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23/06/2016 | FRANCE | N°15BX03937

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 23 juin 2016, 15BX03937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé, par une requête enregistrée le 20 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif de Lille transmise le 23 octobre 2015 au tribunal administratif de Toulouse, l'annulation de l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 19 octobre 2015, d'une part, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1504850 du 2 novembre 2015, le magistrat désigné par le pr

sident du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé, par une requête enregistrée le 20 octobre 2015 au greffe du tribunal administratif de Lille transmise le 23 octobre 2015 au tribunal administratif de Toulouse, l'annulation de l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 19 octobre 2015, d'une part, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, ordonnant son placement en rétention.

Par un jugement n° 1504850 du 2 novembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2015, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 2 novembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Pas-de-Calais du 19 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Pas-de-Calais de lui délivrer, dès la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour en conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel n° 4 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 26 mai 2016 :

- le rapport de Mme Patricia Rouault-Chalier,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant iranien né en 1995, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, dans le courant du mois de septembre 2015, après avoir transité par la Turquie puis la Grèce. A la suite de son interpellation le 19 octobre 2015 dans une zone à accès restreint du port de Calais alors qu'il tentait de se rendre en Grande-Bretagne, la préfète du Pas-de-Calais a, par un arrêté du 19 octobre 2015, d'une part, fait obligation à M. C...de quitter sans délai le territoire français et fixé le pays dont il revendique la nationalité, ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible, comme pays de renvoi et, d'autre part, placé l'intéressé en rétention dans les locaux de la direction départementale de la police aux frontières du Pas-de-Calais et de tout autre centre de rétention administrative durant cinq jours. M. C...a été transféré, le même jour, au centre de rétention de Coquelles où ses droits lui ont été notifiés, avant d'être conduit au centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu. M. C...relève appel du jugement du 2 novembre 2015 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du 19 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. M. C...soutient " en préambule " et sans plus de précision que l'arrêté contesté du 19 octobre 2015 de la préfète du Pas-de-Calais méconnaît l'article 1er de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en vertu duquel : " La dignité humaine est inviolable. Elle doit être respectée et protégée. ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les mesures prononcées à son encontre auraient par elles-mêmes, indépendamment des conditions de leur exécution, porté atteinte à son droit garanti par ces stipulations.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

3. En premier lieu, M. C...soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier. Toutefois, l'arrêté du 19 octobre 2015 en litige, qui vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne, notamment, les dispositions des articles L. 511-1 I et II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les considérations de droit qui en constituent le fondement. La préfète indique que M. C...se prévaut de la nationalité iranienne et que l'intéressé, qui a déclaré vouloir rejoindre la Grande-Bretagne, est en situation de transit et ne dispose d'aucun visa lui permettant d'entrer sur le territoire du Royaume-Uni, ni d'un document transfrontalier en cours de validité. Elle ajoute qu'il n'établit pas être exposé personnellement à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ayant quitté son pays pour des raisons religieuses, et qu'il n'est pas porté atteinte à sa vie privée et familiale, dès lors qu'il voyage seul. La préfète relève, en outre, que M. C...n'est pas en mesure de justifier être entré régulièrement sur le territoire français, et mentionne que l'intéressé n'a pas déposé de demande de titre de séjour ni n'a déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, et qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. La préfète indique enfin qu'il existe ainsi un risque que l'intéressé se soustraie à une décision d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre et dont il a été préalablement informé lors de son audition par les services de la police de l'air et des frontières. Ainsi l'arrêté, qui n'était pas tenu de préciser de manière exhaustive l'ensemble des éléments tenant à la situation de M.C..., comporte, également, les considérations de fait sur lesquelles la préfète s'est fondée pour prononcer l'obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait entaché cette décision d'une insuffisance de motivation, en méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, doit être écarté. Il ressort en outre des pièces du dossier et de la motivation même de cet arrêté que l'ensemble des décisions qu'il contient ont été prises après un examen particulier de la situation personnelle de M.C..., y compris la décision de refus de lui accorder un délai pour un départ volontaire ou celle fixant le pays de renvoi.

4. En deuxième lieu, M. C...soutient qu'en ne le mettant pas en mesure de présenter ses observations avant de prendre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète du Pas-de-Calais n'a mis en oeuvre aucune procédure contradictoire assurant le respect du principe général du droit consacré par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, imposant à l'administration d'entendre une personne avant de prendre à son encontre une décision lui faisant grief. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C...a été entendu par les services de la police de l'air et des frontières le 19 octobre 2015, avant l'édiction de la mesure en litige, dans le cadre de la procédure de vérification du droit de circulation ou de séjour. Au cours de cette audition, il a été interrogé sur ses conditions d'entrée et de séjour en France, sur sa situation personnelle et familiale, sur ses attaches dans son pays d'origine, sur ses conditions d'hébergement et ses moyens de subsistance, ainsi que sur les éventuelles démarches entreprises en vue de la régularisation de sa situation administrative, notamment au regard de l'asile. Il a en particulier indiqué, à cet égard, qu'il entendait " demander l'asile en Angleterre " et a précisé qu'il ne voulait pas retourner en Iran. Ainsi, M. C...a été mis à même, avant l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, de faire valoir les éléments qui auraient pu faire obstacle à son retour dans son pays d'origine et a d'ailleurs indiqué, à l'issue de cet interrogatoire, ne pas avoir d'autres informations à porter à la connaissance du préfet. Dans ces conditions, le requérant ne peut sérieusement soutenir que la préfète aurait méconnu le principe du contradictoire ou son droit d'être entendu.

