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04/02/2016 | FRANCE | N°14BX00525

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre (formation à trois), 04 février 2016, 14BX00525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a délivré à la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) MGB un permis de construire une résidence de tourisme de 35 logements.

Par un jugement n° 1102917 du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 12 septembre 2011.

Procédure devant la cour :

Sous le n° 14BX00525, par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2014, le 2 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2011 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a délivré à la société anonyme à responsabilité limitée (SARL) MGB un permis de construire une résidence de tourisme de 35 logements.

Par un jugement n° 1102917 du 20 décembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 12 septembre 2011.

Procédure devant la cour :

I° Sous le n° 14BX00525, par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 février 2014, le 2 février 2015, et le 27 avril 2015, la commune de Saint-Clément-des-Baleines, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 décembre 2013 ;

2°) de rejeter le déféré préfectoral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

II° Sous le n° 14BX00543, par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2014 et le 11 février 2015, la SARL MGB, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 20 décembre 2013 ;

2°) de rejeter le déféré préfectoral ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant de la commune de Saint-Clément-des-Baleines et de MeC..., représentant de la société MGB.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 12 septembre 2011, le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a délivré à la SARL MGB un permis de construire au lieudit Poultier pour l'édification d'une résidence de tourisme comprenant 24 logements de plain pied de 60 m², 9 logements à étages de 64 m² et 2 logements de plain pied de 44 m², soit une surface totale de 2689 m² sur une parcelle située en zone UBmpts 3 du plan d'occupation des sols, secteur réservé à l'hébergement collectif touristique soumis à plan de masse. La préfète de la Charente-Maritime a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Poitiers le 29 décembre 2011 et par jugement du 20 décembre 2013, le tribunal a annulé cette décision. Par les requêtes enregistrées respectivement sous les nos 14BX00525 et 14BX00543, la commune de Saint-Clément-des-Baleines et la SARL MGB relèvent appel du jugement du 20 décembre 2013. Ces requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R.611-3, R.611-5 et R.611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. "

3. La commune de Saint-Clément-des-Baleines soutient que, pour écarter la fin de non recevoir qu'elle avait opposée au déféré préfectoral et tirée de l'absence de justification par la préfète de l'accomplissement des formalités de notifications exigées par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif s'est fondé sur des pièces qui ne lui ont pas été communiquées et qu'ainsi le principe du contradictoire a été méconnu.

4. Il ressort de l'examen du dossier de première instance, qu'en réponse à un courrier des services du greffe du tribunal, la préfète de la Charente-Maritime a produit, par un bordereau de pièces enregistré le 27 janvier 2012 au greffe du tribunal administratif, la copie des lettres de notification de sa demande de première instance adressées, par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 28 décembre 2011, au bénéficiaire et à la commune de Saint-Clément-des-Baleines, ainsi que les certificats de dépôts de ces lettres recommandées. Il ne ressort pas de l'examen du dossier de première instance que ces justificatifs auraient été communiqués au pétitionnaire et à la commune alors que les premiers juges se sont fondés sur ces pièces pour écarter la fin de non recevoir opposée à ce titre par la commune de Saint-Clément-des-Baleines. Par suite, la commune de Saint-Clément-des-Baleines est fondée à soutenir que les premiers juges ont, ce faisant, méconnu le principe du contradictoire et qu'ainsi le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'irrégularité du jugement invoqués par la commune de Saint-Clément-des-Baleines et la SARL MGB, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué.

Sur la fin de non recevoir opposée à la demande :

5. Comme il a été exposé ci-dessus, la préfète de la Charente-Maritime a justifié, par le bordereau de pièces transmis au tribunal administratif le 27 janvier 2012, de l'accomplissement des notifications de sa demande de première instance au bénéficiaire du permis de construire contesté et à la commune de Saint-Clément-des-Baleines, exigées par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme selon les modalités et conditions de délai fixées par ces dernières. Ces justificatifs, à nouveau produits devant la cour par la préfète de la Charente-Maritime avec les avis de réception postaux desdites notifications, ont été communiqués à la SARL MGB et à la commune de Saint-Clément-des-Baleines dans le cadre de l'instruction de la présente requête d'appel. Dès lors, la fin de non recevoir tirée du non respect des formalités exigées par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 septembre 2011 :

6. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, l'autorité administrative doit apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité ou des précédents connus de rupture ou de submersion. De même, l'autorité administrative peut s'appuyer sur tous les éléments d'information dont elle dispose à la date à laquelle elle statue, et notamment sur les documents préparatoires à l'élaboration d'un plan de prévention des risques contre l'inondation, quand bien même celui-ci ne serait pas encore adopté et donc pas directement opposable. Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ces dispositions sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.

