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04/02/2016 | FRANCE | N°15BX02576

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 04 février 2016, 15BX02576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les décisions du préfet de Mayotte du 8 juillet 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant les Comores comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 1400443 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015, MmeB...

, représentée par

MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler les décisions du préfet de Mayotte du 8 juillet 2013 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant les Comores comme pays de renvoi.

Par un jugement n° 1400443 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015, MmeB..., représentée par

MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 19 février 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de Mayotte du 8 juillet 2013;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, à un réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, " sous réserve de renonciation à l'indemnité d'aide juridictionnelle ".

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte et le décret n° 2001-635 du 17 juillet 2001 pris pour son application ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante comorienne née en 1976, est entrée à Mayotte selon ses déclarations en 1997. Elle a sollicité en 2011 un titre de séjour " vie privée et familiale " et a complété son dossier le 11 mars 2013. Par décisions du 8 juillet 2013, le préfet de Mayotte lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Selon l'article 15 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susvisée, en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " II. - La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui établit l'existence de liens personnels et familiaux à Mayotte tels que le refus d'autoriser son séjour porterait au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus porte la mention " liens personnels et familiaux ". En vertu de l'article 20 du décret du 17 juillet 2001 susvisé : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider à Mayotte, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 2° Les documents, mentionnés à l'article 13 du présent décret, justifiant qu'il est entré régulièrement à Mayotte ; (...) / Ne sont pas soumis aux dispositions du 2° du présent article les étrangers mentionnés au premier alinéa du II de l'article 15 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susvisée. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 25 du même décret : " Pour l'application du premier alinéa du II de l'article 15 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susvisée, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs à Mayotte au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " . Ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...s'est vue délivrer un carnet de santé à Mayotte en 1997, lequel a été régulièrement alimenté en 2000, 2001, 2002, 2003 et 2006. Elle a donné naissance à son fils cadet à Mayotte en 2004, et y a scolarisé de façon continue sa fille aînée née aux Comores depuis l'année 2004-2005, son fils cadet depuis 2008, comme en témoignent les attestations d'inscriptions et bulletins scolaires qui, contrairement à ce que soutient le préfet, ne sont pas interrompus en 2010-2011, période où elle indique que son compagnon a pris " le relais " auprès des enfants en son absence. S'il est constant qu'une mesure de reconduite aux Comores a été exécutée en 2010, Mme B...est rapidement revenue à Mayotte, où sa présence est documentée par des ordonnances médicales délivrées en août 2010. Par ailleurs, son dossier comporte une échographie réalisée en 2012 à Mayotte et la mention de nombreuses consultations. Dès lors le préfet, qui ne conteste pas que l'intéressée a présenté l'original de son carnet de santé, dont les feuillets reproduits au dossier ne portent pas tous son nom, ne peut remettre en cause la valeur probante de ce document, qui corrobore l'ancienneté du séjour de Mme B...à Mayotte. Alors même que les certificats de concubinage avec un ressortissant français signés par les intéressés en 2010 et 2014 ne sont pas assortis de pièces démontrant la réalité d'une vie commune, et compte tenu de l'intérêt supérieur des enfants qui n'ont connu que le système scolaire français pendant une durée significative, plus de dix ans pour l'aînée, et six ans pour le cadet, Mme B...est fondée à soutenir que l'arrêté lui refusant un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît tant l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. L'annulation de la décision du préfet de Mayotte implique nécessairement que celui-ci délivre à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois, sans qu'il soit nécessaire de prononcer l'astreinte demandée par l'intéressée.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à MeA..., sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de Mayotte du 8 juillet 2013 et le jugement du tribunal administratif de Mayotte du 19 février 2015 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Mayotte de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me A...une somme de 800 euros, sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.

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No 15BX02576


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 15BX02576
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-04;15bx02576 ?
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