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29/03/2016 | FRANCE | N°14BX01354

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 29 mars 2016, 14BX01354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Preignan à leur verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge de cette commune les entiers dépens, comprenant ceux de référé et les frais de l'expertise judiciaire.

Par un jugement n°1202236 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 20

14 et le 7 mai 2015, M. et Mme C...A..., représentés par la SCP PGTA, demandent à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Preignan à leur verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge de cette commune les entiers dépens, comprenant ceux de référé et les frais de l'expertise judiciaire.

Par un jugement n°1202236 du 11 février 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2014 et le 7 mai 2015, M. et Mme C...A..., représentés par la SCP PGTA, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 11 février 2014 ;

2°) de condamner la commune de Preignan à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation de leurs préjudices ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Preignan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

4°) de condamner la commune de Preignan au paiement des entiers dépens comprenant ceux de référé et les frais de l'expertise judiciaire.

Ils soutiennent que :

Sur la régularité de l'expertise :

- l'expertise menée par M. B...doit être écartée car elle est inachevée et qu'elle ne correspond pas à sa mission ;

- L'expert n'a aucune compétence pour changer la nature juridique du ruisseau ;

- L'expert a commencé ses investigations avant la première réunion d'expertise et a ainsi manqué d'impartialité ;

- les conclusions du sapiteur JL expertise reposent sur des fait erronés ;

- Le sapiteur a reçu une mission différente de celle annoncée par l'expert lequel a orienté ce sapiteur avant sa venue sur les lieux ;

- Il n'a pas été remédié aux travaux exécutés par l'expert, que les requérants ont dû prendre à leur charge, tel que le comblement des trous ;

- l'expert n'a pas tenu compte de la contre-expertise qu'ils ont fait réaliser, qui a été et communiquée dans le délai, et qui estimait que l'humidité provenait exclusivement des eaux rejetées par les constructions dénuées de réseau d'évacuation ;

Sur la responsabilité de la commune :

- le fossé privé a subi un changement de destination dès lors qu'il s'est trouvé affecté à l'évacuation des eaux pluviales et usées sans l'accord des copropriétaires, en méconnaissance de l'article 640 du code civil ;

- ils sont tiers à l'ouvrage permettant de recueillir les eaux de pluie et peuvent donc engager la responsabilité sans faute de la commune ;

- la responsabilité de la commune doit être engagée dès lors qu'elle a autorisé une urbanisation importante alors qu'elle n'avait pas créé de réseau d'évacuation des eaux pluviales et usées et que le fossé existant était dans l'incapacité d'absorber ces eaux ; elle n'a pas satisfait à ses obligations concernant la gestion des eaux pluviales à défaut d'avoir mis en place un ouvrage public adapté ;

- ils ont subi un préjudice anormal et spécial puisque seules les habitations situées en amont du vallon ont été sinistrées ; ils n'avaient jamais connu d'inondation depuis 1975 ; la réalité de cette inondation est établie par les expertises, les constats d'huissier et les témoignages des personnes présentes le jour même, tel que celui d'un adjoint au maire ;

- ils ont subi un préjudice matériel et un préjudice moral car ils ont dû vivre dans un logement insalubre ; ils évaluent leurs préjudices à la somme globale de 50 000 euros ;

