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16/11/2015 | FRANCE | N°13BX02959,13BX03202

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 16 novembre 2015, 13BX02959,13BX03202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'OPHLM de la Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la SA Covea Risks, son assureur dommages-ouvrage, à lui verser la somme de 571 964, 20 euros assortie des intérêts au taux légal au titre d'un sinistre affectant les bâtiments d'un ensemble de logements qu'il faisait construire sur le territoire de la commune de l'Isle-en-Dodon.

Par un jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la SA Covea Risks à verser à l'OPHLM

de la Haute-Garonne la somme de 294 411,77 euros, augmentée de la taxe sur la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'OPHLM de la Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la SA Covea Risks, son assureur dommages-ouvrage, à lui verser la somme de 571 964, 20 euros assortie des intérêts au taux légal au titre d'un sinistre affectant les bâtiments d'un ensemble de logements qu'il faisait construire sur le territoire de la commune de l'Isle-en-Dodon.

Par un jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la SA Covea Risks à verser à l'OPHLM de la Haute-Garonne la somme de 294 411,77 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2008, a mis à sa charge les frais et honoraires de l'expertise, ainsi qu'une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de l'OPHLM de la Haute-Garonne, ainsi que les conclusions de la SA Covea Risks dirigées contre certains constructeurs.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2013 sous le n° 13BX02959 et par des mémoires, enregistrés le 11 août 2014 et le 6 novembre 2014, présentés par Me B..., la SA Covea Risks, représentée par son président en exercice, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Toulouse, en réduisant les sommes mises à sa charge et en condamnant M.A..., architecte, et le bureau d'études SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE) à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) de mettre à la charge des autres parties les frais d'expertise et la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître de l'ouvrage a pris un risque inconsidéré en confiant la construction à une entreprise peu structurée et c'est à tort que le jugement attaqué se fonde uniquement sur la procédure de passation du marché pour écarter la faute du maître de l'ouvrage qui a contribué au dommage ;

- c'est également à tort que le jugement n'a pas retenu les manquements des maîtres d'oeuvre dans l'exercice de leur mission d'assistance à la passation du marché et de surveillance des travaux ;

- les seules sommes pouvant être mises à sa charge, en qualité d'assureur, sont celles correspondant aux travaux de démolition et d'évacuation, soit 100 000 euros HT.

Par des mémoires, enregistrés le 25 mai 2014, le 6 novembre 2014 et le 8 décembre 2014, présentés par la SCP Raffin et associés, M.A..., conclut à titre principal, au rejet de la requête de la SA Covea Risks, à titre subsidiaire, à ce qu'une part prépondérante des réparations soit laissée à la charge de l'OPHLM de la Haute-Garonne et qu'il soit garanti de celles prononcées à son encontre par la SARL IMBE et à ce que soit mise à la charge de la SA Covea Risks la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est intervenu que pour la maîtrise d'oeuvre du chantier et aucune faute ne saurait donc être retenue à son encontre en ce qui concerne le choix du titulaire du marché ;

- il n'a pas davantage commis de faute dans la surveillance des travaux, a constaté en temps utile les graves manquements de l'entreprise et proposé la résiliation du marché ;

- la responsabilité de l'OPHLM de la Haute-Garonne dans le choix de l'entreprise est incontestable et le montant du préjudice subi par l'OPHLM de la Haute-Garonne, doit être considérablement minoré.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2014, présenté par la SCP Darnet-Gendre-Attal, la SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE), conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit garantie de toute condamnation par M. A...et à ce que soit mise à la charge de la SA Covea Risks la somme de 3 000 euros au titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas concernée par l'appel de l'OPHLM de la Haute-Garonne ;

- l'appel de la SA Covea Risks est irrecevable en l'absence de paiement subrogatoire ;

- la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre est inexistante et, seule celle de M. A...serait susceptible d'être engagée.

II. Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2013 sous le n° 13BX03202 et par des mémoires, enregistrés le 10 novembre 2014 et le 1er octobre 2015, présentés par Me C..., l'OPHLM de la Haute-Garonne, représenté par son président en exercice demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Toulouse, en augmentant le montant des sommes mises à la charge de la SA Covea Risks ;

2°) de mettre à la charge de la SA Covea Risks la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il produit la justification des dépenses engagées pour la procédure d'appel d'offres (5 920,01 euros), des sommes engagées pour les travaux et pour le chantier avant la résiliation du marché (495 289,48 euros), de celles correspondant aux indemnités de résiliation (8 744,70 euros) , pour certains nettoyages du site après résiliation (784 euros) et des frais d'avocat liés à la résiliation (5 900 euros) ;

- c'est donc à tort que le jugement ne lui a pas accordé ces sommes.

