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08/09/2015 | FRANCE | N°14BX00343

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 08 septembre 2015, 14BX00343


Vu le recours, enregistré le 30 janvier 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002417 en date du 20 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de Mme B...C..., les décisions en date du 19 septembre 2011 et du 2 novembre 2011 du recteur de l'académie de Poitiers et de l'inspecteur d'académie de la Vienne concernant l'attribution d'un auxiliaire de vie scolaire pour son fils A...au titre de l'année scolaire 2011/2012, scolarisé au collège Isaac de l'Etoile ;


2°) de rejeter la demande de Mme C...présentée devant le tribunal admi...

Vu le recours, enregistré le 30 janvier 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002417 en date du 20 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande de Mme B...C..., les décisions en date du 19 septembre 2011 et du 2 novembre 2011 du recteur de l'académie de Poitiers et de l'inspecteur d'académie de la Vienne concernant l'attribution d'un auxiliaire de vie scolaire pour son fils A...au titre de l'année scolaire 2011/2012, scolarisé au collège Isaac de l'Etoile ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- Mme C...a demandé par lettres du 8 septembre 2011 et du 8 octobre 2011 la nomination d'un auxiliaire de vie scolaire sous statut d'assistant d'éducation en refusant que son fils soit accompagné par un AVS sous contrat aidé recruté par le collège Isaac de l'Etoile ; c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a fait droit à l'argumentation de Mme C...qui ne pouvait se prévaloir d'un jugement du tribunal administratif de Pau du 18 novembre 2010 qui ne correspond pas à l'état de la jurisprudence et dont le sens a été infirmé par la position retenue par le Conseil d'Etat dans des contentieux analogues le 23 octobre 2013 ;

- le tribunal a méconnu les dispositions des articles L. 351-3 et L. 916-1 du code de l'éducation ; en vertu de ces textes l'accompagnement des élèves handicapés n'a pas nécessairement à être confié à des assistants d'éducation ; la faculté de recourir à cette catégorie d'agents ne fait pas obstacle à ce que d'autres personnels, notamment des emplois de vie scolaire recrutés dans le cadre d'un contrat unique d'insertion, puissent exercer de telles fonctions ;

- il ressort des travaux parlementaires préparatoires à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que le législateur n'a pas entendu imposer le recours systématique à des assistants d'éducation et interdire le recrutement d'autres catégories d'agents ; la seule obligation juridique qui pèse sur l'administration au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation consiste à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l'éducation ait, pour les enfants handicapés, un caractère effectif et que leur scolarisation soit au moins équivalente à celle dispensée aux autres enfants ; seule l'effectivité de l'aide importe ;

- aucun texte ni aucun principe n'impose que les auxiliaires de vie scolaire soient exclusivement recrutés en qualité d'assistant d'éducation en application de l'article L. 916-1 du code de l'éducation ; l'aide peut prendre des formes différentes notamment par la voie des emplois de vie scolaire (EVS) recrutés dans le cadre de contrat aidé tel que le contrat unique d'insertion (CUI);

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance du 20 octobre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 1er décembre 2014;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le décret n° 2003-484 du 6 juin 2003 fixant les conditions de recrutement et d'emploi des assistants d'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2015 :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'éducation nationale relève appel du jugement n° 1002417 en date du 20 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers faisant droit à la demande de Mme B...C..., a annulé les décisions en date du 19 septembre 2011 et du 2 novembre 2011 par lesquelles le recteur de l'académie de Poitiers et l'inspecteur d'académie de la Vienne auraient refusé la nomination d'un auxiliaire de vie scolaire auprès de son filsA..., scolarisé au collège Isaac de l'Etoile, au titre de l'année scolaire 2011/2012 ;