- le lien de causalité entre l'absence d'ouvrage d'évacuation des eaux pluviales et les dommages qu'ils ont subi est établi, la commune ne contestant pas avoir commis des manquements lors de la construction des logements en amont de leur propriété, lesquels sont à l'origine des pluies qui se sont déversées dans le fossé ; la commune n'a entrepris les travaux nécessaires qu'après le 1er juin 2008 ; contrairement à ce qu'elle a soutenu, le fossé privatif n'est pas un ruisseau ; elle a finalement laissé les eaux pluviales se déverser dans le fossé traversant la propriété des époux A...au mépris des dispositions de l'article 140 du code civil : le fait que l'humidité soit apparue en 2006 conforte son lien avec l'extension de l'urbanisation ; leurs voisins ont dû avoir recours à des déshumidificateurs alors que ces dispositifs n'avaient pas été nécessaires durant trente ans ; ils ont également pu constater que des eaux usées, nauséabondes et des gravats s'écoulaient depuis 2006 dans le fossé ; leurs extérieurs ont été inondés le 1er juin 2008 et seules les maisons ont été épargnées ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité : les préjudices qu'ils ont subis n'ont pas pour origine les travaux de réalisation de leur piscine réalisée en 2002, qui ont été contrôlés par la mairie, et ne sont pas non plus en lien avec le procédé constructif de leur maison ; l'expertise Equad a d'ailleurs exclu tout lien entre cette inondation et la réalisation de leur piscine qui n'a impliqué que des remblais superficiels et n'a pas été de nature à modifier la structure des sols de fondation ; les busages existants chez leurs voisins étaient prévus dans leurs actes de propriété ; en 35 ans, aucun busage, même en présence de pluies importantes, n'avait d'ailleurs provoqué de dommage ; ils apportent la preuve de la déclaration de la construction de la piscine auprès de la mairie avec un busage conforme aux préconisations de la police de l'eau, ainsi que du paiement de leurs impôts locaux ; la construction de la piscine n'a pas changé le tracé du fossé et du cours d'eau ;

- les promoteurs immobiliers n'ont pas respecté leurs obligations techniques et règlementaires imposées par la loi sur l'eau en s'abstenant de réaliser un bassin de rétention collectif de 1 350 m3 avant de réaliser cette opération immobilière ; les certificats de conformité ont été délivrés sans contrôle effectif ou suffisant ;

- depuis la réalisation du réseau de collecte des eaux pluviales en amont à la fin de l'année 2008, un tel évènement ne s'est pas reproduit ;

- en outre, il ne saurait valablement leur être reproché d'avoir effectué des travaux sans l'accord de l'expert dès lors qu'ils avaient demandé la réalisation de ces travaux et que l'urgence de ceux-ci était avérée, ayant déjà passé un hiver sans chauffage.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 avril 2015 et le 15 juin 2015, la commune de Preignan conclut au rejet de la requête des époux A...et à ce que soit mise à la charge de ces derniers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

L'expertise n'est pas irrégulière :

- la seule expertise valable est celle qui a été réalisée par M.B..., sans violation du principe du contradictoire ;

- les sapiteurs ont été régulièrement admis dans la procédure d'expertise par autorisation du tribunal administratif ;

- les requérants n'ont pas respecté les règles inhérentes à l'expertise en procédant à des travaux de rénovation dans leur immeuble sans autorisation de l'expert. Ces travaux ont en outre porté sur des éléments de plomberie qui pouvaient être à l'origine de l'humidité constatée dans le bâti ;

La responsabilité de la commune ne saurait être engagée :

- les époux A...n'apportent pas la preuve de ce que l'humidité affectant leur seul immeuble serait consécutive à l'évènement du 1er juin 2008. Il n'est pas établi que l'eau ait inondé leur habitation. A cet égard, ils se bornent à produire des photographies de leur jardin sans apporter la preuve de l'état intérieur de leur maison. Les pluies du 1er juin 2008 n'ont pas causé l'humidité présente dans l'immeuble des requérants puisqu'elle y était dès 2006 et qu'elle a persisté un an après la survenance de ces pluies. Les voisins des époux A...n'ont pas été inondés, tant en amont, qu'en aval. L'inondation de leur maison est techniquement impossible au regard du dénivelé. Les opérations d'expertise ont permis d'écarter tout lien de causalité entre les inondations et les dégradations immobilières subies par les requérants ;

- en se bornant à invoquer la responsabilité sans faute de la commune, les requérants ne tirent pas de conséquences de la nature juridique du cours d'eau ou du ruisseau ;

- ils ont contribué à l'apparition de leur dommage en modifiant substantiellement leur propriété sans autorisation, notamment en ce qui concerne la construction de leur piscine en 2002 ;

La condamnation éventuelle de la commune devra être garantie par la société Allianz :

- les dommages dont se plaignent les requérants ne sont pas en lien avec le débordement d'un ruisseau car l'ensemble des riverains de cette rue auraient été pareillement inondés ;

- le chiffrage de leur préjudice n'est pas justifié, tant dans son principe que dans son montant ;

- ils ne justifient pas avoir déclaré un sinistre auprès de leur assurance.