5. En troisième lieu, M. C...soutient qu'il est entré en France en vue de solliciter l'octroi d'une protection internationale et que l'administration aurait dû le considérer comme un demandeur d'asile et se prononcer sur son admission au séjour en France à ce titre avant de lui faire obligation de quitter le territoire français. Il fait valoir que faute de l'avoir fait, la préfète du Pas-de-Calais a méconnu les dispositions des articles L. 741-2, L. 741-4 et L.742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ou principe applicable n'exigent de l'autorité préfectorale qu'elle se prononce sur l'admission au séjour au titre de l'asile d'un étranger qui n'a pas présenté de demande d'asile, avant de prendre à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire. Il ressort des pièces du dossier et, notamment du procès-verbal de l'audition de M.C..., que l'intéressé a seulement fait part de son souhait de demander l'asile en Grande-Bretagne et qu'il n'a à aucun moment sollicité l'asile en France ou dans un autre des pays européens qu'il a traversés, ni demandé la délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, la préfète a pu légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M.C..., qui ne détenait aucun document ou titre en cours de validité l'autorisant à séjourner ou à circuler sur le territoire français et n'a pas justifié y être entré régulièrement, sans se prononcer au préalable sur son admission au séjour au titre de l'asile.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée.(...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. / II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".

7. En premier lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, M.C..., de nationalité iranienne, ne détenait, lors de son interpellation, aucun document ou titre en cours de validité l'autorisant à séjourner ou à circuler sur le territoire français et n'a pas justifié y être entré régulièrement. Il se trouvait donc dans le cas prévu par les dispositions sus-rappelées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où peut être prise à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du protocole additionnel n°4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Les expulsions collectives d'étrangers sont interdites ". La même interdiction figure également à l'article 19-1 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Contrairement à ce que soutient M.C..., le fait que plusieurs étrangers fassent l'objet de décisions semblables ne permet pas, en tout état de cause, en lui-même, de conclure à l'existence d'une expulsion collective. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 2, il ressort des pièces du dossier que la décision faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français n'a pas eu un caractère automatique, qu'elle a été prise après un examen objectif de sa situation personnelle et se fonde sur des circonstances de fait propres à cette situation et que l'intéressé a pu individuellement faire valoir auprès des services de police et de l'administration préfectorale les arguments qui, selon lui, s'opposaient à son éloignement. Dans ces conditions, M. C...ne saurait se prévaloir de ce que d'autres mesures d'éloignement auraient été prononcées à l'encontre de nombreux étrangers en situation irrégulière, le même jour que celui où a été prise à son encontre la décision litigieuse, pour soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une expulsion collective interdite par les stipulations susmentionnées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce moyen doit dès lors être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 : " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : / a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, / b) de la vie familiale, / c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers et respectent le principe de non-refoulement ". L'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 stipule que : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays ". En vertu de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Le droit d'asile est garanti dans le respect des règles de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés et conformément au traité instituant la Communauté européenne ". Enfin, selon l'article 19. 2 de la même charte : "Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. C...soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe de non-refoulement instauré par les dispositions précitées de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, ces dernières ont été transposées dans l'ordre juridique interne, à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Dès lors, l'intéressé, qui n'établit ni même n'allègue que cette transposition aurait été irrégulière, ne peut pas se prévaloir des dispositions de cette directive pour contester la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-refoulement n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée. En outre, M.C..., qui n'est pas titulaire du statut de réfugié et n'a jamais présenté de demande d'asile, ne peut utilement se prévaloir des stipulations précitées de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance de l'article 19.2 de la même charte dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de fixer le pays vers lequel l'intéressé doit être éloigné.