2. Considérant que, par une décision du 23 juin 2011, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a accordé le bénéfice d'une aide individuelle à la scolarisation, à hauteur de 12 heures hebdomadaires, au jeune A...D...scolarisé au sein du collège Isaac de l'Etoile, à Poitiers, établissement d'enseignement privé sous contrat d'association avec l'Etat ; que par lettre du 8 septembre 2011 adressée à l'inspecteur d'académie de la Vienne, Mme C...a demandé que soient prises " toutes les dispositions nécessaires pour [que son] fils bénéficie dans les plus brefs délais de l'aide à laquelle il a droit " et que la décision de la CDAPH soit exécutée ; que par lettre du 19 septembre 2011, le recteur de l'académie de Poitiers a informé Mme C...de ce qu'il appartenait aux établissements du second degré de l'enseignement privé sous contrat de procéder aux recrutements des auxiliaires de vie scolaire sur leurs fonds propres, l'établissement percevant de l'Etat un forfait d'externat pour couvrir le financement du personnel non enseignant et que l'initiative et la responsabilité du recrutement d'un auxiliaire de vie scolaire incombait donc au collège Isaac de l'Etoile dans lequel est scolarisé son fils, qui avait été informé de la nécessité d'engager cette démarche par le directeur diocésain ; qu'ainsi ce courrier exposait à Mme C...que l'aide accordée par la CDAPH serait dispensée par un agent recruté par le collège Isaac de l'Etoile, par le biais d'un contrat aidé ; que refusant ces modalités d'exécution de la décision de la CDAPH, exigeant qu'un assistant d'éducation recruté par le rectorat soit affecté auprès de son fils, à l'exclusion de tout autre auxiliaire, Mme C...a formé un recours gracieux le 5 octobre et demandé l'octroi " d'une auxiliaire de vie scolaire en contrat d'assistante d'éducation " afin d'assurer l'accompagnement de son fils ; que ce recours gracieux a été rejeté le 2 novembre 2011, par l'inspecteur d'académie de la Vienne indiquant à Mme C...que tous les auxiliaires de vie scolaire sous statut d'assistance d'éducation étant affectés, l'accompagnement de son fils serait assuré par une personne recrutée en contrat aidé par le collège Isaac de l'Etoile ; qu'il résulte de ce qui précède que les décisions du 19 septembre et du 2 novembre 2011 ne refusaient pas l'exécution de la décision de la CDAPH accordant une aide à la scolarisation du jeune A...en le faisant accompagner par un auxiliaire de vie scolaire, mais définissaient les modalités de mise en oeuvre de l'aide accordée et de l'accompagnement du jeune A...par un auxiliaire de vie scolaire en précisant que cette aide serait dispensée par un agent recruté par le collège Isaac de l'Etoile, par le biais d'un contrat aidé ; qu'il n'est pas établi, ni du reste allégué, que l'administration aurait entendu refuser, de quelque manière que ce soit, à l'établissement privé d'enseignement sous contrat avec l'Etat dans lequel est scolarisé le jeuneA..., les crédits nécessaires pour permettre le recrutement d'une auxiliaire de vie scolaire ; que par suite, en annulant les décisions attaquées par Mme C...au motif qu'elles auraient refusé la nomination d'un auxiliaire de vie scolaire auprès du jeuneA..., le tribunal administratif de Poitiers s'est mépris sur la portée des décisions attaquées et l'étendue du litige qui lui était soumis ; que, pour ce motif, son jugement doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers ;

4. Considérant, en premier lieu, que Mme C...soutient, sur le fondement des articles L. 351-3 et L. 916-1 du code de l'éducation, que l'auxiliaire de vie scolaire devant accompagner son enfant ne pouvait être qu'un assistant d'éducation recruté par l'Etat et non par l'établissement lui-même ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-3 du code de l'éducation, relatif à la scolarité des enfants handicapés, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles constate qu'un enfant peut être scolarisé (...) à condition de bénéficier d'une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut être apportée par un assistant d'éducation recruté conformément au sixième alinéa de l'article L. 916-1. / Les assistants d'éducation affectés aux missions d'aide à l'accueil et à l'intégration scolaires des enfants handicapés sont recrutés par l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale. Si l'aide individuelle nécessaire à l'enfant handicapé ne comporte pas de soutien pédagogique, ces assistants peuvent être recrutés sans condition de diplôme. Ils reçoivent une formation adaptée. (...) " ; qu'en vertu du sixième alinéa de l'article L. 916-1 du même code, dans sa version alors en vigueur : " (...) des assistants d'éducation peuvent être recrutés par l'Etat pour exercer des fonctions d'aide à l'accueil et à l'intégration des élèves handicapés dans les conditions prévues à l' article L. 351-3 (...) " ; que selon le premier alinéa de l'article 3 du décret du 6 juin 2003 fixant les conditions de recrutement et d'emploi des assistants d'éducation : " Les candidats aux fonctions d'assistant d'éducation doivent être titulaires du baccalauréat, ou d'un titre ou diplôme de niveau IV au sens de l'article L. 335-6 du code de l'éducation susvisé, ou d'un titre ou diplôme de niveau égal ou supérieur. Les candidats recrutés en application du sixième alinéa de l'article L. 916-1 du code de l'éducation qui justifient d'une expérience de trois ans de service dans le domaine de l'aide à l'intégration scolaire des élèves handicapés (...) sont dispensés de cette condition. " ;

