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03/03/2016 | FRANCE | N°14BX01155

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 03 mars 2016, 14BX01155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un recours en date du 14 octobre 2013, la société JMACEANE a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de la Corrèze en date du 20 septembre 2013, lui refusant l'autorisation préalable requise en vue de procéder à l'extension d'un ensemble commercial par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Super U ", d'une surface de vente de 3 385,86 m², à Malemort-sur-Corrèze.

Par une décision en d

ate du 15 janvier 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis le rec...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un recours en date du 14 octobre 2013, la société JMACEANE a demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de la Corrèze en date du 20 septembre 2013, lui refusant l'autorisation préalable requise en vue de procéder à l'extension d'un ensemble commercial par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Super U ", d'une surface de vente de 3 385,86 m², à Malemort-sur-Corrèze.

Par une décision en date du 15 janvier 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a admis le recours et autorisé le projet.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2014 et le 27 juillet 2014, la SAS Distribution Casino France, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler la décision par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la société JMACEANE à procéder à l'extension d'un ensemble commercial par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Super U ", d'une surface de vente de 3 385,86 m², à Malemort-sur-Corrèze ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant de la SAS Distribution Casino France et de MeA..., représentant de la société JMACEANE ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 20 septembre 2013, la commission départementale d'aménagement commercial de la Corrèze a refusé à la société JMACEANE l'autorisation préalable d'exploitation commerciale requise en vue de procéder, sur le territoire de la commune de Malemort-sur-Corrèze, à l'extension d'un ensemble commercial par la création d'un hypermarché à l'enseigne " Super U ", d'une surface de vente de 3 385,86 m². La société JMACEANE a saisi la Commission nationale d'aménagement commercial, qui par décision du 15 janvier 2014, a admis le recours et a autorisé le projet présenté. La SAS Distribution Casino France, qui exploite un magasin à l'enseigne " Géant Casino " de 9 000 m² sur le territoire de la commune de Malemort-sur-Corrèze, dans la zone de chalandise du projet autorisé, demande l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2014 :

En ce qui concerne la régularité de l'avis du ministre chargé du commerce :

2. Le quatrième alinéa de l'article R. 752-51 du code de commerce dispose que : " Le commissaire du Gouvernement recueille les avis des ministres intéressés, qu'il présente à la commission ". Selon l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005, les directeurs d'administration centrale peuvent signer, au nom du ministre et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité. En vertu de l'article 3 du même décret, les directeurs d'administration centrale peuvent donner délégation aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles ils ont eux-mêmes reçu délégation.

3. Par un arrêté du 12 décembre 2012 publié au Journal officiel de la République française du 14 décembre 2012, pris sur le fondement de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005, M.B..., directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services, a donné à M. D..., signataire de l'avis du 22 novembre 2013, délégation à l'effet de signer, au nom du ministre du redressement productif et du ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, tous actes, décisions, marchés ou conventions, dans la limite des attributions du service du tourisme, du commerce, de l'artisanat et des services. La circonstance que cet avis a été signé sous la forme d'une lettre d'accompagnement est sans incidence sur sa régularité.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

4. L'article R. 752-7 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la commission nationale d'aménagement commercial a statué, disposait que : " II. - La demande est également accompagnée d'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 752-6. Celle-ci comporte les éléments permettant d'apprécier les effets du projet sur : (...) 2° Les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ainsi que sur les accès sécurisés à la voie publique ; 3° La gestion de l'espace ; 4° Les consommations énergétiques et la pollution ; 5° Les paysages et les écosystèmes. (...) ".

5. Aux termes de l'article A. 752-1 du même code, issu de l'arrêté du 21 août 2009 : " La demande d'autorisation préalable prévue aux articles L. 751-1, L. 752-1 et L. 752-2 du code de commerce est présentée selon les modalités fixées à l'annexe 1 de l'annexe 7-8 au présent livre. Elle est accompagnée : 1° Des renseignements prévus à l'annexe 2 (...) ; 4° De cartes ou de plans présentant : (...) - la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports en commun, par les voies piétonnes et les pistes cyclables (...) ; 5° D'une présentation visuelle du projet, notamment d'un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain. (...) ". Les renseignements figurant à l'annexe 2 susmentionnée portent, notamment, sur la présentation du projet au regard de l'aménagement du territoire, du développement durable et de la préservation de l'environnement ainsi que sur la présentation de ses effets sur l'animation de la vie urbaine et les flux de déplacement.

