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31/03/2016 | FRANCE | N°14BX02488

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 31 mars 2016, 14BX02488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le maire de la commune d'Agen a refusé le renouvellement de son contrat de travail, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Agen, à titre principal, de procéder au renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande de renouvellement de son contrat de travail, et enfin, de condamner la commune d'Agen à lui paye

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le maire de la commune d'Agen a refusé le renouvellement de son contrat de travail, d'autre part, d'enjoindre au maire d'Agen, à titre principal, de procéder au renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande de renouvellement de son contrat de travail, et enfin, de condamner la commune d'Agen à lui payer la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son contrat de travail, ainsi qu'une indemnité correspondant à la différence entre le traitement qu'il aurait dû percevoir en cas de renouvellement de son contrat de travail à durée indéterminée et le montant de l'allocation de retour à l'emploi.

Par un jugement n° 1300935 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A...D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2014 et le 23 février 2015, M. B... A...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 juillet 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le maire de la commune d'Agen a refusé de renouveler son contrat de travail en qualité de chargé de mission " rénovation urbaine " ;

3°) d'enjoindre au maire d'Agen de procéder à sa réintégration et à la conclusion d'un contrat à durée indéterminée et, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur la décision de renouvellement de son contrat ;

4°) de condamner la commune d'Agen à lui verser la somme globale de 70 000 euros en réparation des préjudices de toutes natures résultant du non-renouvellement de son contrat de travail ;

5°) de condamner la ville d'Agen au paiement d'une indemnité correspondant à la différence entre le traitement qu'il aurait dû percevoir en cas de renouvellement de son contrat pour une durée indéterminée et le montant de l'allocation de retour à l'emploi qu'il perçoit en substitution ;

6°) de mettre à la charge de la ville d'Agen la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988, modifié par le décret n° 2007-1829 du 24 décembre 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique:

- le rapport de MmeF...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me E...représentant la commune d'Agen;

Considérant ce qui suit :

1. M. A...D...a été recruté à temps complet par la commune d'Agen, par un contrat signé le 22 mars 2007 pour une durée de trois ans, en qualité de chargé de mission " rénovation urbaine (ANRU) ", dans le cadre duquel il était chargé d'assurer la coordination opérationnelle et la gestion administrative et financière du projet de rénovation urbaine du quartier Tapie, ainsi que le suivi des marchés d'études. Son contrat a été renouvelé le 10 mars 2010 pour une durée de trois ans à compter du 1er avril 2010. Par décision du 31 janvier 2013, le maire de la commune d'Agen a informé M. A...D...que son contrat venant à expiration le 31 mars 2013 ne serait pas renouvelé au-delà de cette date. Par un courrier en date du 6 mars 2013, l'intéressé a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant, selon lui, de l'illégalité de cette décision de non-renouvellement. M. A...D...interjette appel du jugement du 10 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de non-renouvellement de son contrat de travail, et à la condamnation de la commune d'Agen à l'indemniser des préjudices subis.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. A...D...reproche aux premiers juges de n'avoir pas répondu, dans le cadre des conclusions à fin d'annulation, au moyen tiré de ce que le maire lui aurait promis de renouveler son contrat, la rupture d'un tel engagement, à la supposer avérée, est en tout état de cause sans incidence sur l'appréciation de la légalité du non-renouvellement du contrat. Par suite, en s'abstenant de répondre à un moyen qui était inopérant, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, il est constant qu'un agent recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat et que l'autorité compétente peut, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, refuser de renouveler ce contrat et, ainsi, mettre fin aux fonctions de l'intéressé. Si M. A...D...soutient que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de détournement de pouvoir, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé avait été engagé par deux contrats de trois ans chacun, pour assurer le suivi opérationnel de l'opération de rénovation urbaine du quartier Tapie-Mondésir, laquelle prévoyait d'importants travaux de démolition et de reconstruction visant à enclencher un processus de redynamisation urbaine, et à reconstituer une offre de logements sociaux de qualité, et avait donné lieu à la signature par la commune d'Agen, le 6 décembre 2008, d'une convention avec l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), et le 26 février 2009, d'une convention de financement avec la Caisse des dépôts et consignations. La mission temporaire que l'intéressé s'était vu confier consistait à assurer la conduite opérationnelle, ainsi que la gestion administrative et financière du projet, et à réaliser le montage et le suivi des différents marchés d'études et de travaux liés à l'opération de rénovation en cause. Or, il ressort des pièces du dossier qu'au terme de l'engagement de M. A...D..., au début de l'année 2013, le volet opérationnel de conduite du projet était pour l'essentiel terminé, quand bien même restaient à mener les réunions de chantier sur la requalification des espaces verts et la construction de certains bâtiments, et à accomplir quelques tâches ponctuelles relevant du suivi administratif et comptable de l'opération, lesquelles avaient d'ores et déjà été reprises par le supérieur hiérarchique de l'intéressé. S'il n'est pas contesté que l'opération de rénovation urbaine ne s'est achevée qu'au début de l'année 2014 par l'inauguration, le 18 janvier, du nouveau quartier Tapie-Mondésir, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas du tableau d'effectifs de la commune d'Agen, que M. A...D...ait été remplacé avant cette date dans les fonctions de chargé de mission " rénovation urbaine ANRU " par un autre agent non titulaire. Ainsi, à la date d'expiration de son second contrat, la mission qui avait été confiée à M. A...D...pouvait être regardée comme terminée, ce qui justifiait le refus de renouveler son engagement. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, si M. A...D...fait valoir qu'à l'occasion d'une rencontre, le 4 décembre 2012, sur la place des Laitiers, avec le maire de la commune d'Agen, celui-ci lui avait promis de lui accorder le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée à l'échéance de son dernier contrat, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'une quelconque promesse en ce sens aurait été faite à l'intéressé de façon ferme et non ambiguë. La preuve de l'existence d'une telle promesse ne saurait résulter ni du courrier électronique adressé le jour même par M. A... D... au directeur général adjoint relatant sa rencontre avec le maire et la teneur de leur échange, ni du courriel transmis le 20 décembre suivant par le requérant au maire de la commune lui demandant de confirmer par écrit son engagement, lequel est resté sans réponse. Dans ces conditions, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le maire aurait pris un engagement de renouvellement du contrat de travail qu'il n'aurait pas tenu, l'existence d'une telle promesse étant, en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit au point 2, sans incidence sur la légalité de la décision de non-reconduction d'un contrat arrivé à échéance.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article 38 du décret du 15 février 1988 susvisé : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : / (...) 4° Au début du troisième mois précédant le terme de l'engagement pour le contrat susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée. Dans ce cas, la notification de la décision doit être précédée d'un entretien (...) " ;

