La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2016 | FRANCE | N°14BX03313

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2016, 14BX03313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société France Général Store Mobil (GSM) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1203394 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2014, Me B...A..., ag

issant en qualité de mandataire liquidateur de la société France Général Store Mobil, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société France Général Store Mobil (GSM) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1203394 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2014, Me B...A..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société France Général Store Mobil, représentée par Me D...et MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2014 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 pour un montant de 85 829 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société France Général Store Mobil (GSM) exploite une activité de négoce de téléphones portables. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures d'achat de téléphones de la SARL Finex et de l'EURL Comaud, au motif que ces factures avaient été émises par des fournisseurs impliqués dans un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée dont l'intéressée ne pouvait ignorer l'existence. MeA..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société GSM, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 à la suite du contrôle susmentionné.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération... II. 1 ... la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures... ". Aux termes de l'article 272 du même code : " ... 3. La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".

3. Il résulte de ces dispositions prises pour l'application de la directive susvisée du 28 novembre 2006, notamment de son article 167 tel que l'a interprété la Cour de justice de l'Union européenne, que le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti, auquel les biens servant de base pour fonder le droit à déduction ont été livrés, savait ou aurait dû savoir que, par l'acquisition de ces biens, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en va ainsi alors même que l'opération en cause satisferait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique.

4. Il résulte tout d'abord des investigations de l'administration que les téléphones acquis par la société GSM provenaient de grossistes " agréés " par les opérateurs de téléphonie mobile mais aussi de deux fournisseurs " indépendants ", la société Finex France et l'entreprise Communication audiovisuelle (Comaud). L'administration, à la suite de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de vérifications de comptabilité opérées dans ces deux entreprises dont les résultats ont été portés à la connaissance de la société GSM, a établi que celles-ci participaient à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée : ces fournisseurs agissaient comme de simples intermédiaires de facturation permettant de transmettre à leurs clients un droit indu de déduction de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles ne reversaient pas elles-mêmes.

5. La société GSM ne conteste pas ces faits mais soutient que l'administration n'a pas rapporté la preuve objective qu'elle aurait dû savoir qu'en traitant avec ces deux sociétés, elle participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société GSM et notamment l'époux de sa gérante qui était chargé des approvisionnements de la société étaient en relation d'affaires suivies avec la société Finex dont la société GSM a été l'un des plus gros clients au cours de l'année 2007 et avec la société Comaud, comme en témoigne le montant des transactions réalisées : la société Finex France a facturé à la société GSM un montant de marchandises de 1 019 634 euros dont 167 044 euros de TVA sur la période du 22 mars 2007 au 30 septembre 2007 et la société Comaud a facturé un montant de marchandises de 78 045 euros dont 15 305 euros de TVA sur la période du 5 novembre 2007 au 23 janvier 2008. Il résulte encore de l'instruction que les dirigeants de la société GSM avaient une connaissance personnelle des dirigeants de la société Finex et ne pouvaient donc ignorer l'objet réel de l'activité de la société Finex alors qu'elle opérait dans un secteur où le risque de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée est notoire parmi les professionnels. Le service produit d'ailleurs un témoignage d'un co-gérant de la société GSM qui établit que ce dernier avait connaissance des pratiques frauduleuses de la société Finex : mais la société GSM n'en a pas moins continué de traiter avec ce fournisseur.

7. En deuxième lieu, les dirigeants de la société GSM, en tant qu'opérateurs spécialisés sur le marché des téléphones portables, avaient une expérience approfondie des prix pratiqués sur ce marché tant par les grossistes agréés des opérateurs que par les fournisseurs dits indépendants. La société ne pouvait donc ignorer qu'elle bénéficiait de prix anormalement bas pratiqués par la société Finex et la société Comaud, ce qui aurait dû l'alerter, comme tout intermédiaire avisé, sur les pratiques de facturation et de non reversement de taxe sur la valeur ajoutée sans lesquelles ces fournisseurs ne pouvaient qu'effectuer des ventes à perte. Et la circonstance d'ailleurs non établie que la société n'aurait tiré aucun avantage commercial propre de son implication dans le réseau de fraude est sans influence sur la solution du litige dès lors que la société a elle-même contribué à ce que le paiement effectif de la taxe sur la valeur ajoutée soit éludé dans le réseau de fraude auquel elle a ainsi prêté un concours intéressé, du fait de l'avantage commercial qu'elle en retirait nécessairement par rapport à ses concurrents s'approvisionnant régulièrement sur le marché.

8. En troisième lieu, la société GSM ne pouvait ignorer les anomalies entachant la facturation de la société Finex et les documents remis à la livraison des marchandises qui, notamment, ne permettaient pas de déterminer l'origine des marchandises. Elle doit donc être regardée comme ayant accepté sciemment une facturation de complaisance alors que, si elle s'était régulièrement approvisionnée auprès de fournisseurs sur le marché européen ailleurs qu'en France et non en recourant à une entreprise " écran " lui facturant frauduleusement la taxe, elle n'aurait pu déduire aucune taxe sur la valeur ajoutée à la suite de ses acquisitions intra-communautaires.

9. En quatrième et dernier lieu, la société a procédé à des achats substantiels auprès de la société Comaud, alors qu'elle ne pouvait ignorer que cette société n'avait aucun moyen réel d'exercer un activité d'intermédiaire commercial puisqu'elle ne disposait ni de personnel, ni d'aucune infrastructure, ni même de compte bancaire, de sorte qu'un professionnel normalement averti opérant sur un marché connu pour être investi par des opérateurs frauduleux ne pouvait qu'identifier une société de façade.

10. La société objecte qu'elle a accompli des diligences suffisantes et même plus importantes que celles exigées d'un opérateur averti en ayant demandé un extrait Kbis des deux sociétés, un quitus de taxe sur la valeur ajoutée et en ayant visité leurs locaux. Mais ces vérifications, dont la preuve n'est d'ailleurs pas établie, ne peuvent toutefois être regardées comme suffisantes pour infirmer les constatations opérées par l'administration qui démontrent que la société a été impliquée dans le réseau de fraude en toute connaissance de cause.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans que la société GSM puisse se prévaloir de la doctrine administrative référencée 3-A-7-07 du 30 novembre 2007, dans ses éléments relatifs à la dévolution de la charge de la preuve qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle rappelée au point 3, que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la requérante ne pouvait ignorer le caractère frauduleux de ses approvisionnements auprès de la société Finex comme de l'entreprise Comaud. L'administration a, par suite et à juste titre, estimé que la société n'était pas en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait acquittée sur ces approvisionnements.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré... ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs... la preuve de la mauvaise foi... incombe à l'administration ".

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration rapporte la preuve, par un faisceau d'indices convergents, que la société GSM ne pouvait ignorer qu'elle participait à un réseau de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en s'approvisionnant auprès de la société Finex et de l'entreprise Comaud. L'administration établit ainsi l'intention délibérée de la société de déduire une taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été facturée frauduleusement et justifie dès lors le bien-fondé de l'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société GSM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société GSM demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE

Article 1er : La requête de Me A...agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société France Général Store Mobil est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 14BX03313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX03313
Date de la décision : 07/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-07-07;14bx03313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award