Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par quatre requêtes distinctes, l'association Bassin Services Personnes a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de la taxe sur la valeur ajoutée, de l'impôt sur les sociétés, de la taxe d'apprentissage et de la contribution au développement de l'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 2006 à 2008.
Par un jugement n° 1104693-1104712-1104713-1104714 du 7 février 2013, le tribunal administratif a rejeté ces demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2013, l'association Bassin Services Personnes demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susvisé du 7 février 2013 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a tenté de démontrer que le directeur salarié de l'association est dirigeant de fait pour prétendre ensuite qu'en tant que dirigeant de fait sa rémunération ne satisfaisait pas aux critères fixés par les textes or le lien de subordination du directeur salarié aux organes de l'association ne peut être sérieusement contesté et l'administration n'apporte pas la preuve que le directeur aurait agi de manière autonome et indépendante par rapport à la direction de l'association ;
- le directeur salarié de Bassin Services Personnes (BSP) dispose de pouvoirs d'encadrement qui restent soumis aux directives et orientations fixés par le conseil d'administration ;
- le salaire du directeur salarié apparaît conforme aux usages du secteur et justifié par rapport au travail fourni ;
- il est reproché à l'association d'avoir mutualisé des moyens avec la société ARA que dirige le directeur salarié de l'association mais en réalité la convention en cause a pour seul objet la mise à disposition de personnel, notamment administratif, par l'association au profit de la société ARA facturée dans les conditions du droit commun sans réalisation d'une marge ; les deux structures ont également mutualisé des moyens informatiques et ARA occupe, moyennant un loyer, une partie du bâtiment occupé par l'association ; la circonstance que ARA et BSP appartiennent toutes deux au réseau Vitame ne peut être regardé comme un critère de lucrativité pour BSP ; en outre le directeur de BSP n'était pas le représentant du GIE Vitame.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2013, le ministre des finances et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le directeur de l'association BSP agit comme un véritable dirigeant de fait de ladite association et des relations privilégiées existent entre l'association et la société ARA dont il est le dirigeant et l'associé ; l'imbrication des deux structures et la collusion d'intérêt qui en résulte permet de conclure au caractère intéressé de la gestion de l'association ;
- les procès-verbaux du conseil d'administration de l'association BSP établissent que le directeur assume la direction de fait de l'association : la présidente de l'association, qui est l'épouse du directeur, lui a délégué tous ses pouvoirs sans restriction ni obligation de validation des décisions prises et sans limite ni obligation de lui rendre compte ou de lui demander un accord préalable avec au surplus l'autorisation expresse de déléguer à son tour ses propres pouvoirs sous sa seule responsabilité ; le salaire du directeur dépassant largement les trois quart du SMIC ;
- il existe une communauté d'intérêts entre l'association et la société ARA caractérisée par une étroite imbrication qui compte les mêmes intervenants dans la gestion, tant des locaux que des moyens communs, du personnel commun et l'emploi d'une même communication publicitaire ; tous ces faits constituent autant d'éléments qui sont incompatibles avec la notion de gestion désintéressée au sens de la législation ;
- l'association BSP entrait directement en concurrence avec des entreprises du même secteur qui faisaient partie du domaine concurrentiel et du fait que le public conservait toujours le libre choix du prestataire.
Par un mémoire enregistré le 9 juin 2015, l'association Bassin Services Personnes conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient en outre que :
- le tribunal n'a pas repris les moyens tirés de l'analyse des procès-verbaux du conseil d'administration mettant en exergue que les organes statutaires de BSP exerçaient en toute plénitude leur contrôle et leur autorité en violation de l'article R 741-2 du code de justice administrative ;
- en ne mentionnant pas les procès-verbaux produits par la requérante, le jugement est insuffisamment motivé en violation des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- M. D...est un directeur salarié et en aucun cas un dirigeant de fait : sa délégation de pouvoirs a été décidée par le conseil d'administration en conformité avec les statuts et la convention collective, elle est pleinement justifiée, parfaitement limitée et encadrée et le conseil général n'a jamais remis en cause la rémunération ;
- l'activité essentielle de BSP est bien distincte de celle de la société ARA : aucune communauté d'intérêts ne permet de conclure à une prétendue gestion intéressée de BSP ;
- la mise à disposition de moyens matériels est une activité très accessoire de rationalisation des coûts qui ne permet pas une requalification de la gestion désintéressée et la mise à disposition de personnel au profit d'ARA, qui n'est intervenue qu'à compter de 2007, est également une activité accessoire d'harmonisation du temps de travail du personnel au niveau de BSP qui ne permet pas une requalification de la gestion désintéressée et dans ses conditions, BSP et ARA n'ont pas pu entretenir des relations privilégiées au sens de la doctrine administrative ; aucune communauté d'intérêts ne permet donc de conclure à une prétendue gestion intéressée de BSP ;
- l'association BSP, autorisée et habilitée à l'aide sociale, ne concurrence pas le secteur commercial et l'administration ne démontre pas en quoi elle interviendrait dans le même secteur d'activité que les sociétés commerciales ;
- quand bien même BSP interviendrait dans le secteur d'activité d'une entreprise commerciale, elle le ferait dans des conditions différentes ; BSP est un "prolongement" des CCAS et exerce quasiment un service public caractérisant ainsi leur utilité sociale ;
- eu égard à la nature spécifique de la mission assignée quant au public concerné et aux prix pratiqués, au montant significatif du financement provenant uniquement du conseil général et au contrôle étroit exercé par l'autorité publique, il n'est pas possible de considérer que l'activité de BSP serait de nature lucrative conformément aux dispositions de l'instruction administrative BOI n° 4 H-5-06 ;
- Par un mémoire enregistré le 30 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) maintient ses conclusions de rejet par les mêmes moyens.
