Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté en date du 11 mars 2015 par lequel le préfet de la Corrèze lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1500955 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 novembre 2015, MmeB..., représentée par Me Akakpovie, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 11 mars 2015 par lequel le préfet de la Corrèze lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle.
B...B...B... B...----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante marocaine née le 25 mars 1982, est entrée régulièrement en France le 19 août 2014 munie d'un titre de séjour de résident de longue durée portant la mention " Communauté européenne " délivré par les autorités italiennes. Elle a sollicité, le 9 septembre 2014, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié. " Par arrêté du 11 mars 2015, le préfet de la Corrèze lui a refusé ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français en désignant comme pays de renvoi l'Italie, le Maroc ou tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible. Mme B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2015 a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. L'examen de la minute du jugement révèle que le moyen tiré de ce que le jugement ne comporterait pas l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour " salarié " :
3. D'une part, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord(...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''(...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...) ". L'article L. 313-14 du même code dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. L'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord. Il fait ainsi obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.
6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour " salarié " à MmeB..., le préfet indique dans la décision attaquée qu' " il ne peut lui être accordé une admission exceptionnelle au séjour au titre du travail en application de l'article L. 313-14 du CESEDA, l'employeur n'ayant pas respecté les formalités d'embauche conformément à la législation en vigueur ; la qualification du poste proposé n'est pas en adéquation avec l'expérience professionnelle de l'intéressée. " Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Corrèze ne pouvait légalement fonder sa décision portant refus de délivrer à Mme B...un titre de séjour en qualité de salarié sur les seules dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée. Par ailleurs, les motifs retenus par le préfet révèlent qu'il n'a pas examiné la demande de titre de séjour " salarié " de Mme B...sur le fondement de l'accord franco-marocain, seul applicable à son cas. Dès lors, les motifs sur lesquels repose le refus de délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sont erronés en droit et Mme B...est fondée à demander l'annulation de ce refus.
Sur l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de renvoi :
7. L'annulation du refus de délivrer à Mme B...un titre de séjour " salarié " entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté attaqué, ainsi que celle de la décision fixant le pays de renvoi.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard à ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas la délivrance à Mme B...d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen par le préfet de sa situation. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen, en tenant compte des éléments actuels que l'intéressée peut apporter pour solliciter un titre en qualité de salariée, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Akakpovie, avocat de MmeB..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Akakpovie renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500955 du tribunal administratif de Limoges du 15 octobre 2015 et la décision en date du 11 mars 2015 par laquelle le préfet de la Corrèze a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Corrèze de procéder au réexamen de la demande de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.
Article 3 : En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat versera à Me Akakpovie, avocat de MmeB..., la somme de 1 000 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Corrèze.
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No 15BX03635