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12/10/2015 | FRANCE | N°14BX01110

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 12 octobre 2015, 14BX01110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision de rejet implicite par laquelle la commune de Cayenne a refusé de l'indemniser du préjudice moral qu'elle a subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son supérieur hiérarchique et de condamner la commune de Cayenne à lui verser une somme de 30 000 euros du fait de ce harcèlement moral et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative.

Par un jugement n° 1300152 du 30 janvier 2014, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision de rejet implicite par laquelle la commune de Cayenne a refusé de l'indemniser du préjudice moral qu'elle a subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime de la part de son supérieur hiérarchique et de condamner la commune de Cayenne à lui verser une somme de 30 000 euros du fait de ce harcèlement moral et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300152 du 30 janvier 2014, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2014, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane ;

2°) d'annuler le rejet implicite opposé par la commune de Cayenne à sa demande du 26 décembre 2012, tendant à être indemnisée en raison du harcèlement moral qu'elle dit avoir subi ;

3°) de condamner la commune de Cayenne à lui verser la somme 30 000 euros, à parfaire, au titre du préjudice qu'elle a ainsi subi, somme à assortir des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cayenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A...a été recrutée le 1er août 1998 par la mairie de Cayenne par des contrats successifs en tant que " manoeuvre ordinaire ", " ouvrier spécialisé ", puis " agent administratif auxiliaire ", jusqu'au 31 juillet 1999. A compter du 1er août 1999, elle a été titularisée en tant qu'agent administratif, avant d'être promue adjoint administratif de 2ème classe à compter du 1er janvier 2007. En tant que titulaire, elle a d'abord été affectée au service de l'état-civil de la mairie, puis à compter du 17 novembre 2008 au service des cantines scolaires et enfin, à compter du 6 février 2011, à l'accueil de la mairie annexe. Par un courrier au maire du 2 juillet 2008, Mme A...a invoqué pour la première fois des faits de harcèlement moral qu'elle aurait subis de la part de son chef de service au bureau de l'état-civil. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guyane du 30 janvier 2014, qui a rejeté sa demande indemnitaire tendant la condamnation de la commune de Cayenne à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du harcèlement moral qu'elle dit avoir subi, en l'absence de toute mesure prise par ladite commune pour le faire cesser.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune :

2. Si la commune de Cayenne fait valoir que la requête serait partiellement irrecevable en ce que les dispositions des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, instituées par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ne s'appliquent pas à des faits antérieurs à cette loi, il est constant que Mme A...n'invoque des faits de harcèlement moral que pour la période à compter de laquelle elle a été titularisée. Par suite, les dispositions du code du travail ne trouvant pas à s'appliquer à un fonctionnaire titulaire, la fin de non-recevoir soulevée par la commune ne peut qu'être écartée comme étant inopérante.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002: " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. Au titre des faits de harcèlement moral dont elle dit avoir été victime de la part de son supérieur hiérarchique lorsqu'elle était affectée à l'accueil du bureau de l'état-civil, du 1er août 1999 au 16 novembre 2008, Mme A...fait valoir qu'elle a fait l'objet de brimades, d' " agissements dégradants " et d'humiliations quotidiennes et répétées tant devant les administrés que le personnel de la mairie, qui l'ont notamment empêchée de suivre une formation et qui l'ont rendu dépressive. Elle invoque également les méthodes de gestion ou d'organisation du service, à savoir notamment l'absence de consignes claires ou des consignes contradictoires, ainsi que la rétention intentionnelle de l'information et le non respect des temps de repos, conditions de travail qui auraient également participé de la dégradation de son état de santé.

