Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 mars 2015 par laquelle le préfet de la Charente a refusé de lui renouveler son certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1501873 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Charente de délivrer à Mme B...A...un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2015, le préfet de la Charente demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 novembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...A... devant le tribunal administratif de Poitiers.
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Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 30 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les observations de MeD..., représentant de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France le 2 février 2013, accompagnée du plus jeune de ses fils, âgé de 4 ans. Elle a épousé un ressortissant français, M.C..., le 26 octobre 2013 et s'est vu délivrer un certificat de résidence en sa qualité de conjointe de ressortissant français. Le 5 novembre 2014, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 13 mars 2015, le préfet de la Charente a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet de la Charente relève appel du jugement n° 1501873 du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme B...A...un certificat de résidence algérien, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du jugement.
Sur la recevabilité de l'appel du préfet :
2. Si le préfet de la Charente a demandé le rejet de la requête de MmeA..., il ressort clairement de ses conclusions d'appel qu'il a entendu demander l'annulation du jugement du tribunal administratif et le rejet de la demande présentée par Mme A...devant le tribunal. Par suite, la fin de non-recevoir invoquée par Mme A...à ce titre ne peut qu'être écartée.
Sur la légalité de l'arrêté :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (.. ) Le premier renouvellement de certificat de résidence délivré au titre du 2 ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". En vertu de l'article 7 bis de ce même accord : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ".
4. Le tribunal administratif de Poitiers, après avoir estimé que les violences subies par le fils de Mme A...étaient à l'origine de la rupture de la communauté de vie entre les époux, a prononcé l'annulation de l'arrêté attaqué en retenant le moyen tiré de ce que la décision refusant à l'intéressée le renouvellement de son titre de séjour était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des stipulations précitées du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
5. Toutefois, les stipulations précitées subordonnent le renouvellement des cartes de résident des ressortissants algériens au maintien de la communauté de vie entre les époux. Ainsi, et dès lors que cette communauté de vie n'existe plus à la date à laquelle le préfet statue sur une demande de renouvellement, ce dernier peut, quel que soit le motif de la rupture de la communauté de vie, rejeter cette demande sur le fondement des articles 6-2) ou 7 bis de l'accord franco-algérien. En l'espèce, il est constant qu'à la date à laquelle le préfet de la Charente a édicté l'arrêté en litige, Mme A...était séparée de son conjoint depuis plusieurs mois et ne remplissait donc plus la condition de communauté de vie entre époux lui ouvrant droit au renouvellement de son certificat de résidence en qualité de conjoint d'un ressortissant français. Par suite, le préfet de la Charente est fondé à soutenir que le tribunal administratif ne pouvait, au motif que Mme A...avait été contrainte de quitter le domicile conjugal en raison des violences subies par son fils, annuler l'arrêté attaqué pour erreur d'appréciation au regard des stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié.
6. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'ensemble des moyens présentés par Mme A...à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mars 2015.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
7. D'une part, si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité, de sorte que les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la possibilité pour le préfet d'accorder le renouvellement du titre de séjour lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, il appartient à l'autorité préfectorale, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, notamment eu égard aux violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
8. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui".
9. Mme A...soutient qu'elle a été contrainte de quitter le domicile conjugal en raison des violences que le fils de son conjoint, Dylan, a infligées à son propre fils, Ilias, âgé de quatre ans, et elle reproche ainsi au préfet de la Charente de n'avoir pas pris en considération ces faits condamnables. En défense, le préfet indique cependant que si ces agissements ne sont pas de nature à ouvrir droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 2) de l'accord franco-algérien, il les a néanmoins pris en considération, compte tenu de leur gravité, lors de l'examen de la situation de l'intéressée. Si les faits dont il s'agit ont effectivement été à l'origine de la rupture de la communauté de vie entre les épouxC..., il ressort des pièces du dossier que ces derniers étaient mariés et vivaient ensemble depuis moins de trois mois au moment de leur séparation. M.C..., qui avait épousé l'intéressée six semaines seulement après l'avoir rencontrée, a d'ailleurs déclaré, lors de son audition, et sans être sérieusement contredit par l'intéressée, qu'il ne partageait pas de réelle vie conjugale avec cette dernière compte tenu de la relation qu'elle entretenait avec son cousin depuis le mois de décembre 2013. Lors de son audition du 20 janvier 2015, M. C...avait ajouté que la requérante ne l'avait épousé qu'afin de régulariser sa situation administrative et qu'elle avait déjà quitté une première fois le domicile conjugal en décembre 2013, ainsi qu'il l'avait indiqué au procureur de la République le 9 janvier 2014. Si Mme A...fait en outre valoir qu'elle s'est parfaitement intégrée en France où elle a suivi une formation d'auxiliaire de vie, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée séjournait en France depuis seulement deux ans à la date de la décision attaquée. Enfin, si elle soutient qu'elle ne pourra reconstruire sa cellule familiale en Algérie compte tenu des violences qu'exercerait sur elle son premier mari, lequel avait enlevé leur fils aîné, les témoignages versés au dossier ne sauraient suffire à établir la réalité de ce risque alors au demeurant que selon l'attestation émanant de son premier époux, ce dernier a lui-même reconnu son attitude fautive et s'est dit prêt à lui rendre son fils, conformément à leur jugement de divorce prononcé le 6 août 2014. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de présence en France de l'intéressée, du fait qu'elle n'a partagé avec M. C...une communauté de vie que durant trois mois avant de quitter le domicile conjugal, l'arrêté refusant à Mme A...la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, et quand bien même Mme A...a quitté le domicile conjugal pour un motif légitime tenant à la nécessité de préserver la santé et l'intégrité de son jeune enfant, cet arrêté n'est pas non plus entaché, pour les motifs précédemment indiqués, d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
En ce qui concerne la mesure d'éloignement :
10. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C...serait exposée à des risques de persécutions émanant de son premier conjoint en cas de retour en Algérie ni, en tout état de cause, qu'elle ne pourrait dans ce cas bénéficier de la protection des autorités algériennes contre les agissements de son ex-époux. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Charente est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 13 mars 2015 et lui a enjoint de délivrer à Mme A...un certificat de résidence algérien.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens. Par suite, les conclusions de Mme C...tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1501873 du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
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N° 15BX03698