La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/03/2016 | FRANCE | N°14BX02649

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 01 mars 2016, 14BX02649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Océan Indien et Pacifique a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 3 039 844,16 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'incendie qui a ravagé le garage de son assurée, la société garage CH 3.

Par un jugement n° 1200562 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2014 et un mé

moire présenté le 17 juin 2015, la société Groupama Océan Indien et Pacifique, représentée par MeA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Océan Indien et Pacifique a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 3 039 844,16 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'incendie qui a ravagé le garage de son assurée, la société garage CH 3.

Par un jugement n° 1200562 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2014 et un mémoire présenté le 17 juin 2015, la société Groupama Océan Indien et Pacifique, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 10 juillet 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 3 039 844,16 euros qu'elle sollicitait ;

2°) de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser cette somme en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ladoire, premier conseiller,

- les conclusions de M. B...de la Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me Delhaye, avocat de la société Groupama Océan Indien et Pacifique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Groupama Océan Indien et Pacifique relève appel du jugement du 10 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Denis à lui verser la somme de 3 039 844,16 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en tant qu'assureur de la Sarl CH 3 dont le garage a été ravagé à la suite de l'incendie survenu le 12 juillet 2006.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Denis, la requête d'appel de la société Groupama, qui reproche aux premiers juges de n'avoir pas tiré les conséquences de la faute qu'ils ont pourtant reconnue et imputée à la commune de Saint-Denis, comporte ainsi un moyen dirigé contre le jugement. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Denis et tirée de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écartée.

Sur la responsabilité :

4. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales dispose que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ; ". Aux termes de l'article L. 2216-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-1, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. /La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage. ".

5. Il est constant qu'un violent incendie s'est déclaré en début de soirée, le 12 juillet 2006, au sein d'un bâtiment situé à Sainte-Clotilde et loué par la société garage CH 3 pour l'exploitation de son commerce de réparation, d'entretien et de réfection de carrosserie de véhicules automobiles. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis du 21 juin 2007, qu'afin de lutter contre les flammes, les pompiers ont utilisé la lance incendie de grande puissance en raccordant celle-ci sur les bouches d'incendie 552 et 553, situées à proximité du garage en feu. Cependant, ils se sont trouvés confrontés à un débit d'eau insuffisant pour alimenter cette lance compte tenu d'une part, de la défectuosité de la borne 553, une défectuosité qui avait d'ailleurs été relevée lors du contrôle des points d'eau réalisé par le SDIS le 8 juin 2006 et à laquelle la collectivité n'avait pas encore remédié, et d'autre part, de l'installation trop rapprochée des deux premières bornes, empêchant ainsi la délivrance d'une pression optimale. En conséquence, les pompiers ont finalement été contraints de se raccorder à la bouche d'incendie 554 en bon état de fonctionnement mais située à 300 mètres du lieu du sinistre, ce qui leur a ainsi fait perdre environ quinze minutes dans leur lutte contre cet incendie. Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la défectuosité des bornes d'incendie constituait une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, laquelle devait veiller au bon fonctionnement du service public de lutte contre l'incendie.

6. La société requérante reproche cependant au tribunal administratif de n'avoir pas tiré les conséquences de la faute qu'il a caractérisée, en soutenant que cette faute est à l'origine de l'aggravation du sinistre dès lors qu'une intervention plus rapide des pompiers aurait permis de préserver la partie du bâtiment comportant les bureaux ainsi que les véhicules entreposés dans la cour de ce bâtiment. Cependant, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu d'action opérationnel rédigé le 22 septembre 2006 par le lieutenant Robert, que lors de l'arrivée des secours, le sinistre s'était déjà étendu à la majeure partie des locaux dans la mesure où s'était écoulé un important délai entre le début de cet incendie, signalé par le déclenchement de l'alarme raccordée au système de télésurveillance, et l'appel des services de secours. En effet, alors que sept déclenchements d'alarme se sont produits à compter de 18h et que le gérant de la société a été alerté par une voisine, aux alentours de 19h, d'un départ d'incendie dans son local professionnel, les pompiers, selon le procès-verbal établi par le brigadier chef le 24 juillet 2006, n'ont été avertis de la survenue de ce sinistre qu'à 19h27, et sont intervenus vers 19h40. Le procès-verbal établi par un gardien de la paix ce même jour confirme également qu'à l'arrivée des pompiers, des flammes s'élevaient sur une hauteur de 20 mètres et recouvraient la totalité du bâtiment. En outre, il résulte également de l'instruction que l'intervention des pompiers a été rendue particulièrement difficile par la fermeture de l'accès principal du garage, la configuration des locaux ayant permis, en l'absence de cloisonnement des ateliers, la propagation rapide du feu, et la présence sur place de matières hautement inflammables, notamment de bouteilles d'acétylène ayant entraîné de nombreuses explosions. Par suite, et quand bien même le débit d'eau des bouches d'incendie aurait été plus important, l'intervention des pompiers dans les conditions susdécrites n'aurait pas permis d'éviter la propagation des flammes dans l'ensemble du bâtiment, y compris dans les bureaux et la cour dans laquelle étaient stationnés plusieurs véhicules. La société Groupama n'est dès lors pas fondée à reprocher au tribunal administratif d'avoir considéré qu'il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre la faute commise par la commune dans l'organisation du service public de lutte contre l'incendie et la propagation de cet incendie à l'ensemble du bâtiment. Au demeurant, la société Groupama n'établit pas davantage en appel qu'en première instance, qu'elle aurait versé un montant de 51 770 euros pour les dommages subis par les véhicules de la Sarl CH 3 dans la mesure où elle n'a produit aucun accord transactionnel concernant cette somme alors que sont au contraire versés au dossier les accords transactionnels afférents à l'ensemble des autres sommes dont elle demande le remboursement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Groupama n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

8. Aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. / Dans les cas mentionnés au premier alinéa, il peut être fait application des dispositions des articles R. 621-12 et R. 621-12-1. ". En vertu de l'article R. 761-1 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. / Dans les cas mentionnés au premier alinéa, il peut être fait application des dispositions des articles R. 621-12 et R. 621-12-1. ".

9. D'une part, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 621-13 du code de justice administrative, les frais de l'expertise ordonnée le 21 juin 2007 par le juge des référés du tribunal administratif à la demande de l'assurée de la société Groupama Océan Indien et Pacifique ont le caractère de dépens de l'instance principale engagée par cette société d'assurance qui est subrogée dans les droits de son assuré.

10. D'autre part, et en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Groupama Océan Indien et Pacifique, partie perdante dans la présente instance, les frais de l'expertise ordonnée le 21 juin 2007 par le juge des référés du tribunal administratif.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que la société Groupama demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Groupama Océan Indien et Pacifique la somme que demande la commune de Saint-Denis sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Groupama Océan Indien et Pacifique est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 21 juin 2007 par le juge des référés du tribunal administratif sont mis à la charge définitive de la société Groupama Océan Indien et Pacifique.

Article 3 : Le jugement n° 1200562 du 10 juillet 2014 du tribunal administratif de La Réunion est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

''

''

''

''

2

N°14BX02649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02649
Date de la décision : 01/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET CAPORALE-MAILLOT-BLATT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-03-01;14bx02649 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award