Par des mémoires, enregistrés le 23 juillet 2014 et le 9 juin 2015, la société Allianz Iard conclut :

- au rejet de la requête des épouxA... ;

- à ce qu'elle soit mise hors de cause ;

- à titre subsidiaire, à ce que la responsabilité de la commune ne soit pas engagée ;

- à ce que soit mise à la charge de la partie succombante les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :

- le juge administratif est compétent pour interpréter les stipulations d'un contrat d'assurance liant une compagnie d'assurance à une commune (n° 350490).

- en l'espèce, elle ne saurait garantir les éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la commune de Preignan dès lors que le contrat d'assurance, au point 16 de l'article III, exclut les dommages causés par le débordement des cours d'eau.

- en outre, la commune ne saurait demander à être garantie au titre des catastrophes naturelles dans la mesure où les dégâts survenus le 1er juin 2008 sont sans lien de causalité avec l'orage du 1er juin 2008, les traces d'humidité dans leur habitation remontant à 2006.

A titre subsidiaire :

- le rapport d'expertise ne souffre d'aucune partialité et est suffisamment étayé ;

- l'expert a répondu aux conclusions d'expertise présentées par les requérants ;

- les travaux de remise en marche de la piscine et de rénovation de la salle de bain ont été entrepris sans accord de l'expert judiciaire. Les requérants ont, par là même, supprimé toute trace d'humidité présente, notamment un probable défaut d'étanchéité du bac de douche remplacé ;

- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée puisque ce sont les travaux entrepris par les épouxA..., sans autorisation, et la conception même de leur habitation qui sont à l'origine de leur préjudice. En effet, les cloisons intérieures ainsi que les murs extérieurs de la maison ont été posés directement sur la dalle en béton sans arase d'isolation ;

- la piscine, construite sans autorisation municipale, a été réalisée dans le lit majeur du cours d'eau et la terre qui provenait du creusement du trou pour la piscine a été étalée et nivelée, de sorte que le terrain a été modifié, ce qui a causé les dégâts en litige ;

- la date entre les premières traces d'humidité qu'ils déclarent avoir remarquées et la construction de nouveaux lotissements coïncide afin de leur être favorable mais n'est pas démontrée ;

- aucune pièce ne justifie que les voisins des requérants aient subi des dommages. La seule attestation de M. A...à ce titre est dépourvue de valeur probante.

Par une ordonnance du 16 février 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 mai 2015 et par une ordonnance du 12 mai 2015, elle a été reportée au 25 juin 2015 à 12 heures.

M. et Mme A...ont présenté un dernier mémoire le 22 février 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'arrêt du 27 juin 2013, par laquelle la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. B...à 19 363, 93 euros.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...sont propriétaires d'une maison située à Preignan, en bas d'un vallon. Leur propriété, ainsi que celles de leurs voisins, est traversée par un fossé qui recueille les eaux de pluie en provenance notamment de divers lotissements qui ont été construits depuis 2003 en amont du vallon. Faisant état d'une humidité persistante à l'intérieur de leur maison depuis septembre 2006 et d'une inondation survenue le 1er juin 2008, ils ont demandé à la commune de Preignan de réparer leurs préjudices en invoquant les insuffisances du réseau d'évacuation des eaux pluviales qui ne pouvait contenir les écoulements provenant des lotissements situés en amont. Ils relèvent appel du jugement n°1202236 du 11 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Preignan à leur verser la somme globale de 50 000 euros en réparation de leurs préjudices.

Sur la régularité de l'expertise et du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'expert aurait demandé la communication de documents avant l'ouverture des opérations d'expertise, de ce qu'il aurait à tort retenu la qualification de ruisseau à la place de celle de fossé et de ce qu'il aurait modifié la mission du sapiteur ne sont pas, pour les motifs valablement retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu d'adopter, de nature à entacher d'irrégularité l'expertise judiciaire qui avait été ordonnée par le président du tribunal administratif de Pau statuant en référé.

3. En deuxième lieu, si les requérants font grief à l'expert de n'avoir pas répondu aux conclusions du rapport réalisé par le cabinet Equadom à leur demande, il résulte de l'instruction que l'expert a pris connaissance de cette étude qu'il a transmise au sapiteur, la société JL Expertise, dont la mission était de rechercher les causes de l'humidité dans l'immeuble des requérants et dont la réponse figure dans le rapport d'expertise.