Par des mémoires, enregistrés le 11 août 2014 et le 13 novembre 2014, présentés par MeB..., la SA Covea Risks conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans la requête et les mémoires présentés dans le dossier n°13BX02959.

Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2014, présenté par la SCP Darnet-Gendre-Attal, la SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE), conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit garantie de toute condamnation par M. A...et à ce que soit mise à la charge de la SA Covea Risks la somme de 3 000 euros au titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas concernée par l'appel de l'OPHLM de la Haute-Garonne ;

- l'appel de la SA Covea Risks est irrecevable en l'absence de paiement subrogatoire ;

- la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre est inexistante et, seule celle de M. A...serait susceptible d'être engagée.

Par des mémoires, enregistrés le 6 novembre 2014 et le 8 décembre 2014, présentés par la SCP Raffin et associés, M.A..., conclut à titre principal, au rejet de la requête de l'OPHLM de la Haute-Garonne, à titre subsidiaire, à ce qu'une part prépondérante des réparations soit laissée à la charge de l'OPHLM de la Haute-Garonne et qu'il soit garanti de celles prononcées à son encontre par la SARL IMBE et à ce que soit mise à la charge de la SA Covea Risks la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est intervenu que pour la maîtrise d'oeuvre du chantier et aucune faute ne saurait donc être retenue à son encontre en ce qui concerne le choix du titulaire du marché ;

- il n'a pas davantage commis de faute dans la surveillance des travaux, a constaté en temps utile les graves manquements de l'entreprise et proposé la résiliation du marché ;

- la responsabilité de l'OPHLM de la Haute-Garonne dans le choix de l'entreprise est incontestable et le montant du préjudice subi par l'OPHLM de la Haute-Garonne, doit être considérablement minoré.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des assurances

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernard Leplat,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.A..., et de MeD..., représentant la SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE).

Considérant ce qui suit :

1. En 2003, l'OPHLM de la Haute-Garonne a décidé de faire construire un ensemble de trente logements sur le territoire de la commune de l'Isle-en- Dodon. La maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE) ainsi que, par un avenant ultérieur, à M.A.... La société ERP Construction a été chargée des travaux de gros-oeuvre. Elle a commencé les travaux au mois de juillet 2004. Ceux-ci n'ont pas dépassé le stade des fondations et soubassements pour la plupart des sept bâtiments regroupant les logements que devait comporter l'ensemble. L'entreprise a abandonné le chantier à la fin de l'année et un jugement du 22 mars 2005 du tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la mise en liquidation de la société ERP Construction. L'OPHLM de la Haute-Garonne a notifié la résiliation du marché de cette société au liquidateur judiciaire de celle-ci. Il a demandé à son assureur dommages-ouvrage, la SA Covea Risks, de l'indemniser des préjudices résultant des désordres affectant les ouvrages. Cet assureur ayant refusé de l'indemniser, il a demandée au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse une expertise, accordée par ordonnance du 7 février 2006 de ce juge. L'office a, ensuite, demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner son assureur à lui verser une indemnité de 571 964, 20 euros. Par un jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la SA Covea Risks à verser à l'OPHLM de la Haute-Garonne la somme de 294 411,77 euros. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, la SA Covea Risks et l'OPHLM de la Haute-Garonne relèvent appel de ce jugement, la SA Covea Risks, en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme d'un montant excessif et a rejeté son appel en garantie des maîtres d'oeuvre, l'OPHLM de la Haute-Garonne, en tant qu'il lui a accordé une indemnité d'un montant insuffisant.

Sur les conclusions de la SA Covea Risks :

2. Il n'est pas contesté que les fondations des ouvrages réalisés sont affectées de malfaçons flagrantes dues aux défauts d'exécution des travaux réalisés par la société ERP Construction. Notamment, les massifs de fondation et les semelles filantes ne sont pas fondées sur le sol d'assise préconisé par le géotechnicien, les armatures des longrines, les épaisseurs des dallages portés et les armatures ne correspondent pas aux plans. Ces désordres sont au nombre de ceux dont sont responsables les constructeurs en application des principes régissant leur garantie décennale. L'avis de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, qui estime que la reprise de ces désordres n'est pas économiquement possible et que la seule solution consiste à démolir l'ensemble des ouvrages réalisés et à évacuer les gravois en décharge, n'est pas davantage contesté. A la suite de cet avis, l'OPHLM de la Haute-Garonne a renoncé à la réalisation du programme.

