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29/02/2016 | FRANCE | N°15BX01908

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 29 février 2016, 15BX01908


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 mai 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour pendant trois ans.

Par un jugement n° 1403422 du 24 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2015 et des pièces compléme

ntaires enregistrées le 4 août suivant, MA..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 mai 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a opposé un refus de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, a fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour pendant trois ans.

Par un jugement n° 1403422 du 24 février 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2015 et des pièces complémentaires enregistrées le 4 août suivant, MA..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 février 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, les dépens de l'instance, d'autre part, la somme de 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité togolaise, fait appel du jugement du 24 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour dont il bénéficiait sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pendant trois ans.

Sur le refus de séjour :

2. L'arrêté contesté vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application, notamment l'article L. 313-11 11, mentionne les considérations de fait fondant le refus de renouvellement du titre de séjour en qualité d'étranger malade de M. A...en se référant notamment à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Cette décision est ainsi conforme aux prescriptions de la loi du 11 juillet 1979. A les supposer établies, les erreurs de fait commises par le préfet sont sans incidence sur la régularité de sa décision.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. (...) Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois ".

4. Il est constant que M. A...est porteur du virus, actuellement inactif, de l'hépatite B, ce qui nécessite des analyses biologiques biannuelles et une échographie hépatique annuelle. Par un avis du 30 juillet 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A...pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Togo. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet se serait estimé lié par cet avis. Ni la circonstance que le médecin de l'agence régionale de santé, qui n'était pas tenu de le convoquer, aurait émis, en dépit de l'absence d'évolution favorable de son état de santé, des avis divergents sur la base des mêmes informations contenues dans les certificats médicaux des 24 octobre 2012 et 3 décembre 2013, ni aucun des certificats dont le requérant se prévaut ne justifient de l'indisponibilité au Togo, à la date de la décision contestée, d'une prise en charge adéquate de son état de santé et ne permettent de remettre en cause l'appréciation émise sur ce point par le médecin de l'agence régionale de santé. Le diabète de l'intéressé, décelé en août 2014 postérieurement à l'arrêté contesté, mentionné notamment par le certificat médical du 19 novembre suivant ne peut être utilement invoqué. Dès lors qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, le requérant ne peut utilement soutenir que son absence de ressources le prive de la possibilité du bénéfice effectif de ce traitement. En tout état de cause, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre du refus de séjour, tout comme le sont les énonciations, dépourvues de caractère règlementaire, de la circulaire DGS/MC1/R12/2011/417 du 10 novembre 2011 relative aux avis médicaux concernant les étrangers malades. En refusant à M. A... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a donc pas fait une inexacte application de ces dispositions.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays (...)". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus.

6. M.A..., entré en France novembre 2010, se prévaut du décès de son épouse et de sa relation avec une Nigériane titulaire d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'au 29 septembre 2014, avec laquelle il a eu une fille née le 5 juin 2014 qu'il avait reconnue par anticipation le 13 février 2014. Il produit une requête, non datée, que la mère de sa fille, dont il est séparé, aurait formée devant le juge aux affaires familiales aux fins d'aménagement de l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite et d'hébergement. Toutefois, M. A...a conservé des attaches familiales au Togo où vivent notamment sa mère et ses quatre enfants mineurs. Il n'est toutefois pas établi que le requérant et sa compagne vivaient ensemble, notamment qu'ils partageaient le même logement. A cette date, leur enfant n'était pas né. En tout état de cause, le requérant ne produit aucun élément de nature à établir que la mère de sa fille aurait vocation à résider durablement en France et, partant, qu'elle ne pourrait le suivre au Togo. En lui refusant le titre de séjour sollicité, le préfet n'a, dans les circonstances de l'espèce, pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la mesure d'éloignement :

7. Le requérant persiste en appel à soutenir que " le refus d'embarquer lors de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet alors que cette mesure était expirée lors de sa mise à exécution et qu'il a été relaxé de ce chef de poursuite par le tribunal correctionnel de Toulouse " d'autre part, qu'en dépit de sa condamnation pénale pour prise du nom d'un tiers, rébellion et infraction à la législation des étrangers, le préfet lui a accordé un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 26 décembre 2012 au 15 décembre 2013, sans qu'aucune circonstance nouvelle postérieure à cette décision ne permette de justifier la mesure d'éloignement prise à son encontre. Il ressort pourtant des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet ne s'est pas fondé sur ces éléments pour assortir, comme il pouvait légalement le faire sur le fondement du de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de séjour d'une mesure d'éloignement. Si le requérant a entendu invoquer l'erreur manifeste d'appréciation, pour les motifs exposés aux points 4 et 5, ce moyen doit être écarté.

Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Le d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'autorité administrative peut, par décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, lorsqu'il s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. M.A..., qui s'est soustrait à l'exécution d'une première mesure d'éloignement prononcée le 30 juin 2011, entrait dans le cas visé par ces dispositions, dans lequel l'autorité administrative peut s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire. Le requérant invoque, d'une part, les difficultés de santé de sa compagne, alors enceinte de leur fille, et produit les résultats de l'examen réalisé par IRM le 20 décembre 2013, d'autre part, son propre état de santé qui nécessite une prise en charge médicale continue. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, aucun élément ne justifie de l'impossibilité de reconstituer hors de France la cellule familiale à en supposer établie l'existence. Compte tenu, en outre, de la disponibilité d'un traitement approprié au Togo, le préfet ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en refusant à M. A...tout délai de départ volontaire. Enfin, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance postérieure à la décision contestée qu'il se serait rendu à la convocation des services préfectoraux pour y recevoir la notification de cette décision.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

9. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est assorti (en appel) d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ou le bien-fondé.

Sur l'interdiction de retour :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

11. Aucun texte ou principe général ne fait obstacle au prononcé d'une interdiction de retour concomitamment à la mesure d'éloignement qui assortit le refus de séjour opposé en qualité d'étranger malade. Toutefois, en prononçant une interdiction de retour excédant la durée d'un an, le préfet s'est livré à une appréciation erronée des circonstances de l'affaire.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à son encontre le 9 mai 2014 en tant qu'elle excède un an.

13. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...doivent être rejetées. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, le paiement d'une somme à l'avocat du requérant au titre des frais qu'aurait exposés son client s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle. Aucun dépens n'ayant été exposé à l'instance, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent être accueillies.

DECIDE

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 9 mai 2014 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de M. A...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée supérieure à un an.

Article 2 : Le jugement du 24 février 2015 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de M. A...est rejeté.

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N° 15BX01908


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01908
Date de la décision : 29/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : MAINIER - SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-29;15bx01908 ?
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