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20/10/2015 | FRANCE | N°15BX01480

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 20 octobre 2015, 15BX01480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1500086 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 20

15, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1500086 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2015, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente d'une nouvelle décision, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

..........................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord instituant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie en date du 12 septembre 1963, approuvé et confirmé par la décision 64/732/CEE du Conseil du 23 décembre 1963 ;

- la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980 du conseil d'association entre la communauté économique européenne et la Turquie ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant MM. C...et D...B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité turque, est entré en France le 16 juillet 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, selon ses dires. Après le rejet de sa demande d'asile par les autorités compétentes, il a sollicité, le 17 avril 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur les fondements des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Par arrêté du 20 octobre 2014, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. M. B...interjette appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. M. D...B..., qui est le père du requérant et réside régulièrement en France, justifie d'un intérêt à intervenir dans la présente instance à l'appui des conclusions de la requête formée par M.B.... Par suite, son intervention volontaire est recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'alors que la date de clôture de l'instruction avait été fixée par ordonnance du président de la formation de jugement au lundi 9 mars 2015 à seize heures, un mémoire en défense a été produit par le préfet de la Gironde le vendredi 6 mars 2015 et a été communiqué à M. B...le même jour, soit seulement deux jours ouvrables avant la clôture d'instruction. La mention, contenue dans le courrier joint à la communication de ce mémoire, invitant son destinataire à produire, s'il l'estimait utile, des observations " aussi rapidement que possible ", n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. Dans ces conditions, le requérant, qui avait pourtant demandé par courrier du 6 mars 2015 un report de la clôture d'instruction, n'a pas disposé, avant la clôture de l'instruction, d'un délai suffisant pour répondre au mémoire en défense de l'administration. M. B... est, par suite, fondé à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et à demander, pour ce motif l'annulation du jugement attaqué.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. L'arrêté contesté a été signé par M. Jean-Michel Bedecarrax, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, suivant délégation accordée par arrêté du préfet de la Gironde du 8 octobre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté manque en fait.

7. Aux termes de l'article L. 313-14 du CESEDA : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) ".

8. Si le préfet de la Gironde a relevé que l'emploi dont se prévalait le requérant n'était pas caractérisé par des difficultés de recrutement, il résulte toutefois des termes mêmes de l'arrêté attaqué que ce motif présente un caractère surabondant. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait ainsi commis une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du CESEDA ne peut qu'être écarté.

9. Contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Gironde n'a pas opposé au requérant l'absence de visa de son contrat de travail. Par suite, et en tout état de cause, celui-ci ne peut utilement faire valoir que l'administration aurait pour ce motif également commis une erreur de droit.

10. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du CESEDA, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

11. Si M. B...soutient que son père est atteint d'un cancer du foie, que ce dernier a besoin de son soutien et qu'il assure en particulier son remplacement au sein de l'entreprise familiale, il ne justifie pas du caractère indispensable de sa présence. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il bénéficie, depuis plus de deux ans, au sein de l'entreprise familiale d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de " poseur revêtement de sol " et qu'il a la qualité d'associé de cette entreprise ainsi que de gérant de fait compte tenu de l'absence de son père malade, ces circonstances ne permettent pas de regarder sa situation comme relevant d'un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du CESEDA. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait ces dispositions.

12. M. B...fait valoir qu'il est intégré professionnellement en France et qu'il y bénéficie de liens étroits compte tenu de la présence de son père et de sa demi-soeur, âgée de quatorze mois à la date de l'arrêté contesté, tous deux de nationalité française. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté, d'une part, que son frère, Cetin, également présent sur le territoire national, fait également l'objet d'un arrêté du même jour portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, d'autre part, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident à tout le moins sa mère, deux soeurs et un autre frère. Il n'est pas établi que l'état de santé de son père nécessiterait sa présence à ses côtés, ni, en tout état de cause, que l'épouse de ce dernier ne serait pas susceptible de lui assurer le soutien nécessaire. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés. Par suite, le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA et n'a pas davantage entaché sa décision refusant un titre de séjour à M. B...ni celle obligeant ce dernier à quitter le territoire d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. Aux termes de l'article 6 de la décision du 19 septembre 1980 du conseil d'association institué par l'accord d'association conclu le 12 septembre 1963, entre la communauté économique européenne et la république de Turquie : " 1. Sous réserve des dispositions de l'article 7 relatif au libre accès à l'emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l'emploi d'un Etat membre : / - a droit, dans cet Etat membre, après un an d'emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s'il dispose d'un emploi (...). ". Si M. B...soutient qu'il peut obtenir la délivrance d'un titre de séjour en application de ces stipulations, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement desdites stipulations. Le préfet n'étant pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement de ces stipulations, le moyen tiré de leur méconnaissance ne peut qu'être écarté.

14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

15. Le préfet de la Gironde, en précisant que M. B..." n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ;(...) " a suffisamment motivé sa décision fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

16. Aux termes de l'article L. 513-2 du CESEDA : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Selon l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.".

17. Si M.B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 décembre 2013, fait valoir qu'il encourrait des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son engagement politique auprès du parti pour la paix et la démocratie, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi contestée ne méconnaît ni les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 513-2 du CESEDA.

18. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé et, en tout état de cause celles de M. D...B..., intervenant, aux fins d'injonction ne peuvent être accueillies et leur demande tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DECIDE

Article 1er : L'intervention volontaire de M. D...B...est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1500086 du 2 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux, le surplus de sa requête d'appel et les conclusions en intervention de M. D...B...sont rejetés.

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N° 15BX01480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX01480
Date de la décision : 20/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LALAUZE
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : COSTE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-20;15bx01480 ?
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