3. Pour déterminer le montant de l'indemnisation accordée, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que l'OPHLM de la Haute-Garonne avait droit à être indemnisé du coût des travaux déjà réalisés avant la résiliation du marché et du coût des travaux de démolition des ouvrages. Le montant des travaux réalisés par la société ERP Construction et payés par l'office s'établissait à la somme de 149 911, 77 euros HT, celui de la maîtrise d'oeuvre pour la durée du chantier à 28 000 euros HT, celui des travaux de destruction des ouvrages et d'évacuation des gravois, à 100 000 euros HT et celui de la maîtrise d'oeuvre et du bureau de contrôle pour les opérations de démolition à 16 500 euros. Il a, en revanche, jugé que l'office ne justifiait pas suffisamment des autres dépenses qu'il aurait supportées. Il a donc fixé à la somme de 294 411,77 euros l'indemnité devant être mise à la charge de la SA Covea Risks.

En ce qui concerne l'exception de faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré :

4. L'article L. 113-1 du code des assurances prévoit que les pertes et les dommages occasionnés par une faute ni intentionnelle ou dolosive de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

5. La SA Covea Risks soutient que la faute commise par l'OPHLM de la Haute-Garonne, en attribuant le marché des travaux de gros oeuvre à une entreprise, dont il ne pouvait pas ignorer qu'elle ne disposait pas de l'expérience de tels chantiers et du personnel suffisant, faisait obstacle à ce que sa garantie puisse être recherchée ou, en tout cas, était de nature à limiter l'étendue de son obligation. Toutefois, d'une part, la SA Covea Risks ne se prévaut d'aucune stipulation du contrat d'assurance conclu avec l'OPHLM de la Haute-Garonne qui exclurait ou limiterait sa garantie en cas de faute commise par le maître de l'ouvrage dans le choix des constructeurs. D'autre part, il est vrai que le marché des travaux de gros oeuvre a été confié à la société ERP Construction, selon la procédure de passation des marchés publics, en raison du prix de son offre, nettement inférieur à celui des offres concurrentes, après deux appels d'offres déclarés infructueux du fait des prix jugés trop élevés des offres et que cette entreprise ne justifiait d'aucune réalisation antérieure et ne disposait que de moyens très réduits. Cependant l'OPHLM de la Haute-Garonne ne peut pas être regardé comme ayant pris volontairement un risque excédant manifestement ceux auxquels sont exposés les pouvoirs adjudicateurs dans le choix de leurs cocontractants. Il n'a, ainsi, commis aucune faute intentionnelle ou dolosive dont pourrait se prévaloir son assureur.

En ce qui concerne l'indemnité due à l'OPHLM de la Haute-Garonne :

6. En vertu de l'article L.242-1 du code des assurances, l'assurance dommages-ouvrage garantit en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs en application des principes régissant la garantie décennale. Elle permet au maître de l'ouvrage de recevoir une indemnité destinée au préfinancement des travaux de réparation qu'il doit faire exécuter effectivement. La garantie prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement, qui ne court qu'à compter de la réception des travaux. Toutefois, elle garantit également le paiement des réparations nécessaires lorsque, comme en l'espèce avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le marché conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations. Une telle résiliation n'a d'incidence que sur la date de prise d'effet de la garantie, et non sur sa nature et sur son étendue. Ainsi, la garantie ne porte que sur la réparation de désordres affectant, en cas de résiliation, les ouvrages inachevés, et non sur l'achèvement de travaux d'un marché résilié ou sur l'indemnisation de l'ensemble des préjudices subis par le maître de l'ouvrage du fait de la résiliation du marché, même lorsque, comme en l'espèce, il n'y a pas eu de réception des travaux.

7. Si la SA Covea Risks ne soutient pas qu'en vertu de l'article L. 242-1 du code des assurances et des stipulations du contrat d'assurance souscrit par l'OPHLM de la Haute-Garonne, celui-ci n'avait droit à aucune indemnité, elle fait valoir que cette indemnité ne pouvait correspondre qu'au coût des travaux de démolition des ouvrages et d'enlèvement des décombres.

8. Le coût des travaux réalisés, avant sa défaillance et la résiliation de son marché, par la société ERP Construction, y compris celui de la maîtrise d'oeuvre pour la durée du chantier, ne pourrait relever que de la prise en charge des conséquences dommageables de cette défaillance et de cette résiliation et non de la réparation de désordres dont sont responsables les constructeurs en application des principes régissant la garantie décennale des constructeurs. Leur prise en charge n'est pas, non plus, prévue par les stipulations du contrat d'assurance. Enfin, comme il a été dit précédemment, l'OPHLM de la Haute-Garonne a abandonné la réalisation de l'ensemble de logements. Le coût des travaux exécutés ne peut, pour cette raison, pas être pris en compte puisque l'office ne saurait, ainsi, prétendre à une indemnisation correspondant à la différence entre, d'une part, le coût de construction de l'ouvrage défectueux, les frais de sa démolition et le coût de la reconstruction d'un ouvrage ayant même destination et, d'autre part, le coût, évalué à la date à laquelle l'ouvrage défectueux avait été construit, dudit ouvrage si sa réalisation n'avait été entachée d'aucun vice. La SA Covea Risks est donc fondée à soutenir que c'est à tort que ce coût a été compris dans l'indemnité à laquelle l'a condamnée le jugement attaqué.