7. Les plans de prévention des risques naturels, qui sont destinés notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à certains risques naturels et qui valent servitude d'utilité publique par application de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, s'imposent directement aux autorisations de construire sans que l'autorité administrative soit tenue d'en reprendre les prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Toutefois, l'instauration d'un tel plan n'interdit pas à cette autorité, à qui il incombe de vérifier, au regard des particularités de la situation qu'il lui appartient d'apprécier, que la construction ne sera pas de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, de refuser, lorsqu'une telle atteinte le justifie, la délivrance de l'autorisation sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que le permis de construire délivré à la SARL MGB respecte, par ses prescriptions, les règles de hauteur de plancher fixées par le règlement du plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002 dans la zone BC ne fait pas obstacle, par elle-même, à l'application de l'article R. 111-2.

8. Le terrain d'assiette du projet de la SARL MGB, situé sur la route du phare en limite des zones urbanisées de la commune de Saint-Clément-des-Baleines, qui forme la pointe nord-ouest de l'île de Ré, est à 300 mètres d'une digue à l'Ouest sur l'Atlantique qui a cédé lors de la tempête Xynthia. Cette zone dite bourg du Gillieux a été entourée d'eau sur trois côtés du fait des arrivées concomitantes d'eaux en provenance du fiers d'Ars. La topographie du terrain est basse, entre 2,10 et 2,50 mètres, et la parcelle a été classée dans la zone de couleur bleu clair, référencée BC dans le plan de prévention des risques naturels approuvé le 19 juillet 2002, où les constructions d'habitation peuvent être autorisées, sous réserve d'une hauteur de plancher supérieure d'au moins 30 centimètres au niveau de la voie d'accès. La circonstance que ce terrain n'ait pas été inondé lors de la tempête Xynthia, et que le permis de construire impose des cotes de plancher bas à 30 cm au moins au-dessus de la voie d'accès ne suffisait pas à écarter tout risque de submersion du projet, alors que les photographies produites au dossier révèlent que la submersion s'est arrêtée en limite du terrain, la voie qui le borde étant recouverte de 5 à 10 centimètres d'eau. Par ailleurs, la rupture de 800 mètres de digues sur 1400 mètres sur la commune de Saint-Clément-des-Baleines avait démontré pendant la tempête Xynthia la fragilité de ces ouvrages de défense, et il n'est pas établi ni même allégué que les premiers travaux de réfection auraient déjà été effectués à la date à laquelle le maire s'est prononcé, alors que les renforcements dans le cadre du programme d'actions et de prévention des inondations (PAPI) n'ont été envisagés que plus tard , en 2012, et prévus à réaliser pour 2015. Dans ces conditions, en accordant le permis de construire sollicité par la SARL MGB pour un projet de grande ampleur, principalement de plain pied, dans une zone reconnue inondable dans le plan de prévention des risques d'inondation alors applicable, et dans laquelle le risque ne pouvait qu'être reconnu aggravé au vu des multiples brèches constatées pendant la tempête Xynthia, alors que rien ne garantissait la résistance des ouvrages de protection en cas d'événements futurs d'une ampleur égale ou supérieure et que des études étaient prévues pour réviser le plan de prévention des risques d'inondation, le maire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Charente-Maritime est fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 12 septembre 2011.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la commune de Saint-Clément-des-Baleines et la SARL MGB et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1102917 du 20 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 septembre 2011 du maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines est annulé.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Clément-des-Baleines et par la société MGB tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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Nos 14BX00525-14BX00543


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre (formation à trois)
Numéro d'arrêt : 14BX00525
Date de la décision : 04/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP B C J - BROSSIER - CARRE - JOLY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-02-04;14bx00525 ?
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