Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire délivré le 29 octobre 2013 par le maire des Portes-en-Ré à M. D...pour la construction d'une maison individuelle et d'un garage.
Par un jugement n° 1400003 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2015, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 mars 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire du 29 octobre 2013.
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Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune des Portes en Ré.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 septembre 2013, le maire des Portes-en-Ré a refusé à M. D...le permis de construire qu'il avait demandé pour l'édification d'une maison d'habitation avec garage sur une parcelle située 8 rue de la Vigne à Madame. Toutefois, le 29 octobre 2013 cette autorité a retiré le refus de permis et accordé l'autorisation sollicitée. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement n° 1400003 du 19 mars 2015, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de ce permis de construire.
2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, l'autorité administrative doit apprécier ce risque, en l'état des données scientifiques disponibles, en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, le risque spécifique que la présence même de l'ouvrage est susceptible de créer, en cas de sinistre d'une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture, dans la mesure où la survenance de tels accidents n'est pas dénuée de toute probabilité.
3. En premier lieu, les plans de prévention des risques naturels, qui sont destinés notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et qui valent servitude d'utilité publique par application de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, s'imposent directement aux autorisations de construire sans que l'autorité administrative soit tenue d'en reprendre les prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Toutefois, l'instauration d'un tel plan n'interdit pas à cette autorité, à qui il incombe de vérifier, au regard des particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier, que la construction ne sera pas de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, de refuser, lorsqu'une telle atteinte le justifie, la délivrance de l'autorisation sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que le projet de M. D...respecte les règles de hauteur de plancher fixées par le règlement du plan de prévention des risques naturels, approuvé le 19 juillet 2002, dans la zone BF ne fait pas obstacle, par elle-même, à l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
4. En second lieu, les phénomènes de submersion observés au cours de la tempête dénommée Xynthia, qui est survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, ont montré que les données de référence sur la base desquelles avait été élaboré ce plan de prévention n'étaient plus adaptées aux dangers susceptibles de se produire. Les services de l'Etat se sont en conséquence engagés dans une démarche de révision du plan de prévention. Les études réalisées dans ce cadre ont conduit, sur la base d'une modélisation, à l'établissement d'une cartographie des niveaux d'eau maximaux. Ces études ont pris en considération le retour d'expérience de la tempête établi par la société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques (Sogréah), les relevés du marégraphe du port de La Pallice, dont le défaut de fiabilité n'est pas démontré et qui attestent d'un niveau de l'océan pendant la tempête à la cote altimétrique de 4,50 mètres par rapport aux repères du nivellement général de la France (B...), et les effets du réchauffement de la terre, par l'application d'une hauteur supplémentaire de 20 centimètres habituellement admise. Cette cartographie inclut le terrain d'assiette du projet de M. D...dans un secteur où les niveaux d'eau maximaux peuvent atteindre entre 3,80 et 4 mB.... Cette parcelle étant située entre les cotes altimétriques 3,07 et 2,68, le risque maximal de submersion en son point le plus bas a été évalué à 1,32 m. A...outre, tant la voie de desserte du terrain que la route départementale 101 permettant de rejoindre le centre-bourg sont également situées dans un secteur exposé à un niveau d'eau maximal pouvant atteindre la cote 4 mB.... Enfin, contrairement à ce que soutient la commune des Portes-en-Ré, les digues de la Redoute, de la Loge et de l'Anse du fourneau, situées sur la façade maritime de la commune, ne permettent pas d'assurer la protection du secteur qui a été submergé lors de la tempête Xynthia par des entrées d'eau en provenance du Fier d'Ars dont les ouvrages de protection ont subis de multiples dégradation. Les risques auxquels le terrain de M. D...est exposé sont suffisamment caractérisés par les documents produits par le préfet de la Charente-Maritime, notamment par les cartes relatives aux éléments de mémoire et retour d'expérience de l'événement Xynthia et celles relatives au niveaux d'eau maximaux en cas d'événement de référence plus 20 centimètres, dont les conclusions ne sont pas utilement contestées, ainsi que le document établi par le cabinet Artélia qui expose la méthodologie mise en oeuvre pour la modélisation des risques de submersion. La situation du terrain constitue ainsi un risque majeur pour les résidents, sans qu'importe la qualification de l'aléa à une telle hauteur d'eau ou la circonstance qu'au cours de la tempête Xynthia ni le terrain concerné, ni la rue de la Vigne à Madame ou la route départementale 101 n'aient été submergés.
5. Par ailleurs, notamment eu égard à la hauteur d'eau susceptible de submerger non seulement la construction mais aussi la voie de desserte et la voie d'accès au centre-bourg, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet aurait pu, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, être délivré sous réserve de prescriptions particulières relatives au rehaussement du sol de la construction.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a estimé que le permis de construire accordé à M. D...le 29 octobre 2013 n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime est fondé à demander l'annulation du jugement contesté et de ce permis de construire.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes dont M. D...et la commune des Portes-en-Ré demandent le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1400003 du 19 mars 2015 et le permis de construire délivré le 29 octobre 2013 par le maire des Portes-en-Ré à M. D...sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. D...et de la commune des Portes-en-Ré tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 15BX01620