6. Une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie.

7. D'une part, il est constant que M. A...D...n'a été informé de la non-reconduction de son contrat dont le terme était fixé au 31 mars 2013, que par un courrier du maire de la commune d'Agen du 31 janvier 2013, soit dans un délai ne respectant pas les dispositions précitées du 4° de l'article 38 du décret du 15 février 1988, applicables à la situation de l'intéressé. Toutefois, la méconnaissance de ce délai, si elle est susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité, n'a pas pour effet d'entacher d'illégalité la décision de non-renouvellement contestée.

8. D'autre part, selon les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, à l'issue d'une période de six ans, un contrat ne peut être reconduit que pour une durée indéterminée. M. A...D..., qui avait bénéficié de deux contrats successifs d'une durée de trois ans chacun, entrait donc dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 38 du décret du 15 février 1988 et devait bénéficier d'un entretien préalable à la décision de non-renouvellement de son contrat. Le requérant soutient qu'il n'a pas pu discuter du non-renouvellement de son contrat au cours de l'entretien dont se prévaut la commune d'Agen en défense, et qui s'est déroulé le 17 janvier 2013 en présence du directeur général des services, du directeur général adjoint et du directeur des ressources humaines, dès lors qu'il n'a pas été informé de l'intention de la collectivité de ne pas renouveler ce contrat. Toutefois, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement qui était celle de M. A... D..., et au fait que l'opération pour laquelle le contrat de l'intéressé avait été renouvelé pour trois ans était en voie d'achèvement, l'absence d'accomplissement de cette formalité, à la supposer établie, n'a pas privé l'intéressé d'une garantie, et n'a pas davantage, en l'espèce, été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision attaquée de non-renouvellement du dernier contrat.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 janvier 2013 du maire d'Agen refusant de renouveler son contrat de travail au-delà du 31 mars 2013.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. En premier lieu, la décision de ne pas renouveler le contrat de M. A...D...à son échéance n'étant pas entachée d'illégalité, le maire d'Agen n'a pas commis de faute susceptible d'engager à ce titre la responsabilité de la collectivité. L'intéressé ne peut dès lors prétendre à la réparation des préjudices que lui aurait causés cette décision.

11. En deuxième lieu, et ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune des pièces produites ne permet d'établir que le maire d'Agen aurait pris, vis-vis de M. A...D..., l'engagement de renouveler son contrat de travail au-delà du 31 mars 2013, date à laquelle celui-ci arrivait à échéance. Dès lors, M. A...D...n'est pas fondé à engager la responsabilité de la commune en raison d'une promesse de son maire qui n'aurait pas été tenue.

12. En troisième lieu, comme cela a été indiqué au point 7, en adressant tardivement à l'intéressé la décision de non-renouvellement de son contrat, la commune d'Agen a méconnu les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 15 février 1988. Cette méconnaissance du délai de prévenance est constitutive d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité, et de nature à justifier l'indemnisation du requérant des préjudices qui résulteraient du caractère tardif de cet avertissement.

13. Dans les circonstances de l'espèce, et alors que M. A...D...ne détaille pas les troubles subis dans ses conditions d'existence, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi de ce fait en lui allouant une somme de 2 000 euros.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...D...n'est fondé à demander la réformation du jugement qu'en tant qu'il ne lui a pas accordé l'indemnisation du préjudice moral subi.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution sur ce point. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune d'Agen, à titre principal, de le réintégrer et de conclure un contrat à durée indéterminée et, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur la décision de renouvellement de son contrat ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y lieu de faire droit à aucune des demandes des parties sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La commune d'Agen est condamnée à verser la somme de 2 000 euros à M. A... D....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune d'Agen présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...D...et à la commune d'Agen.

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No 14BX02488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX02488
Date de la décision : 31/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Patricia ROUAULT-CHALIER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BAZIN et CAZELLES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-31;14bx02488 ?
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