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19/01/2016 | FRANCE | N°13BX02115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 19 janvier 2016, 13BX02115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GTM Ouest, venant aux droits de la société GTM Poitou-Charentes, a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la communauté de communes de l'Ile d'Oléron à lui verser la somme de 1 322 921,98 euros HT à titre de complément de prix du marché de construction d'un centre aquatique sur la commune de Dolus d'Oléron, assortie d'intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1100854 du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Poitiers a con

damné la communauté de communes de l'Île d'Oléron à verser à la société GTM Ouest la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GTM Ouest, venant aux droits de la société GTM Poitou-Charentes, a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la communauté de communes de l'Ile d'Oléron à lui verser la somme de 1 322 921,98 euros HT à titre de complément de prix du marché de construction d'un centre aquatique sur la commune de Dolus d'Oléron, assortie d'intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1100854 du 30 mai 2013, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la communauté de communes de l'Île d'Oléron à verser à la société GTM Ouest la somme de 8 808 euros HT, assortie des intérêts moratoires à compter du 6 janvier 2010 et des intérêts sur ces intérêts à compter du 19 avril 2012, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 juillet 2013, 7 novembre 2014 et 11 juin 2015, la société GTM Ouest, représentée par Me Pollet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100854 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a limité son indemnisation au montant de 8 808 euros HT et fixé le point de départ des intérêts moratoires au 6 janvier 2010 ;

2°) de condamner la communauté de communes de l'Ile d'Oléron à lui verser la somme de 1 115 168, 10 euros HT à titre de complément de prix du marché de construction du centre aquatique de Dolus d'Oléron, assortie d'intérêts moratoires contractuels à compter du 1er janvier 2010 et de la capitalisation des intérêts au 19 avril 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Ile d'Oléron la somme de 18 029, 70 euros TTC, à parfaire, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse ;

- les conclusions de M. C...de la Taille Lolainville, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pollet, avocat de la société GTM Ouest et de Me Cachelou, avocat de la communauté de communes de l'Île d'Oleron.

Une note en délibéré présentée pour la société GTM Ouest a été enregistrée le 10 décembre 2015.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de l'Île d'Oléron a décidé en 2004 de la construction d'un centre aquatique à Dolus d'Oléron, et a confié la maîtrise d'ouvrage déléguée de cette opération à la société d'économie mixte pour le développement de l'Aunis et de la Saintonge (SEMDAS). Le marché a été décomposé en 25 lots, et le lot n°3 portant sur le gros-oeuvre a été confié à la société GTM Génie civil et services, devenue la société GTM Poitou-Charentes, par un acte d'engagement du 17 janvier 2007. Le montant de ce marché à prix forfaitaire, initialement fixé à 4 381 916,91 euros HT, a été porté par six avenants successifs à 4 427 525,14 euros HT. La société GTM Ouest, venant aux droits de la société GTM Poitou-Charentes, a saisi le tribunal administratif de Poitiers de demandes tendant à la condamnation de la communauté de communes de l'Ile d'Oléron à lui verser une indemnité totale de 1 322 921,98 euros HT au titre, d'une part, des travaux supplémentaires indispensables réalisés dans le cadre de l'exécution de son marché, d'autre part, des surcoûts subis du fait de la prolongation du délai d'exécution de ce marché. Elle relève appel du jugement du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a limité son indemnisation au montant de 8 808 euros HT et fixé le point de départ des intérêts moratoires au 6 janvier 2010.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. S'il est vrai que, comme le relève la société requérante, le tribunal administratif n'a pas mentionné l'avis émis le 17 décembre 2010 par le comité consultatif de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la rémunération des travaux supplémentaires :

