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20/10/2015 | FRANCE | N°15BX01530

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 20 octobre 2015, 15BX01530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1405617 du 10 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2015, MmeD..., re

présentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1405617 du 10 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai 2015, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- la décision de refus de certificat de résidence méconnait l'article 6 7) de l'accord franco-algérien ; elle ne peut pas recevoir en Algérie les soins médicaux dont elle a besoin, en raison de l'absence de prise en charge des frais médicaux par une assurance maladie et du coût très élevé des soins et traitements ;

- cette décision méconnait l'article 6 5) de l'accord franco-algérien et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; elle n'a plus aucune attache en Algérie depuis le décès de son mari, de ses parents et de ses frères, alors que ses deux filles et ses deux petits-enfants de nationalité française vivent en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2015, le préfet de la Haute-Garonne réitère ses observations produites en première instance et conclut au rejet de la requête.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Bernard Leplat a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., née le 24 mai 1969, de nationalité algérienne, est entrée en France le 28 novembre 2013, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle a sollicité le 11 décembre 2013, un titre de séjour pour motif de santé en application de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien. Par arrêté du 21 octobre 2014, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 10 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 29 juillet 2015, Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. L'arrêté attaqué vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. Il relève notamment que, selon l'avis rendu le 28 février 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées, si des conséquences d'une exceptionnelle gravité pourraient résulter du défaut de prise en charge médicale qui lui est nécessaire, les soins imposés par l'état de santé de Mme B...peuvent être dispensés en Algérie, qu'elle ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine, ce dont elle ne se prévaut pas par ailleurs, qu'aucun élément du dossier n'est de nature à considérer que la situation de l'intéressée permettrait à l'autorité administrative de répondre favorablement à sa demande à titre exceptionnel et dérogatoire, que l'examen de sa situation personnelle et familiale permet de conclure qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie personnelle et familiale tel que prévu à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment au fait qu'elle est entrée récemment en France, à l'âge de quarante-quatre ans, dans le cadre d'un séjour de courte durée, qu'elle n'a pas fait état auprès de la représentation consulaire française dans son pays d'origine de sa volonté de s'établir durablement en France alors que les documents produits à l'appui de sa demande démontrent sa volonté de s'y installer, que si elle fait état de la présence en France de ses deux filles respectivement âgées de vint-quatre et vingt-et-un ans, l'intéressée ne saurait se prévaloir de ces éléments, d'autant qu'elle n'établit pas être démunie d'attache familiale en Algérie, son pays d'origine, où elle est née, où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où elle pourra recevoir les soins nécessités par son état de santé, que rien ne l'empêche de quitter le territoire national et qu'elle ne peut être admise au séjour en qualité d'étranger malade, que ce soit de droit ou de manière discrétionnaire sur le fondement de l'article 6, 7) de l'accord franco-algérien. Dès lors, l'arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut pas en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par avis du 28 février 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Midi-Pyrénées a considéré que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine pour sa prise en charge médicale. Mme B...soutient qu'elle ne peut effectivement bénéficier de soins appropriés en Algérie, eu égard aux coûts du traitement, en raison de l'absence de ressources et d'une prise en charge des frais médicaux par une assurance maladie. Cependant, d'une part, les certificats médicaux produits, dont l'un est postérieur à la décision attaquée, précisant que Mme B...a été soignée d'un cancer du sein en Algérie en 2011 et souffre d'un état dépressif, ne permettent pas de remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. D'autre part, il existe un système de sécurité sociale en Algérie assurant la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement refuser de délivrer à Mme B...un certificat de résidence pour motif de santé, sur le fondement des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...)". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Mme B...soutient qu'elle n'a plus aucune attache familiale en Algérie depuis le décès de son mari, de ses parents et de ses frères, alors que ses deux filles et ses deux petits-enfants de nationalité française vivent en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est entrée récemment en France le 28 novembre 2013. Elle a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de quarante-quatre ans et n'établit pas y être dépourvue de tout lien. Dans ces conditions, la décision portant refus de certificat de résidence n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué. Par suite, les conclusions de sa requête, y compris celles tendant à ce que des injonctions soient adressées au préfet de la Haute-Garonne et celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B...tendant au bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

M. Bernard Leplat, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 octobre 2015.

Le rapporteur,

Bernard LEPLATLe président,

Didier PEANOLe greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX01530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01530
Date de la décision : 20/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : PERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-20;15bx01530 ?
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