11. En quatrième lieu, dans la mesure où l'obligation de quitter le territoire français a été notifiée à M. C...après une vérification de son droit au séjour à la suite de son interpellation dans la zone d'accès restreint du port de Calais, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas, en édictant cette obligation, poursuivi les objectifs en vue desquels lui ont été conférés les pouvoirs afférents à la police spéciale des étrangers, et qu'elle aurait seulement, ce faisant, entendu procéder au démantèlement de la " jungle " de Calais et éloigner l'intéressé de cette région, sans entamer les diligences auprès des autorités du pays dont il revendique la nationalité en vue de mettre effectivement à exécution la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Contrairement à ce que soutient M.C..., la préfète a, au demeurant, produit en première instance une télécopie adressée le 19 octobre 2015 à l'ambassadeur d'Iran à Paris sollicitant l'engagement des démarches en vue d'établir un laissez-passer consulaire au nom du requérant. La circonstance que plusieurs dizaines d'étrangers en situation irrégulière séjournant dans la région de Calais auraient été interpellés et auraient fait l'objet de décisions analogues le même jour ou à des dates proches avant d'être déplacés vers différents centres de rétention administrative, ne saurait davantage démontrer que la préfète du Pas-de-Calais aurait agi le 19 octobre 2015 uniquement dans un but autre que celui d'assurer le respect des règles auxquelles sont soumis les étrangers, s'agissant de leur entrée et de leur séjour sur le territoire national, notamment par l'éloignement des étrangers qui y séjournent irrégulièrement. Ainsi, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre serait entachée d'un détournement de pouvoir.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

12. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C...n'est pas fondé à soutenir, par voie d'exception, que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire serait entachée d'illégalité.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. M. C...soutient que la motivation en fait de la décision fixant le pays de renvoi est stéréotypée et lacunaire. Toutefois, la préfète indique que l'intéressé sera reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, qu'il n'établit pas être personnellement et directement exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, dont elle précise qu'il l'a quitté pour des raisons religieuses. Par suite, en tant qu'il fixe le pays de renvoi, l'arrêté du 19 octobre 2015 est suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979.

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

15. M. C...soutient qu'en cas de retour forcé dans son pays d'origine, il pourrait être condamné à mort pour crime d'apostasie, à la suite de sa conversion au christianisme. Toutefois, il n'a pas déposé de demande au titre de l'asile et n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations, ni même aucune précision sur les circonstances de cette conversion permettant d'en apprécier la réalité. Par suite, M. C...n'établissant pas l'existence de risques de peines ou traitements inhumains personnellement et directement encourus en cas de retour en Iran, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision ordonnant le placement en rétention :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision ordonnant le placement en rétention de M. C...serait illégale en raison de l'illégalité dont est entachée l'obligation de quitter le territoire français sans délai doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au présent litige : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Au regard tant de l'objet de la mesure de placement en rétention administrative que des dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration ne peut placer l'étranger en rétention administrative que dans la mesure où cela est strictement nécessaire à son départ et en vue d'accomplir les diligences visant à permettre l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français. Il appartient au juge administratif lorsque le caractère strictement nécessaire du placement en rétention est contesté devant lui, de contrôler que l'administration met en oeuvre de telles diligences.

18. M. C...soutient que la décision de le placer en rétention n'est pas justifiée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français sans être en mesure de justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et qu'avant son interpellation, il n'a effectué aucune démarche pour se procurer ces documents et n'a présenté aucune demande d'asile. Il n'invoque par ailleurs aucune circonstance particulière de nature à établir qu'il aurait eu l'intention d'exécuter volontairement la mesure d'éloignement prise à son encontre, alors qu'il a déclaré au cours de son audition par les services de la police aux frontières, avant l'intervention de l'arrêté du 19 octobre 2015, ne pas vouloir retourner en Iran et ne pas disposer d'un lieu de résidence stable en France. Dans ces conditions, la préfète du Pas-de-Calais a pu légalement estimer qu'il ne présentait pas de garanties de représentation effectives de nature à écarter le risque de fuite.

19. Compte tenu de ce qui a été dit au point 11, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Pas-de-Calais aurait ordonné le placement en rétention de M. C... dans un autre but que l'exécution de l'obligation de quitter sans délai le territoire français prononcée à son encontre, et l'organisation du départ de l'intéressé, en vue de laquelle elle a saisi, le 19 octobre 2015, l'ambassade d'Iran à Paris aux fins de délivrance d'un laissez-passer par les services consulaires iraniens. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure serait entachée d'un détournement de procédure doit être écarté.

20. En troisième et dernier lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : / (...) f. s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ". Selon le quatrième paragraphe de ce même article : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ".

21. M. C...soutient que la décision ordonnant son placement en rétention administrative aurait méconnu les stipulations précitées en l'absence de lien entre la rétention et le but poursuivi d'éloignement du territoire national, cette mesure n'ayant eu en réalité pour objet que de l'éloigner de Calais et de le sanctionner pour ne pas avoir sollicité l'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de l'intéressé dans son pays d'origine, et compte tenu de ce que ce dernier ne justifiait ni d'une adresse stable ni de garanties effectives de représentation, la préfète a pu, sans méconnaître les stipulations invoquées, décider de placer M. C...en rétention administrative.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Pas-de-Calais.

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15BX03937 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX03937
Date de la décision : 23/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-06-23;15bx03937 ?
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