article L. 192 du même livre, la charge de prouver l'exagération des sommes ainsi taxées d'office leur incombe.

11. Aux termes des 2ème et troisième alinéas de l'article 1649 A du code général des impôts : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Il résulte de l'instruction qu'un compte bancaire BNP ouvert au nom de M. Seneavait été crédité en 2008 et 2009 de sommes provenant de virements de l'étranger et que le compte ouvert à l'étranger d'où provenaient ces fonds n'avait pas été déclaré. Dès lors, il appartient au contribuable de renverser la présomption du caractère imposable de ces sommes. Pour ce faire, il lui appartient, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures.

12. Les requérants font valoir que les sommes imposées en vertu des dispositions rappelées aux points 10 et 11 ci-dessus correspondent à des salaires versés à M. Senepar la société Massa International et qui ont déjà été imposés au Sénégal, à un emprunt immobilier, à une autorisation de découvert, à des dommages et intérêts obtenus par M. Senedevant la chambre sociale de la cour d'appel de Dakar. Toutefois, à défaut notamment de concordance entre les montants et les dates des opérations invoquées et les montants et les dates des remises de chèques et d'espèces ou des virements à l'origine des crédits bancaires ayant servi à déterminer les bases d'imposition, les précisions et documents produits par les requérants ne permettent ni de justifier de l'origine des revenus taxés d'office comme revenus d'origine indéterminée en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ni de renverser la présomption résultant des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts.

Sur le droit à un crédit d'impôt :

13. M. et Mme Sene soutiennent qu'ils auraient dû bénéficier d'un crédit d'impôt en application des stipulations du 3 de l'article 26 de la convention franco-sénégalaise, aux termes desquelles : " (...) Lorsqu'une personne domiciliée.au sens de la présente convention, au lieu où elle a son "foyer permanent d'habitation", cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites) L'impôt prélevé dans l'autre Etat n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable dans le premier Etat. Toutefois, cette personne a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt du premier Etat dans la base duquel ces revenus sont compris ". Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 12, il ne peut être tenu pour établi que les sommes litigieuses, imposées en application des articles L. 69 du livre des procédures fiscales et 1649 A du code général des impôts, auraient eu pour origine les salaires versés à M. Seneau Sénégal et imposés en tant que tels.

Sur le moyen tiré de la bonne foi :

14. Les majorations dont ont été assorties les impositions litigieuses sont, d'une part, celles prévues par le 1 de l'article 1728 du code général des impôts en cas de défaut de production dans les délais d'une déclaration de revenus, d'autre part, celles prévues par l'article 1758 du même code en cas de mise en oeuvre de l'article 1649 A. Ces majorations étant dues indépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi des contribuables, le moyen tiré de ce que M. et Mme Senesont de bonne foi est inopérant.

Sur les intérêts de retard :

15. Pour contester l'application des intérêts de retard, les requérants ne peuvent utilement invoquer le fait que M. Senes'est fié à la " prise de position " des services du ministre de l'intérieur résultant de la décision mentionnée au point 5 du présent arrêt qui, en tout état de cause, ne constitue pas une prise de position de l'administration fiscale qui serait opposable à celle-ci sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de d'ordonner la production des éléments communiqués par l'administration fiscale sénégalaise, que M. et Mme Senene sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. et Mme Seneest rejetée.

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N° 14BX02755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02755
Date de la décision : 12/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP ANDRIEU HADJADJ BAZALGETTE LAROZE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-12;14bx02755 ?
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