9. En revanche, le coût de la maîtrise d'oeuvre et du contrôle des travaux de démolition et d'enlèvement des décombres n'est pas dissociable de celui de ces travaux eux-mêmes. C'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Toulouse a rajouté la somme de 16 500 euros HT, correspondant à ces frais de maîtrise d'oeuvre et de contrôle, à celle de 100 000 euros HT correspondant au coût des travaux eux-mêmes, pour déterminer le montant de l'indemnité mise à la charge de la SA Covea Risks.

10. De son côté, l'OPHLM de la Haute-Garonne soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse, estimant qu'il n'en était pas suffisamment justifié, n'a pas inclus dans cette indemnité les dépenses engagées pour la procédure d'appel d'offres (5 920,01 euros), la totalité des sommes engagées pour les travaux et pour le chantier avant la résiliation du marché, autres que celles payées à la société ERP Construction (495 289,48 euros), ainsi que les sommes correspondant aux indemnités de résiliation versées aux autres constructeurs (8 744,70 euros), à certains nettoyages du site après résiliation (784 euros) et à des frais d'avocat liés à la résiliation (5 900 euros). De tels frais sont, eux aussi, liés aux conséquences dommageables de la défaillance de l'entreprise de gros-oeuvre et de la résiliation de son marché et non à la réparation de désordres. Par suite, l'OPHLM de la Haute-Garonne n'est pas fondé à se plaindre de ce que leur montant n'a pas été pris en compte pour le calcul de l'indemnité lui revenant.

11. Dans ces conditions, le montant de cette indemnité doit être ramené de la somme de 294 411,77 euros HT à celle de 116 500 euros HT, laquelle doit être augmentée de la TVA, ainsi que l'a justement indiqué le tribunal administratif de Toulouse.

Sur l'action subrogatoire de la SA Covea Risks :

12. La SA Covea Risks demande à être garantie par M. A...et par la SARL IMBE, chargés de la maîtrise d'oeuvre de l'opération. Elle doit être regardée comme exerçant, en réalité, l'action subrogatoire qui appartient, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, à l'assureur dommages-ouvrage contre les constructeurs qu'il estime responsables des désordres dont il a été condamné à garantir le maître de l'ouvrage.

13. L'assureur peut toujours, sans avoir à justifier du paiement d'une indemnité et en première instance, appeler en garantie toutes les personnes qu'il estime être responsables des dommages qu'on lui demande d'indemniser. Lorsqu'il a été condamné à verser une indemnité à la victime des dommages, il peut faire appel de sa condamnation et exercer l'action subrogatoire qui lui appartient, en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, sans avoir à justifier du paiement de l'indemnité. La fin de non recevoir opposée aux conclusions de la SA Covea Risks dirigées contre elle par la SARL IMBE doit donc être écartée.

14. Lorsque l'assureur, subrogé en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances dans la créance éteinte par lui du subrogeant victime d'un dommage, entend récupérer le montant de cette créance auprès de la ou des personnes tiers responsables dudit dommage, cette action est fondée sur le droit de la victime à la réparation du préjudice qu'elle a subi. L'action de la SA Covea Risks est donc nécessairement fondée sur les principes régissant la garantie décennale des constructeurs.

15. Les désordres en réparation desquels la SA Covea Risks est condamnée à verser une indemnité résultent, ainsi qu'il ressort notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, d'une mauvaise exécution des travaux par l'entreprise de gros-oeuvre. Toutefois, M. A...et la SARL IMBE étaient chargés d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, comportant notamment l'assistance à la passation des marchés et la surveillance du chantier. Ainsi, leur activité dans l'exercice de cette mission est de nature à donner lieu à la garantie qu'impliquent les principes régissant la garantie décennale des constructeurs. En conséquence, c'est à tort et en méconnaissance de ces principes, que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté, au motif qu'ils n'avaient commis aucune faute, la demande de la SA Covea Risks tendant à la condamnation solidaire de M. A...et de la SARL IMBE à lui verser la somme mise à sa charge.