6. Considérant que, s'il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'aide individuelle accordée aux élèves handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées peut être confiée aux assistants d'éducation, sans qu'aucune condition de diplôme puisse leur être opposée lorsque leur mission n'inclut pas un soutien pédagogique ou lorsqu'ils justifient d'au moins trois années d'expérience dans ce domaine, elles ne font pas obstacle à ce que cette aide soit également assurée, dans tous les cas, par d'autres catégories de personnels recrutés à cet effet par l'Etat ; que ces personnels doivent justifier de conditions de formation ou d'expérience adaptées à l'exercice des tâches qui leur sont confiées, en particulier lorsqu'elles comportent un soutien pédagogique à l'élève concerné ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que lorsqu'un soutien scolaire est requis, il ne peut être assuré que par un assistant d'éducation recruté dans les conditions prévues pour cette catégorie de personnels ;

7. Considérant en deuxième lieu, que Mme C...fait valoir qu'en vertu du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, des stipulations de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles L. 112-2, L. 111-1 et L. 111-2 du code de l'éducation, les enfants handicapés ont un droit égal à bénéficier d'un enseignement scolaire adapté à leurs compétences et à leurs besoins, ce qui implique pour l'Etat l'obligation de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit ait un caractère effectif ;

8. Considérant que selon l'article 2 du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tel qu'amendé par le protocole n° 11 : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. " ; qu'aux termes de l'article 13 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " La nation reconnaît l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. " ; que l'article L. 111-1 du code de l'éducation précise que : " Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté. / (...) La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation (...). / Elle a pour but (...) de permettre de façon générale aux élèves en difficulté, quelle qu'en soit l'origine, en particulier de santé, de bénéficier d'actions de soutien individualisé. " ; que l'article L. 112-2 du même code dispose : " qu'il est proposé à chaque enfant(...) handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires, en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. " ;

9. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les enfants handicapés ont un égal droit à bénéficier d'un enseignement scolaire adapté à leurs compétences et à leurs besoins destiné à leur permettre, si possible en milieu ordinaire, d'élever leur niveau de formation initiale, le cas échéant grâce à des actions de soutien individualisé ; qu'il incombe à l'Etat, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la décision du 23 juin 2011 par laquelle la CDAPH a accordé le bénéfice d'un accompagnement scolaire, à hauteur de 12 heures hebdomadaires, au jeuneA..., l'inspecteur d'académie de la Vienne a informé Mme C...que son fils serait accompagné par un agent recruté directement par l'établissement ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que cet agent ne justifierait pas des conditions de formation ou d'expérience adaptées à l'exercice des tâches qui lui sont confiées, en particulier lorsqu'elles comportent un soutien pédagogique à l'élève concerné ; qu'ainsi Mme C...n'est pas fondée à soutenir, qu'en ne recrutant pas directement l'assistant de vie scolaire de son enfant, l'Etat n'aurait pas pris l'ensemble des mesures et mis en oeuvre les moyens nécessaires afin de donner un caractère effectif au droit du jeune A...de recevoir une scolarisation et une éducation adaptées à sa situation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de cet enfant à l'éducation, énoncé par les stipulations et dispositions précitées, doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions en date du 19 septembre 2011 et du 2 novembre 2011 du recteur de l'académie de Poitiers et de l'inspecteur d'académie de la Vienne ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du 20 novembre 2013 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et à Mme B...C....

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Didier Péano, président,

M. Jean-Pierre Valeins, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 8 septembre 2015.

Le rapporteur,

Florence MADELAIGUELe président,

Didier PEANO

Le greffier,

Martine GERARDS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 14BX00343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00343
Date de la décision : 08/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-04 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale aux personnes handicapées.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. KATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-09-08;14bx00343 ?
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