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07/04/2016 | FRANCE | N°15BX03403

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 07 avril 2016, 15BX03403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne du 13 février 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500687 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de Mme C...en annulant ces décisions. Le tribunal a enjoint au préfet de délivrer à l'intéress

ée un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Vienne du 13 février 2015 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1500687 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à la demande de Mme C...en annulant ces décisions. Le tribunal a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de Mme C...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 octobre 2015 et 25 février 2016, le préfet de la Haute-Vienne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 17 septembre 2015 dans tout son dispositif.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 mars 2016 :

- le rapport de Mme Patricia Rouault-Chalier,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante géorgienne née en 1993, est entrée en France le 7 janvier 2010 accompagnée de son enfant de huit mois et a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du Limousin. Un refus a été opposé à sa demande d'asile par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 octobre 2011, devenu définitif le 28 décembre 2012, date à laquelle la Cour nationale du droit d'asile a pris acte du désistement du recours que Mme C...avait formé contre cette décision. Après avoir fait l'objet le 21 novembre 2013 d'un refus de séjour et d'une mesure d'éloignement prononcés par le préfet de la Haute-Vienne, elle a sollicité le 7 février 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'alinéa 2bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et des articles L. 316-3 et L. 313-14 de ce même code. Le préfet de la Haute-Vienne, après avoir retiré par un arrêté du 5 septembre 2014 un précédent arrêté du 21 novembre 2013, et après avoir procédé à une nouvelle instruction de la demande de MmeC..., a pris à l'encontre de l'intéressée, le 13 février 2015, une décision de refus de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de renvoi. Le préfet de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 17 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme C...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.

Sur l'étendue du litige :

2. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne a accordé à Mme C..., à la suite de sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en date du 3 décembre 2015, faisant valoir qu'elle a obtenu une ordonnance de protection lui ouvrant droit à un titre de séjour, un récépissé de demande de carte de séjour valable du 29 décembre 2015 au 28 mars 2016. Il a, ce faisant, implicitement mais nécessairement abrogé la mesure d'éloignement qu'il avait prise à l'encontre de l'intéressée, le 13 février 2015, ainsi que sa décision du même jour fixant le pays de renvoi. Cette abrogation étant intervenue postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, les conclusions présentées par le préfet de la Haute-Vienne tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a annulé l'obligation de quitter le territoire français et la décision subséquente portant désignation du pays de renvoi, sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer. En revanche, la délivrance de ce récépissé ne rend pas sans objet les conclusions dirigées contre le jugement du tribunal en tant qu'il a annulé la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et mis à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros au bénéfice de l'avocat de la requérante.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Pour annuler l'arrêté du 13 février 2015 en litige, le tribunal a retenu qu' " eu égard à la date et aux conditions de son entrée et de son séjour en France, à ses efforts d'intégration et d'insertion dans la société française ainsi qu'à la scolarisation de ses enfants, la décision doit être regardée comme reposant sur une erreur manifeste dans 1'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle " de MmeC.... Le préfet de la Haute-Vienne fait valoir que le tribunal, en retenant " une erreur manifeste d'appréciation ", s'est borné à reprendre les affirmations de Mme C...alors que celle-ci n'apporte aucun élément démontrant, notamment, outre ses efforts d'intégration, qu'elle aurait quitté son pays pour fuir son compagnon, lequel était, à la date de la décision, incarcéré en France pour des faits de violences conjugales postérieurs à la naissance de leur second enfant en France, que sa famille l'aurait rejetée en raison de cette séparation et qu'elle ne pourrait bénéficier de la protection des autorités géorgiennes en cas de retour dans son pays d'origine si son compagnon venait à quitter la France.

4. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui est le sien lorsque l'intéressé ne remplit pas les conditions fixées par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour, d'apprécier au regard de l'ensemble de la situation personnelle de celui-ci, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. Mme C...fait valoir qu'elle est entrée précipitamment en France en janvier 2010, accompagnée de son enfant de huit mois, aujourd'hui scolarisé à Limoges, en raison des violences conjugales dont elle était victime. Elle a donné naissance en 2012 à Limoges à un second enfant. Si Mme C...ne justifie pas avoir bénéficié, à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée du 13 février 2015, d'une ordonnance de protection sur le fondement de l'article 515-9 du code civil, laquelle n'a été prise que le 15 octobre 2015 par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Limoges, elle avait toutefois porté plainte contre le père de ses deux enfants, lequel l'a suivie en France et a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Limoges du 23 janvier 2013 et par un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Limoges du 16 juillet 2014, confirmant un autre jugement du tribunal correctionnel de Limoges rendu le 28 avril 2014, à des peines d'emprisonnement ferme et à une interdiction d'entrer en relation avec elle pour des faits de violences conjugales avec récidive, de menaces de mort réitérées et d'appels téléphoniques malveillants réitérés. Il résulte par ailleurs de la note sociale en date du 10 juin 2014, établie par une éducatrice spécialisée de l'association de réinsertion sociale du Limousin " Mots pour Maux ", dont aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause la vraisemblance des allégations, que Mme C...n'aurait plus de contact avec sa mère demeurée en Géorgie et ne pourrait pas attendre de soutien de sa famille en cas de retour dans son pays d'origine, celle-ci n'acceptant pas sa séparation de son ancien compagnon. Enfin, et contrairement à ce que soutient le préfet, Mme C...a fait preuve de réels efforts d'intégration en apprenant le français et en effectuant des activités bénévoles de traductrice pour les demandeurs d'asile, ainsi qu'en travaillant dans un restaurant associatif. Par suite, eu égard aux conditions de l'entrée et du séjour en France depuis plus de cinq ans de MmeC..., le tribunal a pu estimer à juste titre que le préfet de la Haute-Vienne a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la situation personnelle de l'intéressée ne justifiait pas une admission exceptionnelle au séjour.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par MmeC..., que le préfet de la Haute-Vienne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé sa décision du 13 février 2015 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, lui a enjoint de délivrer à Mme C...un titre de séjour, et a en conséquence mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros .

Sur les conclusions incidentes aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Le tribunal administratif de Limoges ayant déjà prononcé une injonction à l'encontre du préfet de la Haute-Vienne à l'effet de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le rejet de l'appel du préfet de la Haute-Vienne emporte confirmation de ladite injonction. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Limoges d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme C...a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 29 décembre 2015. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros sur le fondement de ses dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Vienne tendant à l'annulation du jugement n°1500687 du 17 septembre 2015 du tribunal administratif de Limoges en tant qu'il a annulé les décisions du 13 février 2015 faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Haute-Vienne est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à MeA..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, une somme de 800 euros sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX03403
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-04-07;15bx03403 ?
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