Sur les appels en garantie de M. A...et de la SARL IMBE :

16. M. A...et la SARL IMBE présentent des conclusions d'appel en garantie réciproque. M. A...a d'abord participé à la maîtrise d'oeuvre de l'opération en qualité de membre de la SARL IMBE et n'a été, ensuite, chargé personnellement que de la surveillance de l'exécution d'une partie des travaux. Il ne résulte pas de l'instruction que la répartition des prestations incombant respectivement à ces membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, reposerait sur des accords dont la validité ou l'interprétation soulèverait une difficulté sérieuse, ce qui justifierait la compétence du juge judiciaire pour connaître de ces conclusions. Dans ces conditions M. A...et la SARL IMBE, à qui il appartiendra d'exercer, devant la juridiction compétente, toute action récursoire à laquelle ils se croiraient fondés contre l'assureur de l'entreprise de gros-oeuvre, doivent être condamnés à se garantir mutuellement, à concurrence de 40 % pour M. A...et de 60 % pour la SARL IMBE, de la condamnation prononcée à l'encontre de la SA Covea Risks, à savoir, de la somme de 116 500 euros HT, augmentée de la TVA, mentionnée au point 10, ainsi que de celle de 5 984, 90 euros correspondant aux frais et honoraires de l'expertise et de celle de 3 600 euros au titre de l'application en première instance de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions en dommages intérêts de la SARL IMBE :

17. La SARL IMBE demande la condamnation de la SA Covea Risks à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de dommages-intérêts. Outre qu'elle ne précise pas à la réparation de quels préjudices serait destinée cette somme, il résulte de ce qui précède que les demandes formées contre elle par cet assureur ne présentent aucun caractère abusif. Par suite, des conclusions de la SARL IMBE tendant à l'allocation d'une indemnité pour procédure abusive, qui sont, en l'espèce, les seules de celles présentées par une personne privée contre une autre personne privée pouvant relever de la compétence de la cour, ne pourraient qu'être rejetées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société SA Covea Risks est fondée à demander la réformation du jugement du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il fixe le montant de l'indemnité qu'elle doit verser à l'OPHLM de la Haute-Garonne et en tant qu'il rejette son action subrogatoire contre M. A...et la SARL IMBE. Il en résulte également que ceux-ci sont fondés à demander la réformation du jugement en tant qu'il a prononcé un non lieu à statuer sur leurs conclusions d'appel en garantie et que la requête de l'OPHLM de la Haute-Garonne et le surplus des conclusions des autres parties doivent être rejetés.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de l'OPHLM de la Haute-Garonne, de M. A... et de la SARL IMBE, tendant à la condamnation, en application de cet article, de la SA Covea Risks, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce et en application de cet article, il y a lieu de mettre à la charge de l'OPHLM de la Haute-Garonne, de M. A...et de la SARL IMBE une somme de 500 euros chacun au titre des frais exposés par la SA Covea Risks et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le montant de l'indemnité que la SA Covea Risks est condamnée à verser à l'OPHLM de la Haute-Garonne est ramené de la somme de 294 411,77 euros HT à celle de 116 500 euros HT, laquelle doit être augmentée de la TVA.

Article 2 : M. A...et la SARL IMBE verseront solidairement à la SA Covea Risks, sur justification du paiement par elle de ces indemnités et sommes, l'indemnité mentionnée à l'article 1er ainsi que les sommes de 5 984, 90 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise et celle de 3 600 euros au titre de l'application en première instance de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. A...et la SARL IMBE supporteront, à concurrence, respectivement de 40% et de 60 % chacun, la charge définitive des condamnations prononcées à l'article 2.

Article 4 : Le jugement n° 0802597 du 1er octobre 2013 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'OPHLM de la Haute-Garonne, M. A...et la SARL IMBE verseront à la SA Covea Risks une somme de 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La requête de l'OPHLM de la Haute-Garonne, ainsi que le surplus des conclusions de la SA Covea Risks, de M. A...et de la SARL IMBE, sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Covea Risks, à l'OPHLM de la Haute-Garonne, à M. A...et à la SARL Institut méditerranéen du bâtiment et de l'environnement (IMBE).

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 novembre 2015.

Le rapporteur,

Bernard Leplat

Le président,

Didier Péano

Le greffier,

Martine Gérards

La République mande et ordonne à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 13BX02959-13BX03202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX02959,13BX03202
Date de la décision : 16/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Assurance et prévoyance - Contrats d'assurance.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET CLAMENS CONSEIL ; CABINET CANTIER et ASSOCIES ; CABINET CLAMENS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-11-16;13bx02959.13bx03202 ?
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