6. La société requérante soutient que le dossier de demande d'autorisation était incomplet et n'a pas permis à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer en toute connaissance de cause. Il ressort toutefois des pièces dudit dossier que la Commission a disposé de données chiffrées suffisamment précises et probantes, d'une part, sur les flux de circulation actuels sur la route départementale 1089 qui dessert le site, et, d'autre part, sur les flux prévisibles induits par le projet, concernant les véhicules particuliers. Le document graphique d'insertion produit par le pétitionnaire à la demande de la Commission nationale d'aménagement commercial satisfait aux exigences de l'article A. 752-1 du code de commerce dès lors qu'il permet d'apprécier l'impact visuel du projet et son insertion dans le paysage environnant. Les accès au site tant par les axes routiers que par les liaisons douces sont également précisés dans le dossier de demande. Dès lors, le moyen tiré de ce que le dossier de demande d'autorisation aurait été incomplet sur ces différents points doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :

7. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code et précisés à l'article R. 752-7 de celui-ci. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

8. La société requérante soutient tout d'abord que la décision en litige méconnaîtrait l'objectif fixé par le législateur en matière de protection des consommateurs, compte tenu de la présence d'une offre alimentaire très conséquente dans la zone de chalandise et de l'implantation en zone inondable du projet. Sur le premier point, la création de l'hypermarché en litige permettra de proposer aux consommateurs une offre commerciale alternative à celle de la société requérante, qui exploite un hypermarché de 9 000 m² de surface de vente à l'ouest de l'agglomération, dont il n'est pas établi qu'elle serait de nature à entraîner la fermeture de commerces de centre-ville. Sur le second point, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du ministre chargé du commerce que si le projet est situé partiellement en zone rouge du plan de prévention des risques d'inondation, il intègre les préconisations de ce document en prévoyant notamment, après une étude " loi sur l'eau ", un dallage au-dessus du niveau de la cote d'inondabilité, et la libre circulation des eaux de crues sous le bâtiment. Par suite, le projet, qui au demeurant devra faire valider la conformité des dispositifs constructifs au plan de prévention des risques d'inondation dans le cadre de l'instruction du permis de construire, ne méconnaît pas l'exigence de protection du consommateur.

9. La société requérante soutient aussi que la décision en litige compromettrait la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce en raison de l'impact du projet sur les commerces de proximité, l'animation de la vie urbaine du centre-ville de Malemort-sur-Corrèze et de Brive-la-Gaillarde. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le projet est implanté au sein d'une zone d'activités, en entrée Est de la ville de Malemort-sur-Corrèze à environ 2,5 kilomètres du centre-ville, au lieu et place d'une ancienne friche industrielle laissée à l'abandon. Le projet est compatible avec les orientations et objectifs du SCOT en tant qu'il se situe dans une zone d'activités commerciales, dont la vocation est d'accueillir les unités commerciales importantes, et qu'il contribue au rééquilibrage entre l'ouest et l'est de l'agglomération. Il se traduira également par une diversification de l'offre commerciale locale en matière de produits et denrées alimentaires, dans une zone de chalandise où la population augmente. Les flux routiers qu'il génèrera auront par ailleurs un impact limité au regard de la capacité des infrastructures routières existantes, et contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la voie d'accès au projet serait saturée et nécessiterait des aménagements routiers autres que celui consistant à réaliser une entrée directe sur la RD 1089 sur la parcelle d'assiette du projet, ne nécessitant qu'une permission de voirie pour laquelle le conseil général a donné un avis favorable. Il en résulte que le projet est conforme à l'objectif d'aménagement du territoire fixé par le législateur.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 8, le risque résultant de la présence du terrain d'assiette du projet en zone inondable apparait suffisamment pris en compte par les aménagements prévus conformément au plan de prévention du risque d'inondation, et si la société requérante fait valoir que la décision attaquée méconnaît l'objectif de développement durable en raison de la mauvaise insertion du projet dans les paysages et de ses qualités architecturales insuffisantes, il ressort au contraire des pièces du dossier que le site sur lequel il est implanté ne présente pas de caractéristiques naturelles ou remarquables particulières et que, comme il a été dit ci-dessus, il permet de réhabiliter une friche industrielle. Par ailleurs, le pétitionnaire a prévu que les espaces végétalisés et paysagers représentent 30% du foncier en vue d'améliorer l'insertion du projet dans les paysages. Enfin, le site est desservi par une ligne de transports collectifs. L'objectif de développement durable n'est, en conséquence, pas méconnu.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 15 janvier 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation. ".

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SAS Distribution Casino France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 1500 euros à verser à la société JMACEANE au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La SAS Distribution Casino France versera à la société JMACEANE la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 14BX01155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX01155
Date de la décision : 03/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-03;14bx01155 ?
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