3. En premier lieu, le tribunal administratif de Poitiers a alloué à la société GTM Ouest une somme de 8 808 euros HT correspondant au surcoût des travaux supplémentaires réalisés à la suite de la demande du maître d'ouvrage délégué d'adapter le bassin de loisirs de la partie couverte dit bassin " PSL " aux exigences de la " classification départementale ". Cette indemnisation n'étant pas contestée en appel, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'étude réalisée le 11 avril 2006 par le cabinet Burgeap, d'une part, a déterminé le niveau des plus hautes eaux rencontré au droit du site, en évaluant le niveau des plus hautes eaux (NPHE) biannuel à 3, 50 NGF, le niveau des plus hautes eaux (NPHE) cinquanténal à 4 NGF et le niveau d'eaux exceptionnelles (EE) à 4, 50 NGF, d'autre part, a proposé trois solutions d'aménagement visant à sécuriser l'assise de la superstructure du centre aquatique vis-à-vis des eaux souterraines, consistant en un cuvelage entièrement étanche, un cuvelage semi étanche autorisant l'ennoiement temporaire par la mise en place de barbacanes, et enfin une solution de tapis drainant. La société requérante a présenté son offre sur la base de cette étude et d'un plan B.A-PRO-N°20 daté du 26 juin 2006 prévoyant expressément l'emplacement des barbacanes à -1m40 du sol du bâtiment, lui-même situé à 4, 90 NGF, soit à 3,50 NGF. Contrairement à ce que soutient la communauté de communes, les indications de ce plan étaient confirmées par l'article 03.6.7.6 du cahier des clauses techniques particulières prescrivant le positionnement des barbacanes à " environ 1, 50 ml du sol ", et non du sous-sol, ce qui correspond au niveau de 3,50 NGF. Toutefois, par un courriel du 30 avril 2007, le maître d'oeuvre a demandé à la société de réaliser un " cuvelage non inondable quel que soit le niveau d'eau jusqu'au TN+15cm ", imposant ainsi à la société de repositionner les barbacanes 15 cm au-dessus du terrain naturel, soit à la côte 3, 95 NGF. Comme le soutient la communauté de communes, ce nouveau positionnement des barbacanes ne remettait pas en cause les altimétries retenues par l'étude réalisée par le cabinet Burgeap et le parti d'aménagement consistant en un cuvelage semi étanche. Toutefois, leur rehaussement ainsi exigé à un niveau correspondant, non plus au NPHE biennal, mais au NPHE cinquanténal, revenait à augmenter le degré d'étanchéité du cuvelage, entraînant un phénomène de sous-pression supplémentaire sur les radiers, les murs et les voiles en sous-sol. Ces nouveaux effets de tractions sur les éléments structurels ont entraîné, après réalisation de nouvelles notes de calcul et de nouveaux plans de ferraillages, une adaptation des ferraillages et un renforcement des armatures, nécessitant des quantités supplémentaires d'acier et de béton, ainsi que l'a d'ailleurs admis le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux dans son avis du 17 décembre 2010. Le montant des travaux et prestations supplémentaires ainsi réalisés, implicitement acceptés par le maître d'ouvrage, s'est monté selon le devis établi le 6 mai 2009 par la société, dont la teneur n'est pas sérieusement contestée, à 60 314, 71 euros HT. Il y a lieu d'allouer cette somme à la société au titre desdits travaux et prestations.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, sur propositions de la société Spot, la société LCO Ingénierie, membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, a apporté en juillet 2007 des modifications aux plans du bassin de réception de la rivière à bouées. Ces modifications portaient sur l'approfondissement de 10 cm du bassin de réception, l'agrandissement et l'approfondissement de la zone de pompage adjacente au bassin avec inclusion d'un volume tampon, la suppression des goulottes en paroi ainsi que la suppression du bassin tampon initialement prévu dans le local technique triangulaire extérieur. Ces travaux modificatifs doivent être considérés, eu égard aux risques de débordements dont fait état le courriel de la société Spot du 2 juillet 2007, comme indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art. Le devis produit par la société requérante, établi par ses soins le 3 juin 2008, impute en " travaux en moins value " le montant des travaux afférents à la construction initialement prévue puis comptabilise en " travaux en plus-value " le montant des travaux finalement effectués, permet, contrairement à ce qui est soutenu, compte tenu des détails qu'il comporte et qui ne sont pas sérieusement contestés, de déterminer à la somme de 34 723,52 euros hors taxes le montant des travaux supplémentaires que la société a supportés. Il y a lieu de lui allouer cette somme en paiement desdits travaux.

6. Enfin, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société requérante n'établit pas ni même n'allègue avoir utilisé au cours des travaux un volume de remblais supérieur à celui de 7 542,50 mètres cubes qu'elle s'était engagée contractuellement à fournir. Alors même qu'elle aurait utilisé des quantités plus importantes que celles initialement prévisibles, elle n'est pas fondée à demander une rémunération supplémentaire au titre de travaux qui étaient prévus dans la masse initiale de ceux du marché à prix forfaitaire qu'elle a conclu.

