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29/02/2016 | FRANCE | N°14BX02706

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 29 février 2016, 14BX02706


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement La Poste et l'Etat, à lui verser la somme de 80 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 16 avril 2012 en réparation des préjudices subis dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1201036 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Limoges a condamné solidairement La Poste et l'Etat à payer à M. C...une somme de deux mille euros en réparation de son préjudice

moral et des troubles dans ses conditions d'existence et a rejeté le surplus de ses c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement La Poste et l'Etat, à lui verser la somme de 80 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 16 avril 2012 en réparation des préjudices subis dans la gestion de sa carrière.

Par un jugement n° 1201036 du 10 juillet 2014, le tribunal administratif de Limoges a condamné solidairement La Poste et l'Etat à payer à M. C...une somme de deux mille euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2014, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 juillet 2014 en ce qu'il n'a condamné La Poste et l'Etat qu'à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de ses préjudices ;

2°) de condamner solidairement La Poste et l'Etat, à lui verser la somme de 80 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 16 avril 2012 en réparation des préjudices subis dans la gestion de sa carrière ;

3°) de mettre solidairement à la charge de La Poste et de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 57-1319 du 21 décembre 1957 modifié portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier des corps des services de la distribution et de l'acheminement des postes, télégraphes et téléphones ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1958 modifié portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes du 25 janvier 1993 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste ;

- le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier des corps des services de la distribution et de l'acheminement de La Poste ;

- le décret n° 91-12 du 4 janvier 1991 relatif aux statuts particuliers des corps du service automobile de La Poste et des corps du service automobile de France Télécom ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

- les observations de Me A...pour M.C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...C..., recruté par l'administration des postes et télécommunications à compter du 12 mai 1992 en qualité de préposé, a refusé d'être intégré dans les nouveaux corps dits de " reclassification " créés en 1993. Il est affecté depuis 2009 au centre financier de Limoges. Estimant avoir vu sa carrière anormalement bloquée depuis 1993, il a formé des réclamations préalables, qui ont été rejetées par le président de La Poste et le ministre de l'économie. Il fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 juillet 2014, en ce qu'il ne lui a alloué que 2 000 euros au titre de son préjudice moral et demande la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation des différents préjudices qu'il estime avoir subis en raison du blocage fautif de sa carrière.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". Aux termes de l'article L. 5 du même code : " L'instruction des affaires est contradictoire ".

3. D'une part, la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. En l'espèce, il ressort de l'extrait de relevé Sagace, produit par M.C..., que le sens des conclusions du rapporteur public a été mis en ligne le 1er juillet 2014 et que ce dernier indiquait, comme le mentionne M. C...: " Condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à verser à M. C...une somme de 2 000 euros, avec intérêts à compter du 16 avril 2012. Les intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à compter du 16 avril 2013 et à chaque date d'anniversaire (...) Rejet du surplus des conclusions de la requête de M. C...". Dans ces conditions, le rapporteur public a indiqué, dans un délai raisonnable avant l'audience le sens de ses conclusions et l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement, comme il y était seulement tenu.

5. D'autre part, le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties. Celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré. Ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit, et alors que l'exercice de la fonction de rapporteur public n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que le contradictoire aurait été méconnu par le seul fait que ce magistrat se serait borné à indiquer le sens de ses conclusions et l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement.

7. Les moyens mettant en cause la régularité du jugement doivent ainsi être écartés.

Sur les préjudices :

8. En l'absence d'appel incident de l'Etat ou de La Poste concernant leur responsabilité telle qu'établie par le jugement attaqué, il y a lieu d'examiner les préjudices allégués par M.C....

En ce qui concerne les préjudices financier, de carrière et professionnel :

9. M.C..., recruté par l'administration des postes et télécommunications à compter du 12 mai 1992 en qualité de préposé, a refusé d'être intégré en 1993 dans les nouveaux corps dits de " reclassification ". Il a été promu par la voie de la liste d'aptitude le 31 décembre 2009 au grade d'agent d'exploitation de la distribution et de l'acheminement (AEX-DA) et à celui de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement (CDTX-DA) le 30 décembre 2010. Il soutient que sa carrière a été anormalement bloquée depuis 1993 et qu'il aurait dû bénéficier d'une promotion dans le corps des conducteurs de travaux bien avant 2010. Cependant, en admettant même que le requérant remplissait les conditions statutaires pour accéder plus précocement au grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement, ce qu'il ne démontre pas, il résulte de ses appréciations et notations antérieures à 2010 qu'il était certes considéré comme un bon agent, mais sans que ces appréciations, qui sont seulement satisfaisantes, fassent état d'une aptitude à exercer les fonctions attachées à un corps supérieur. En outre, comme l'a déjà relevé le tribunal administratif, les seules pièces produites par M.C..., qui soutient ne pas être en mesure d'en produire d'autres pour l'instant dans la mesure où La Poste aurait refusé de lui communiquer l'ensemble de ses notations, portent seulement sur les années 2006 à 2008 et ne permettent donc pas de connaître les notations et les appréciations au titre des autres années. Dans ces conditions, et même si les appréciations en cause se sont accompagnées d'une notation par la lettre E en 2006 et B en 2007 et 2008, à supposer que M.C..., à qui il revient de démontrer l'existence d'un préjudice réel et certain, ait rempli les conditions d'accès par liste d'aptitude au corps de contrôleur entre 2003 et 2009, et malgré la circonstance qu'il ait été promu en 2010 dans le grade de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la perte d'une chance sérieuse d'être promu à ce grade plus tôt n'était pas établie.

10. Cependant, il est constant que M.C..., qui a débuté sa carrière aux postes et télécommunications en 1992, c'est-à-dire peu de temps avant la transformation de cette administration en société anonyme, et qui a, en 1993, opté pour demeurer dans les corps dits de " reclassement ", a vu sa carrière bloquée pendant 17 ans. Dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis en portant à 4 000 euros la somme que le tribunal administratif a condamné solidairement l'Etat et La Poste à lui verser.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges ne lui a accordé que 2 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

12. M. C...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 4 000 euros à compter du 16 février 2012, date de réception de sa demande préalable. La capitalisation des intérêts ayant été demandée par M. C...dans sa requête enregistrée le 12 juillet 2012,il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 16 avril 2012, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros que demande M. C...sur ce fondement. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C...la somme que demande La Poste sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat et La Poste sont condamnés solidairement à payer à M. C...une somme de quatre mille euros. Cette somme portera intérêt à compter du 16 février 2012, et les intérêts échus au 16 avril 2013 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle suivante pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Limoges du 10 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La Poste versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 14BX02706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02706
Date de la décision : 29/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP D AVOCATS SAIDJI et MOREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-29;14bx02706 ?
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