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25/04/2016 | FRANCE | N°14BX01875

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 25 avril 2016, 14BX01875


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 septembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 10 de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Aquitaine a autorisé son licenciement pour motifs disciplinaires.

Par un jugement n° 1204316 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 juin 2014 et le 29 octobre 2014, Mme F.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 septembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 10 de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Aquitaine a autorisé son licenciement pour motifs disciplinaires.

Par un jugement n° 1204316 du 24 avril 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 juin 2014 et le 29 octobre 2014, Mme F...E..., représentée par la SELARL Waterlot-Brunier Avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 avril 2014, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2012 autorisant son licenciement pour faute ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Larroumec, président ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de MeI..., et de M. B...représentant l'OGEC Bassin d'Arcachon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...avait été embauchée le 1er octobre 1985 par l'Organisme de gestion de l'enseignement catholique (OGEC) du Bassin d'Arcachon en qualité de secrétaire. Elle exerçait, à la date de la décision contestée, les fonctions de secrétaire de direction grade III au sein du collège-lycée de Saint-Elme à Arcachon, avait autorité hiérarchique sur l'agent d'accueil, et était membre suppléante du comité d'entreprise. Du fait de difficultés relationnelles entre Mme E...et l'agent d'accueil alors en poste, MmeG..., ayant justifié la mise à pied à titre conservatoire de l'intéressée le 16 août 2012, l'employeur, estimant que les faits reprochés à Mme E...relevaient du harcèlement moral, a demandé à l'inspection du travail, par un courrier du 28 août 2012 reçu le 29 août suivant, l'autorisation de licencier Mme E...pour motifs disciplinaires. Par une décision du 28 septembre 2012, l'inspectrice du travail de la section 10 de la Direccte Aquitaine a autorisé le licenciement pour faute de MmeE..., au motif que les faits reprochés, relevant du harcèlement moral sur la personne de MmeG..., agent d'accueil placé sous son autorité hiérarchique, ainsi que sur d'autres salariées s'étant succédées sur ce poste, constituaient un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et concluait à l'absence de lien entre le mandat détenu par la salariée et le projet de la licencier. Mme E...a été licenciée le 5 octobre 2012. Mme E...relève appel du jugement du 24 avril 2014 du tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 2421-8 du code du travail : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-6 du même code : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / Lorsque le délégué syndical bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-3, la consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. ". Aux termes de l'article L. 2323-4 de ce code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. ".

3. Dans sa requête d'appel, Mme E...reprend de manière identique ses moyens de première instance tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'un vice de procédure dès lors que les membres du comité d'entreprise ont été convoqués avant la tenue de l'entretien préalable en méconnaissance de l'article R. 2421-8 du code du travail, de ce que la convocation à la réunion du comité d'entreprise indique, à tort, qu'elle fait l'objet d'une mise à pied " à titre disciplinaire ", de ce que son licenciement avait d'ores et déjà été décidé par son employeur à la date de la convocation de sorte que l'entretien préalable était inutile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ces moyens qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développé devant le tribunal administratif.

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 2411-8 du code du travail : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". En vertu de l'article R. 2421-11 du même code : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, doit mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

5. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que l'inspectrice du travail a mis à la disposition de Mme E...les témoignages sur lesquels elle s'est fondée pour prendre sa décision, notamment les attestations de MmesG..., H..., C..., A..., etD..., salariées de l'OGEC du Bassin d'Arcachon ayant occupé le poste d'agent d'accueil au collège-lycée Saint-Elme. La requérante n'établit pas qu'elle n'aurait pas été mise à même de prendre connaissance de l'ensemble des attestations que l'inspectrice du travail avait recueilli. Par suite, la circonstance que l'arrêt de travail de Mme G...à compter du 5 juillet 2012 n'a pas été communiqué n'est pas de nature, ne s'agissant pas d'un élément déterminant, à vicier l'enquête contradictoire à laquelle il a été procédé et à l'occasion de laquelle l'employeur a été auditionné.

6. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que la mise à pied à titre conservatoire d'un salarié protégé, membre du comité d'entreprise, soit notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d'effet. Par suite, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que le délai de 48 heures prévu par l'article L. 2421-1 du code du travail, applicable à la procédure de licenciement des délégués syndicaux, n'aurait pas été respecté.

7. Aux termes de l'article R. 2421-9 du code du travail : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé. (...) ". Le procès-verbal de la réunion du 27 août 2012 du comité d'entreprise mentionne que l'avis favorable au licenciement de l'intéressée, émis par trois voix contre une voix contre et une abstention, a été exprimé par un vote à bulletins secrets après audition de MmeE.... Il ressort du procès-verbal de cette séance que le président dudit comité, employeur de MmeE..., n'a pas participé au vote sur le licenciement et que seuls les membres titulaires ont voté à bulletins secrets. Ce procès-verbal comportait ainsi les précisions suffisantes pour que l'autorité administrative, qui s'est bornée dans sa décision du 28 septembre 2012 à viser " l'avis favorable du comité d'entreprise, réuni les 27 août 2012 " ", soit en mesure d'apprécier le sens exact de l'avis donné par ledit comité. Si la requérante se prévaut de l'attestation émanant du représentant syndical l'ayant assisté lors de la séance du comité d'entreprise selon laquelle il aurait constaté que la taille des bulletins de vote différaient selon les votes oui ou non, cette attestation n'est corroborée par aucune autre pièce du dossier, et n'est pas de nature, à elle seule, à vicier la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement.