Par lettre du 1er juillet 2015, les parties ont été informées d'un moyen susceptible d'être relevé d'office.
Par un mémoire enregistré le 9 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) reprend à son compte le moyen d'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 30 juillet 2015, l'association conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Par ordonnance du 1er juillet 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 3 août 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant l'association Bassin Services Personnes.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Bassin Services Personnes (BSP), qui exerce à Andernos une activité d'aide à la personne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008. A l'issue de ce contrôle, elle a été assujettie au titre de cette période à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'impôt sur les sociétés, à la taxe d'apprentissage et à la contribution au développement de la taxe d'apprentissage. Elle fait appel du jugement, en date du 7 février 2013, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans sa requête enregistrée le 11 avril 2013, présentée dans le délai d'appel, l'association Bassin Services Personnes n'a contesté que le bien-fondé des impositions. Ce n'est que dans un mémoire du 9 juin 2015, présenté après l'expiration du délai d'appel, qu'elle a contesté la régularité du jugement. Une telle contestation relève d'une cause juridique distincte de celle invoquée dans la requête. Elle ne peut, dès lors, qu'être rejetée comme irrecevable.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 207 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) / 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ; (...) ". Le 1° du 7 de l'article 261 dispose : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 7. (Organismes d'utilité générale) : 1° a. les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. (...) / b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. /(...). L'article 206 du même code précise : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) ". Selon le 2° de l'article 224 du même code, la taxe d'apprentissage est due " par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de ceux désignés au 5 de l'article précité, quel que soit leur objet ". Enfin, aux termes de l'article 1599 quinquies A dudit code : " I.-Il est institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le produit est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article L 4332-1 du code général des collectivités territoriales. Cette contribution est due par les personnes ou entreprises redevables de la taxe d'apprentissage en application de l'article 224 du code général des impôts ".
4. Il résulte de l'instruction que Mme E...-D... a été élue présidente de l'association Bassin Services Personnes à compter du 1er mai 2005. Le 2 mai 2005, son époux, M. D..., a été recruté en qualité de directeur salarié de l'association. Le 11 mai 2005, le conseil d'administration a donné à sa présidente l'autorisation d'accorder au directeur une délégation de pouvoirs, laquelle, accordée le jour même, incluait tous pouvoirs pour agir au nom de l'association, la représenter auprès des différents partenaires, assurer la gestion financière et humaine, prendre toutes décisions utiles pour appliquer les décisions du conseil d'administration, ladite procuration permettant également au directeur de déléguer ses pouvoirs à son tour à toute personne. La présidente et le directeur de l'association ont par ailleurs créé en 2004 une SARL dénommée Aquitaine Repas Assistance (ARA), dont ils étaient les seuls associés, M. D...étant le gérant.
5. Il résulte également de l'instruction qu'au cours de la période en litige, l'association et la SARL utilisaient les mêmes locaux pour les besoins de leurs activités. Dans ces locaux pouvaient donc être accueillies aussi bien les personnes s'adressant à l'association que celles s'adressant à la SARL. Les deux structures ont signé entre elles le 12 janvier 2007 une convention en vue de mutualiser certains de leurs moyens, notamment en personnel. Si le personnel ainsi mutualisé ne représentait qu'une faible part du personnel de l'association, il n'en était pas de même pour la SARL, laquelle avait moins de dix salariés. L'association et la SARL étaient toutes deux adhérentes du réseau " Vitame ", réseau national de services à la personne, et apparaissaient comme telles dans les opérations de communication effectuées auprès du public. Si l'association, autorisée à compter du 1er janvier 2008 au titre des articles L. 313-1-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, s'est progressivement spécialisée dans l'aide aux personnes dépendantes, il n'en est pas moins vrai, eu égard à ce qui a été dit, que la SARL ARA a bénéficié durant la période en litige, qui correspond aux premières années de son activité, de l'image attachée à l'association, créée en 1999, et des moyens notamment en personnel mis en place par celle-ci, même s'ils étaient facturés " à prix coutant ". Compte tenu de ce que les seuls associés de la SARL ARA étaient alors respectivement, comme il a été dit, la présidente de l'association et le directeur de celle-ci, il existait entre les deux structures une communauté d'intérêts ne permettant pas de regarder la gestion de l'association comme ayant un caractère désintéressé. La doctrine administrative invoquée par celle-ci ne contient aucune précision qui serait contraire à ce qui vient d'être dit. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'administration a estimé que l'association Bassin Services Personnes devait être assujettie, au titre de la période en litige, en application des dispositions citées au point 3, à la taxe sur la valeur ajoutée, à l'impôt sur les sociétés, à la taxe d'apprentissage et à la contribution au développement de l'apprentissage.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Bassin Services Personnes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'association Bassin Services Personnes la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Bassin Services Personnes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Bassin Services Personnes et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président de chambre,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès et Mme C...B..., premiers conseillers,
Lu en audience publique, le 29 septembre 2015.
Le rapporteur,
Frédérique MUNOZ-PAUZIESLe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13BX01020