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31/12/2015 | FRANCE | N°15BX02312

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2015, 15BX02312


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 17 juillet 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1404653 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2015, MmeE..., représentée par Me C..., dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...E...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 17 juillet 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1404653 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2015, MmeE..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 17 juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Philippe Pouzoulet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeE..., ressortissante de nationalité algérienne, entrée en France le 19 mars 2012, a fait l'objet d'un premier refus de délivrance d'un certificat de résidence, sollicité en raison de son état de santé, qui a été annulé par jugement du 12 juillet 2013 du tribunal administratif de Toulouse ordonnant à l'autorité préfectorale de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée. Mme E...relève appel du jugement du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2014, pris à la suite de ce réexamen et, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. Le certificat de résidence délivré au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle ". Si l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance ou le refus de titre de séjour. Les stipulations précitées ayant une portée similaire à celle des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les garanties procédurales prévues par cet article, ainsi que les dispositions de l'article R. 313-22 du même code et celles de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé pris pour leur application, sont également applicables aux ressortissants algériens. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agrée ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 cité ci-dessus, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet, pour considérer que Mme E...ne justifiait pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, s'est notamment fondé sur l'avis émis le 19 février 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées, duquel il ressortait que l'état de santé de Mme E...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, mais qu'il existait, dans le pays dont elle était originaire, un traitement approprié pour cette prise en charge. L'intéressée ne justifie pas du contraire. D'une part, si celle-ci, qui présente un diabète insulino-dépendant, une cardiopathie ischémique et hypertensive, une maladie de Horton, une pathologie thyroïdienne et de troubles cognitifs, soutient que les molécules Warfarine (Coumadine), Zopiclone (Imovane) et les médicaments Dexafree (Dexaméthasone), Zalerg (Kétotifène) ne sont pas disponibles en Algérie, il ressort toutefois des pièces médicales produites par la requérante que ces deux derniers médicaments ne lui étaient plus prescrits à la date de la décision attaquée. De plus, la liste des médicaments remboursables en Algérie, produite par le préfet en première instance, démontre que des médicaments appartenant à la sous-classe thérapeutique des anxiolytiques et hypnotiques (Imovane), à celle des anticoagulants oraux (Coumadine), et au demeurant, à celle des anti-infectieux locaux utilisés en ophtalmologie (Dexaméthsaone) sont disponibles à la vente en Algérie. Par conséquent, un traitement similaire à celui prescrit à la requérante peut lui être effectivement accessible dans son pays d'origine. D'autre part, ni les extraits de presse, ni les affirmations dénuées de toute précision du DrA..., médecin algérien relatant la pénurie de produits pharmaceutiques et de matériel en Algérie, ni les documents médicaux produits par la requérante, et notamment ceux des docteurs Huyghe et Dumitrescu qui n'établissent pas l'absence d'un traitement adapté à Mme E...en Algérie, ne sont suffisamment circonstanciés pour remettre en cause l'avis émis le 19 février 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé sur ce point. Enfin, Mme E...soutient ne pas pouvoir assumer la charge financière de ses soins. Toutefois, la requérante se borne à faire valoir qu'elle n'a pas travaillé dans son pays d'origine et qu'elle ne peut ainsi bénéficier d'aucune couverture sociale, sans apporter, pas plus devant la cour que devant le tribunal, d'élément de nature à étayer une absence d'assurance sociale en cas de retour en Algérie. Par suite, et dans ces conditions, c'est par une juste appréciation des pièces du dossier que le tribunal a estimé que le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser de délivrer à Mme E...un certificat de résidence pour motif de santé, sur le fondement des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme E...soutient qu'elle a des liens familiaux intenses en France en raison de la présence de son conjoint, titulaire d'une carte de résident " retraité ", qui vit la plupart du temps en France, et dont les problèmes de santé rendent nécessaire sa présence auprès de lui. Elle fait encore valoir que l'un de leurs fils marié séjourne régulièrement en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme E...est entrée en France le 19 mars 2012 à l'âge de 64 ans, qu'elle ne parle pas la langue française, qu'elle n'est pas isolée en Algérie où résident ses quatre filles et un autre de ses fils. La requérante qui ne peut prétendre à un certificat de résidence " conjoint de retraité ", ni n'a d'ailleurs sollicité un tel titre, dès lors qu'elle n'a pas résidé régulièrement en France avec son mari et qu'elle ne remplit pas les conditions stipulées par l'article 7 ter de l'accord franco-algérien, ne justifie pas non plus que sa présence en France aux côtés de son mari, pour l'assister dans la vie quotidienne, serait néanmoins indispensable en raison de l'état de santé de ce dernier. Dès lors, la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, et résultant de ce qui précède, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire serait privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l' absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) ".

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, MmeE..., qui ne démontre pas être dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement médical adapté en Algérie, n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision portant obligation de quitter le territoire français des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme E...épouse D...est rejetée.

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N° 15BX02312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX02312
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET ATY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-12-31;15bx02312 ?
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