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26/10/2015 | FRANCE | N°14BX01389

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 26 octobre 2015, 14BX01389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 27 mai 2011 de l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Midi-Pyrénées autorisant son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n 1103326 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 27 mai 2011 par laquelle l

'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de Tarn-et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 27 mai 2011 de l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Midi-Pyrénées autorisant son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n 1103326 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 27 mai 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne a autorisé le licenciement pour inaptitude physique de M. A....

Procédure devant la cour :

Par requête et mémoires complémentaires, enregistrés les 7 et 30 mai 2014, 9 et 16 octobre 2014, la société Brico Dépôt, représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 avril 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif ;

4°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., employé par la société Brico Dépôt à Montauban en qualité de vendeur cariste depuis le 6 mai 2005 et membre titulaire du comité d'établissement, a bénéficié d'arrêts de travail du 6 juillet 2009 au 31 décembre 2010. A la suite de la visite médicale de reprise du 5 janvier 2011, le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'établissement de Montauban et a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prévoir un deuxième examen médical, compte tenu du cas de danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité. Le 2 mai 2011, la société Brico Dépôt a demandé l'autorisation de licencier M. A...pour inaptitude physique. Par une décision du 27 mai 2011, l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité territoriale de Tarn-et-Garonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Midi-Pyrénées a autorisé son licenciement. La société Brico Dépôt fait appel du jugement du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse, qui a annulé, à la demande de M.A..., la décision ayant autorisé son licenciement pour inaptitude physique en raison de l'incompétence de son auteur.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le contrat de travail d'un salarié protégé est rompu dès la prise d'acte, par ce dernier, de la rupture de ce contrat, sans que puissent avoir une incidence sur cette rupture les agissements ultérieurs de l'employeur. L'administration est, dans ce cas, tenue de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de ce salarié sollicitée par l'employeur postérieurement à la prise d'acte.

3. Cependant, si le 8 mars 2011, M. A...a saisi le conseil des prud'hommes, une telle saisine aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être assimilée à une prise d'acte de la rupture dudit contrat, dès lors qu'il n'y a pas eu défaut de paiement des salaires. En l'espèce, si, compte tenu de l'avis d'inaptitude émis le 5 janvier 2011, le versement du salaire de M. A...a été, en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, interrompu pendant un mois, soit jusqu'au 5 février 2011, la société Brico Dépôt justifie lui avoir, le 8 mars 2011, versé ses salaires, ce versement étant effectué à terme échu. Par suite, M. A...ne pouvait se prévaloir d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, qui ne pouvait, en tout état de cause, être constituée par la seule saisine du conseil des prud'hommes. Dans ces conditions, la société Brico Dépôt est fondée à soutenir que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail du 27 mai 2011 autorisant le licenciement de M.A..., c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'inspecteur du travail aurait été saisi, postérieurement à la prise d'acte par M. A... de la rupture de son contrat de travail le 8 mars 2011, d'une demande d'autorisation de licenciement de celui-ci par son employeur, et était ainsi incompétent pour statuer sur cette demande.

4. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif.

5. Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. ".

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 2411-8 du même code : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) ". En vertu de son article R. 2421-12 : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

7. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise selon les modalités et conditions définies par l'article L. 1226-2 du code du travail. Il appartient enfin à l'autorité administrative autorisant un tel licenciement d'énoncer les raisons de fait et de droit qui fondent l'autorisation et notamment d'indiquer les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour admettre que les possibilités de reclassement du salarié protégé avaient été suffisamment explorées par l'employeur et pour estimer que le licenciement pour inaptitude physique de ce salarié était justifié.

8. La décision du 27 mai 2011 autorisant le licenciement de M. A...se borne à indiquer " l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'établissement après un examen médical unique, le maintien du salarié à son poste de travail entraînant un danger immédiat pour sa santé et sa sécurité " et " qu'il n'existe aucune possibilité de reclasser M. A...au sein de la société " sans préciser, alors que l'inspectrice du travail était tenue de vérifier la réalité de l'effort de reclassement par l'employeur, quels éléments permettaient de regarder la société Brico Dépôt comme ayant sérieusement étudié la mise en oeuvre des mesures de reclassement prévues par les dispositions précitées de l'article L. 1226-2 du code du travail, et quelles étaient les circonstances s'opposant à toute possibilité de reclassement. Par suite, M. A...est fondé à soutenir que cette décision ne peut être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences prévues par les dispositions précitées du code du travail.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 27 mai 2011 ayant autorisé son licenciement.

Sur les dépens :

10. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions des parties tenant à la condamnation de la partie perdante au paiement des entiers dépens, ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Brico Dépôt demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Brico Dépôt une somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1103326 du 3 avril 2014 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La décision en date du 27 mai 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. A...est annulée.

Article 3 Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La société Brico Dépôt versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 14BX01389


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