En ce qui concerne l'indemnisation des surcoûts subis du fait des retards d'exécution du marché :

7. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique.

8. La société GTM Ouest fait valoir que le retard de définition des ouvrages extérieurs et des plages du centre aquatique, qui l'a contrainte à décaler ses travaux de 24 mois par rapport à la date d'établissement de son offre, lui a occasionné des surcoûts en raison de l'augmentation considérable du prix de revient des éléments concourant à la réalisation de ces travaux. Elle ajoute que la prolongation de la durée totale du chantier, de l'ordre de 50 %, a occasionné des surcoûts liés au maintien sur le chantier du personnel et du matériel, puis des frais de résorption du retard de chantier, ainsi qu'une perte conséquente de couverture de ses frais généraux.

9. Toutefois, en se bornant à soutenir que l'opération de construction du centre aquatique a été divisée en 25 lots, ce qui impliquait une " préparation très poussée ", elle ne démontre pas que les retards en cause seraient imputables à une faute du maître d'ouvrage. Il résulte en outre de l'instruction que la mission " ordonnancement, pilotage et coordination des travaux " avait été confiée à M. B...A.... Les fautes éventuellement commises par ce dernier, dont la réalité n'est au demeurant pas établie, ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité de la communauté de communes de l'île d'Oléron. Il n'est ainsi pas établi que les retards d'exécution du marché seraient imputables à une faute de ladite collectivité. La société appelante, qui n'invoque pas la théorie des sujétions imprévues, n'est dès lors pas fondée à se plaindre du rejet de ses conclusions indemnitaires.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société GTM Ouest est seulement fondée à demander que la somme que la communauté de communes de l'île d'Oléron a été condamnée à lui verser par l'article 1er du jugement attaqué soit portée de 8 808 euros hors taxes à 103 846, 23 euros HT. Eu égard au solde du décompte général notifié à la société, soit 28 973, 16 euros hors taxes (34 651, 79 TTC) en faveur de l'entreprise, le solde du marché s'établit à 132 819, 39 euros hors taxes.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

11. En premier lieu, les intérêts moratoires en cas de retard de l'administration s'appliquent à l'ensemble des créances du titulaire trouvant leur origine dans le contrat ou dans une faute de l'administration dans l'exécution de ses engagements. Ainsi, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, la société requérante a droit aux intérêts contractuels sur la somme de 103 846, 23 euros HT que la communauté de communes est condamnée à lui verser par le présent arrêt en paiement des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 98 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours.". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Le point de départ du délai global de paiement prévu aux articles 54 et 55 de la loi du 15 mai 2001 susvisée et à l'article 98 du code des marchés publics est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet. (...) Toutefois : (...) - pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître de l'ouvrage (...) ". Selon l'article 5 du même décret : " I.-Le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. (...) II.-1° Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. 2° Pour les organismes soumis aux délais de paiement mentionnés aux 1° et 2° de l'article 98 du code des marchés publics, qu'il soit ou non indiqué dans le marché, le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points (...) ".

13. C'est à bon droit qu'en vertu de ces dispositions, le tribunal a estimé que le délai de paiement avait débuté le 26 novembre 2009, date de réception par la communauté de communes du mémoire de la société portant contestation du décompte général, à laquelle ladite collectivité a été informée de l'existence d'une réclamation. Compte tenu du délai de paiement, fixé à 45 jours par les dispositions applicables au présent marché de l'article 98 du code des marchés publics, la société GTM Ouest n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont fixé au 6 janvier 2010 le point de départ des intérêts moratoires.

14. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Poitiers, dont le jugement n'est pas contesté en appel sur ce point, la société GTM Ouest a droit à la capitalisation des intérêts moratoires à la date du 19 avril 2012 et à chaque échéance anniversaire.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la communauté de communes de l'île d'Oléron a été condamnée à verser à la société GTM Ouest par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1100854 est portée au montant de 103 846, 23 euros HT, cette somme portant intérêts moratoires à compter du 6 janvier 2010 et capitalisation des intérêts à compter du 19 avril 2012, sous déduction des paiements éventuellement effectués en cours d'instance.

Article 2 : Le jugement n° 1100854 du 30 mai 2013 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 13BX02115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02115
Date de la décision : 19/01/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : POLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-01-19;13bx02115 ?
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