4. En troisième lieu, ni le fait que l'expert ne s'est pas prononcé sur l'importance et le montant des travaux à réaliser pour remettre en état l'habitation des épouxA..., ni le fait que les conclusions du sapiteur JL Expertise seraient erronées, ne sont par eux-mêmes, à défaut de tout élément permettant de conclure à un manque d'impartialité de l'expert ou du sapiteur, de nature à remettre en cause la régularité des opérations d'expertise.

5. Il résulte de ce qui précède que l'expertise dont il s'agit n'est pas entachée d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué, qui s'est fondé sur cette expertise, n'est pas lui-même entaché d'irrégularité.

Sur l'intervention de la compagnie Allianz :

6. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

7. En l'espèce, la compagnie Allianz, assureur de la commune de Preignan dont la responsabilité est recherchée par les épouxA..., justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des conclusions de la commune.

Sur la responsabilité de la commune :

8. Les collectivités publiques sont responsables, même sans faute, des dommages causés aux tiers par le fonctionnement de leurs ouvrages publics. Il appartient toutefois à la victime d'établir l'existence d'un lien de causalité entre le fonctionnement desdits ouvrages et le préjudice dont elle demande réparation. Lorsque plusieurs évènements ont été de nature à contribuer à l'apparition du dommage, il appartient à la juridiction, en vue de statuer sur les responsabilités encourues, de déterminer lequel de ces évènements a provoqué de manière déterminante le dommage en question.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment des photographies versées au dossier par les requérants, du constat d'huissier qu'ils ont fait dresser le 2 juin 2008 et de l'attestation d'un adjoint au maire du 3 juin 2008, qu'à la suite d'un violent orage, le fossé traversant la propriété des époux A...a, le 1er juin 2008, débordé dans d'importantes proportions, provoquant, dans cette propriété, des dégâts qui ont atteint à tout le moins la piscine et le local technique. Un débordement aussi important, qui ne s'était pas produit auparavant, qui a affecté d'autres propriétés traversées par ce fossé, et qui ne saurait être imputé à la présence de la piscine que les époux ont fait installer en 2002 ou au busage du fossé réalisé à la même époque, a eu pour cause déterminante l'insuffisance du réseau public d'évacuation des eaux pluviales recueillies en amont, dont ce fossé constituait un élément.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la maison des épouxA..., construite en 1975, a été affectée à partir de 2006 par d'importants désordres dus à une humidité persistante. Cette humidité persistante n'existait pas lorsque les peintures intérieures ont été refaites en 2004 ainsi que l'atteste l'artisan qui a procédé à ces travaux. Elle a fortement diminué, ainsi qu'en atteste un constat d'huissier versé au dossier, après que la commune a fait réaliser en décembre 2008 des travaux hydrauliques sur le bassin versant destinés à décharger le fossé. Les travaux de réalisation de la piscine, qui ont nécessité le busage du ruisseau traversant leur propriété, remontent à 2002, et sont donc antérieurs de plus de quatre ans à l'apparition de cette importante humidité dans l'habitation. Par suite, et quand bien même l'expertise judiciaire impute l'apparition de l'humidité au procédé constructif de la maison ainsi qu'à la réalisation des travaux de busage, il résulte de l'instruction que l'humidité a eu pour cause déterminante l'insuffisance du dispositif d'évacuation des eaux pluviales compte tenu de la situation nouvelle résultant de la création de lotissements, en amont de la propriété, à partir de 2003. D'ailleurs, si le sapiteur chargé de déterminer les causes de l'humidité persistante dans la maison des épouxA..., a estimé que l'origine du sinistre était à rechercher dans une fuite sous dallage qui aurait induit la saturation du hérisson créant par capillarité les désordres constatés, la recherche de fuites sur tuyauterie réalisée en avril 2008, à la suite des conclusions de cette expertise, est restée vaine. Enfin, l'étude réalisée par le cabinet d'expertise Equadom, que produisent les requérants, indique que l'humidité provient du sol pour une cause extérieure à la maison et conforte ainsi l'existence du lien de causalité entre l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales et l'humidité présente dans leur habitation. Dans ces conditions, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que l'humidité qui a persisté dans leur maison entre septembre 2006 et 2009 était principalement liée à l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales de la commune de Preignan.

