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27/10/2015 | FRANCE | N°15BX00590

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 27 octobre 2015, 15BX00590


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser : 1) une provision d'un montant de 140 euros à parfaire au jour de la décision, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014, et capitalisation des intérêts ; 2) la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1990.

Par une ordonnance n° 1403058 du 2 février 2015, le juge des référés du trib

unal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner l'Etat à lui verser : 1) une provision d'un montant de 140 euros à parfaire au jour de la décision, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014, et capitalisation des intérêts ; 2) la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1990.

Par une ordonnance n° 1403058 du 2 février 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 17 février 2015, 20 avril 2015 et 30 juin 2015, M.A..., représenté par Me Renner, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Poitiers du 2 février 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 140 euros à parfaire au jour de la décision, avec intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014, et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1990.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

2. Aux termes de l'article 19 de l'annexe de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, relatif au règlement intérieur type des établissements pénitentiaires : " (...) IV- La personne détenue peut se procurer par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités que celle-ci détermine une radio et un téléviseur individuels ".

3. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'il existe une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service.

4. Par une note du 17 février 2011, le directeur de l'administration pénitentiaire a indiqué aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires que le garde des sceaux avait décidé l'harmonisation du tarif des prestations de télévision par la mise en place d'un tarif unique de huit euros par cellule et par mois, à compter du 1er janvier 2012 pour l'ensemble des établissements en gestion publique et à partir du 1er janvier 2013 pour l'ensemble des établissements à gestion privée. Si les tarifs de location ont effectivement été harmonisés à huit euros au 1er janvier 2012 dans les établissements à gestion publique, une note du directeur de l'administration pénitentiaire en date du 19 octobre 2012 a indiqué que, pour des motifs budgétaires et financiers, le directeur de cabinet du garde des sceaux avait décidé le report de l'harmonisation des tarifs dans les établissements à gestion privée à l'échéance des contrats en cours.

5. M.A..., incarcéré au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, a adressé le 10 septembre 2014 au directeur de l'établissement une réclamation indemnitaire tendant au remboursement des sommes qu'il estimait avoir illégalement acquittées en exécution du contrat de location d'un téléviseur conclu le 3 juillet 2013 avec la société Eurest, lequel prévoit un tarif de location de 9 euros par quinzaine. Cette réclamation a fait l'objet d'un rejet implicite.

6. Selon l'administration, cette différence de tarifs n'est pas constitutive d'une rupture du principe d'égalité devant le service public dès lors que toutes les personnes détenues au sein d'établissements en gestion déléguée sont soumises au même tarif, de sorte qu'il n'existe pas de différence de traitement au sein du même type d'établissement. En outre, les prestations offertes en matière télévisuelle sont différentes entre les établissements pénitentiaires en gestion déléguée et ceux en gestion publique.

7. Toutefois, d'une part, cette distinction constitue une différence de traitement entre des personnes placées dans une situation identique, le mode de gestion des établissements pénitentiaires étant sans incidence sur le statut des détenus. D'autre part, cette différence de traitement a eu pour effet d'obliger les personnes détenues dans des établissements à gestion privée et souhaitant bénéficier du service de location de téléviseur, alors même qu'elles ne seraient pas tenues de louer un téléviseur, à s'acquitter d'une contribution d'un montant double de celle exigée des détenus se trouvant dans des établissements à gestion publique. Cette différence ne saurait être justifiée par la seule existence de prestations de maintenance plus rapides et n'est pas davantage justifiée par une quelconque raison d'intérêt général.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux s'est fondé, pour refuser de lui accorder une provision, sur l'absence d'atteinte au principe d'égalité.

9. M. A...est en droit de demander une provision égale aux sommes indûment payées par lui, présentant le caractère d'une créance non contestable. L'intéressé établit avoir acquitté, en règlement de la location d'un téléviseur, une somme de 9 euros les 5 juillet, 19 juillet, 9 août et 19 août 2013, soit la somme totale de 36 euros au titre des mois de juillet et août 2013. En l'état de l'instruction, le requérant peut donc se prévaloir d'une créance non sérieusement contestable de 20 euros. Il convient, dès lors, de lui allouer une provision de 20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014, date de réception de sa réclamation indemnitaire, et capitalisation des intérêts à compter du 10 septembre 2015 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date, et de rejeter le surplus de ses conclusions.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Renner, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal Administratif de Poitiers du 2 février 2015 est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer une provision de 20 euros à M.A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 septembre 2014. Les intérêts seront capitalisés à compter du 10 septembre 2015 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'Etat versera à Me Renner, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Renner renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

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N° 15BX00590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00590
Date de la décision : 27/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : AVELIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-27;15bx00590 ?
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