8. Mme E...soutient que la composition du comité d'entreprise réuni le 27 août 2012 en vue de donner son avis sur le projet de licenciement est irrégulière, dès lors que l'employeur a imposé la présence en surnombre de six personnes étrangères au comité. Toutefois, si le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise indique que six salariés de l'OGEC étaient présents, leur seule présence est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'il est constant que ces salariés n'ont pas participé au vote à bulletins secrets alors qu'il n'est pas soutenu que leur présence a pu exercer une influence sur les membres du comité. Enfin, si la requérante conteste la participation de MmeG..., en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise, comme étant à l'origine de la procédure de licenciement engagée à son encontre, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait interdiction à un membre titulaire du comité d'entreprise, alors qu'il est concerné par une mesure de licenciement individuel, de prendre part au scrutin portant sur le projet de licenciement d'un autre salarié protégé.

9. Aux termes des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance,(...)". Ces dispositions ne font pas légalement obstacle à ce que l'employeur engage des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où il a eu connaissance du comportement fautif du salarié dans la mesure où ce comportement se poursuit.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'OGEC du Bassin d'Arcachon n'a pris connaissance des faits en cause que le 23 juillet 2012, à l'occasion du courrier de Mme G... désignant Mme E...comme responsable d'une forme de harcèlement à son égard, des conséquences de ce comportement sur ses conditions de travail et de l'altération de son état de santé. L'enquête alors diligentée par l'employeur a mis en évidence que cinq autres salariées, successivement employées par l'OGEC comme agent d'accueil au collège-lycée de Saint-Elme et placées sous l'autorité hiérarchique de MmeE..., ont dénoncé un comportement de même nature depuis l'année 1993. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 1332-4 du code du travail ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale des intéressés. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par une faute commise dans le cadre de l'activité professionnelle, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ladite faute est d'une gravité telle qu'elle justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi.

12. Aux termes des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". L'article L. 1154-1 de ce code précise que : " Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, (...) le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par de éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que l'OGEC du Bassin d'Arcachon a pris connaissance des faits de harcèlement moral le 23 juillet 2012, à l'occasion du courrier de Mme G..., agent d'accueil au secrétariat du collège-lycée de Saint-Elme depuis septembre 2011, désignant Mme E...comme responsable d'une forme de harcèlement à son égard. Les témoignages concordants, précis et circonstanciés de cinq salariées s'étant succédées depuis 1993 sur le poste d'agent d'accueil sous l'autorité de MmeE..., ont fait part d'un comportement de dénigrement systématique de leur travail, de propos humiliants, voire insultants, y compris en public, de consignes contradictoires, de ce que Mme E...s'immisçait dans la conversation lorsqu'une famille venait demander un renseignement, hurlait des consignes lorsqu'elles étaient en conversation téléphonique, et ne leur laissait aucune initiative dans l'organisation de leur travail. Il est constant que Mme G...a été placée en arrêt de travail à compter du 5 juillet 2012 et que MmeC..., agent d'accueil entre 2002 et 2009, dont les relations avec Mme E...se sont dégradées à partir de 2007, a été déclarée inapte, par le médecin du travail en 2010, à son poste de travail au secrétariat du collège-lycée de Saint-Elme. Si la requérante se prévaut de ce que les témoignages qu'elle produits en sa faveur font état d'une ambiance de travail sereine au sein du service et, pour certains, de ses qualités professionnelles, ces attestations, que l'inspectrice du travail a examiné, sont peu probantes dès lors qu'elles émanent principalement d'enseignants n'ayant pas travaillé directement avec elle. Contrairement à ce que soutient MmeE..., les premiers juges ont pu prendre en considération, alors même qu'elles ne satisferaient pas aux conditions posées par l'article 202 du code de procédure civile mais établissent de façon précise le comportement de Mme E...à l'égard de ses agents, les attestations litigieuses. Ainsi, alors même que Mme E...n'a jamais fait l'objet du moindre reproche, ces faits, qui sont établis, présentaient, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement pour faute.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'OGEC du Bassin d'Arcachon, que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... la somme que l'OGEC du Bassin d'Arcachon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'OGEC du Bassin d'Arcachon tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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No 14BX01875


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01875
Date de la décision : 25/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : CABINET FANNY METRA-FAUCON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/05/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-25;14bx01875 ?
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