11. En troisième lieu, compte tenu de l'importance des désordres affectant l'habitation des époux A...et du fait qu'ils ont été les seuls à subir des dégradations de leur habitation dans de telles proportions, le caractère anormal et spécial de leur préjudice est établi.

12. En quatrième lieu, si la commune de Preignan entend soulever la faute des époux A...en indiquant qu'ils avaient réalisé une piscine sans autorisation, la construction de cet ouvrage étant sans lien direct avec l'humidité apparue dans leur habitation, la faute de la victime ainsi invoquée ne peut qu'être écartée.

13. Par suite, les époux A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes indemnitaires au motif que leurs préjudices ne seraient pas imputables à l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales de la commune.

Sur la réparation :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les époux A...ont vécu dans un logement très humide entre septembre 2006 et 2009. En outre, le sinistre qu'ils ont subi le 1er juin 2008, à la suite du débordement du cours d'eau traversant leur propriété, les a contraints à entreprendre d'importants travaux de nettoyage. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice moral et de leurs troubles dans leurs conditions d'existence en condamnant la commune de Preignan à leur verser une somme de 4 000 euros.

15. En second lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier du constat d'huissier du 2 juin 2008, que le sinistre du 1er juin 2008 a ravagé le local technique de la piscine, lequel a été déplacé rendant dès lors inutilisables les appareils électroniques et les pompes hydrauliques. De même, le constat d'huissier du 30 juin 2008 révèle que l'humidité ayant affecté leur maison a impliqué la réfection complète des revêtements muraux du couloir, des trois chambres, de la salle-de-bain et des toilettes. De même, au sein de la cuisine et de la salle-à-manger, les désordres ont nécessité la reprise des soubassements des murs.

16. Toutefois, le rapport d'expertise ne permettant pas d'évaluer le montant de ces préjudices, il y a lieu de surseoir à statuer et d'ordonner un supplément d'instruction, consistant en la production, par les épouxA..., de devis ou de factures correspondant aux travaux entrepris.

17. En outre, les dégâts subis ayant pu être indemnisés par leur assureur, l'indemnité d'assurance, devra, le cas échéant, être déduite de l'indemnité à laquelle sera condamnée la commune de Preignan. Par suite, il y a également lieu d'ordonner aux époux A...un état des indemnités qu'ils ont reçues de leur assureur pour les dommages en cause.

Sur les frais d'expertise :

18. Aux termes de l'article R.761-1 du code de justice administrative " les dépens comprennent (...) les frais d'expertise (...) ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ".

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de la commune de Preignan, responsable des préjudices subis par les requérants, la somme de 19 363, 93 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise tels que taxés et liquidés par l'arrêt de la cour administrative d'appel n°12BX00188 du 27 juin 2013.

Sur les conclusions de la société Allianz tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

20. La société Allianz, intervenante en défense, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à sa demande présentée sur leur fondement et à ce que soit mise à sa charge les frais de l'instance exposés par les autres parties et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Allianz est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1202236 du 11 février 2014 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 3 : La commune de Preignan versera la somme de 4 000 euros aux époux A...en réparation de leur préjudice moral et de leurs troubles dans leurs conditions d'existence.

Article 4 : Il est, avant-dire droit sur le surplus de la requête de M. et MmeA..., ordonné un supplément d'instruction contradictoire aux fins de faire produire par ces derniers, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, les informations précisées aux points 16 et 17 du présent arrêt accompagnées de toutes justifications utiles.

Article 5 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme globale de 19 363, 93 euros sont mis à la charge de la commune de Preignan.

Article 6 : Les conclusions présentées par la société Allianz tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il est expressément statué par le présent arrêt demeurent.réservés

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A..., à la société Allianz et à la commune de Preignan. Copie en sera adressée à M.B..., expert judiciaire.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2016, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Bertrand Riou, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mars 2016.

Le rapporteur,

Sabrina LADOIRE

Le président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 14BX01354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01354
Date de la décision : 29/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET GARDACH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-29;14bx01354 ?
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