6. Pour établir l'existence d'attitudes du chef de service à son égard qui relèveraient de faits de harcèlement moral, dont elle ne s'est d'ailleurs plaint auprès du maire pour la première fois qu'en juillet 2008, Mme A...produit cinq attestations d'anciennes collègues, un courrier syndical au maire ainsi qu'un certain nombre de documents médicaux. Il résulte cependant de l'instruction que le chef de service mis en cause a toujours, avant 1999, émis des avis favorables à la reconduction des contrats de MmeA..., puis à sa titularisation ; que ses notations au titre de 2001 et 2003 la considèrent comme un " bon agent ", sa note chiffrée ayant d'ailleurs progressé significativement entre ces deux dates. Si sa fiche de notation au titre de 2007 montre un abaissement de sa notation, la requérante n'en fournit que la première page, où ne figure aucune appréciation littérale et ne donne aucune explication sur cet abaissement de note. Ainsi, cette seule circonstance ne peut suffire à établir l'existence d'un harcèlement moral, alors au demeurant que Mme A...a été promue agent administratif qualifié au 1er novembre 2005, puis adjoint administratif de 2ème classe au 1er janvier 2007. La requérante n'établit pas qu'une formation lui aurait été refusée pour des raisons autres que les nécessités du service, alors que la commune établit qu'elle a été inscrite à la préparation aux concours de catégorie C à l'université des Antilles-Guyane pour l'année 2002-2003 et en a suivi régulièrement les enseignements. Si elle allègue que les temps de repos n'étaient pas respectés, elle ne l'établit pas. Mme A...n'établit pas quelle serait la teneur et les circonstances des " brimades ", " agissements dégradants " et " humiliations " qu'elle invoque, non plus qu'elle n'établit l'existence de la mauvaise gestion du service qu'elle allègue, laquelle, en tout état de cause, ne serait pas de nature à démontrer l'existence de faits de harcèlement envers sa personne. Si elle fait valoir que, par une note de service du 17 octobre 2008, elle s'est vue retirer le pouvoir de signer les actes d'état-civil qu'elle rédigeait jusque là, elle n'établit pas que cette nouvelle organisation ne répondait pas à une nécessité de service, alors que la note en question mentionne que " cette décision répond aux observations du parquet général de Cayenne et notamment du procureur général à Fort-de-France pour l'apostille de la convention de La Haye " et que la commune fait valoir qu'à ce titre, seuls certains agents titulaires ont été désignés, comme l'article R. 2122-10 du code général des collectivités territoriales y autorise le maire. Dans ces conditions, les attestations qu'elle produit, dont trois d'entre elles ont d'ailleurs été établies près de six ans après le départ de l'intéressée du service de l'état-civil, selon lesquelles le supérieur hiérarchique de la requérante lui aurait tenu, en public, des propos critiques et humiliants sur sa façon de servir, en particulier de recevoir le public et aurait eu à son égard une attitude discriminatoire ne suffisent pas à établir qu'elle ait été victime d'un harcèlement systématique alors par ailleurs que d'autres documents font état d'incidents réitérés qu'elle a pu avoir avec des administrés. A cet égard, par un courrier au maire du 21 août 2000, le supérieur de la requérante a demandé son changement d'affectation, en raison de son comportement agressif et inapproprié envers le public. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les difficultés relationnelles qu'avait Mme A...avec les administrés auraient trouvé leur cause dans le comportement ou les directives de son supérieur hiérarchique. Enfin, les arrêts de travail et certificats médicaux, ainsi que l'attestation d'un psychologue en date du 20 mars 2014, s'ils font état des problèmes psychologiques de Mme A... qui trouveraient en partie leur origine dans les difficultés professionnelles qu'elle aurait rencontrées de 1999 à 2008, ne font que relayer à cet égard les propos et le ressenti de l'intéressée et ne suffisent pas non plus à établir l'existence de faits de harcèlement moral ni l'imputabilité de son état de santé à de tels faits ; qu'il en va de même du courrier du syndicat CDTG/CFDT au maire du 20 juillet 2008, faisant état du harcèlement invoqué par l'intéressée.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...ne peut être regardée, en raison des faits qu'elle invoque, comme ayant été victime, de la part de son autorité hiérarchique, d'agissements répétés pouvant être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cayenne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme de que la commune demande sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Cayenne au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14BX01110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01110
Date de la décision : 12/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale (loi du 26 janvier 1984).


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-10-12;14bx01110 ?
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