Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... ;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201558 du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 993 102 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par le service public de la justice ;
2°) d'annuler la décision du 5 mars 2012 rejetant sa réclamation et de condamner l'Etat à lui payer, d'une part, l'indemnité sollicitée, d'autre part, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- les observations de Me Tosi, avocat de Mme B...;
Vu la note en délibéré présentée le 24 juin 2015 pour MmeB... ;
1. Considérant que MmeB..., médecin généraliste acupuncteur, a fait l'objet d'une plainte formée par une de ses patientes devant la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre des médecins d'Aquitaine ; que, par une décision du 14 avril 2009, la chambre disciplinaire a rejeté la plainte ; que, par une décision du 22 avril 2010, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a annulé la décision de première instance et radié Mme B...du tableau à compter du 1er juillet 2010 ; que, par une décision du 30 mai 2011, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de MmeB... ; que celle-ci fait appel du jugement du 10 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 993 102 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par le service public de la justice ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif s'est prononcé, au point 3 de son jugement, sur les moyens tirés de ce que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins aurait commis des fautes en se fondant sur un grief qui ne figurait pas dans la plainte et en motivant insuffisamment sa décision ; qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis d'analyser des moyens invoqués dans le mémoire en réplique présenté par Mme B...manque en fait ; qu'enfin, le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation dans la réponse, figurant au point 7, au moyen tiré de l'irrégularité de la tenue de l'audience devant la chambre disciplinaire nationale ;
Au fond :
3. Considérant que si, en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité, l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité, dans le cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive ; que la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
4. Considérant qu'à la suite du rejet, le 30 mai 2011, du pourvoi en cassation formé par MmeB..., la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins du 22 avril 2010 est devenue irrévocable ; que, par suite, MmeB..., qui n'invoque aucune violation du droit communautaire, ne peut utilement se prévaloir de fautes, pour regrettables qu'elles puissent être, se rattachant au contenu de cette décision ; que sont, dès lors, inopérants les moyens tirés de ce que les faits retenus par la chambre disciplinaire nationale, notamment la prescription par Mme B...du " Carzodélan dont la vente est interdite en France ", ne seraient pas matériellement établis, de ce que cette juridiction aurait à tort estimé que la chambre disciplinaire de première instance avait omis de statuer sur un des griefs formulés par la plaignante, et de ce que la radiation prononcée relève d'un véritable déni de justice ;
5. Considérant que la plainte initialement introduite par Mme D...contre MmeB... comportait en particulier des griefs tirés de ce que ce médecin lui aurait prodigué des remèdes ou traitements inappropriés au regard de son état de santé, l'aurait induite en erreur quant à la gravité de sa maladie et l'aurait, de ce fait, détournée de soins appropriés ; que la prescription du médicament " Carzodélan ", qui venait à l'appui du grief fondé sur des soins et traitements inappropriés, a été invoquée par la plaignante dans sa requête devant la chambre disciplinaire nationale ; que MmeB... a ainsi été mise en mesure de s'expliquer utilement, dans le cadre de la procédure écrite, sur les griefs retenus par cette juridiction ; que, par son courrier du 15 février 2010 demandant notamment " l'annulation de l'audience du jeudi 11 mars 2010 " et le renvoi du dossier " jusqu'à la fin des procédures à venir ", Mme D...n'entendait pas, contrairement à ce que soutient la requérante, se désister de sa plainte ni même abandonner une partie des griefs initialement invoqués, mais seulement solliciter le renvoi de l'audience à une date ultérieure compte tenu des nouvelles procédures engagées par elle ; que, dès lors, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, qui n'a pas statué ultra petita, n'a pas méconnu les principes du respect des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure, non plus que le principe du double degré de juridiction, ni violé les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'alors même qu'aucune des dispositions du code de la santé publique régissant la procédure disciplinaire ne prévoit expressément la possibilité de présenter une note en délibéré, il appartenait à MmeB..., de présenter à la suite de l'audience devant la chambre disciplinaire nationale, si elle l'estimait utile, des observations écrites dont cette chambre, comme toute juridiction administrative, même en l'absence de texte, devait prendre connaissance ; que la requérante n'établit ni même n'allègue avoir été privée de la possibilité de déposer une telle note auprès de cette juridiction ; que, par suite, le moyen tiré de l'impossibilité de présenter une note en délibéré doit, en tout état de cause, être écarté ;
7. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que, eu égard aux éléments dont il disposait dans le cadre notamment de la procédure écrite, le rapporteur aurait commis une irrégularité en ne mettant pas en oeuvre les pouvoirs d'instruction qu'il tient notamment de l'article R. 4126-18 du code de la santé publique ;
8. Considérant que si, en application des dispositions des articles R. 4126-17 et R. 4126-18 du code de la santé publique , un des membres composant la chambre disciplinaire est désigné comme rapporteur et peut procéder, dans le cadre et pour les besoins du débat contradictoire entre les parties, à des mesures d'instruction qui ont pour objet de vérifier la pertinence des griefs et observations des parties et dont les résultats sont versés au dossier pour donner lieu à communication contradictoire, de telles attributions ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer et ne confèrent pas au rapporteur le pouvoir de décider par lui-même de modifier le champ de la saisine de la juridiction ; qu'ainsi et alors même qu'il incombe par ailleurs au rapporteur de remettre un exposé des faits consistant en une présentation de l'affaire, l'ensemble de ces dispositions n'a pas pour effet de lui conférer des fonctions qui, au regard du principe d'impartialité comme des autres stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, feraient obstacle à sa participation au délibéré de la chambre disciplinaire ; qu'ainsi le moyen tiré de leur méconnaissance n'est pas fondé ;
9. Considérant que la circonstance que le rapporteur de la chambre disciplinaire nationale ait eu à connaître de la plainte déposée par la même patiente contre son psychiatre, celle encore qu'il avait fait l'objet de la part de la patiente d'une demande de récusation à laquelle il s'est opposé, ne suffisent pas à remettre en cause son impartialité ou celle de la formation de jugement ; que la façon dont l'audience s'est déroulée et la motivation de la décision ne permettent pas davantage de remettre en cause cette impartialité ;
10. Considérant que ni l'article R. 4126-6 du code de la santé publique en vertu duquel " le personnel de greffe assure le greffe des audiences ", ni aucun autre texte ou principe général n'impose la tenue de " notes d'audience " par le greffe de la chambre disciplinaire ; que le défaut de tenue de tels documents ne peut, dès lors, être regardé comme constitutif d'une faute ;
11 Considérant que, pour prononcer la sanction litigieuse, la chambre disciplinaire nationale, après avoir écarté deux griefs invoqués par la plaignante, a énuméré de façon précise l'ensemble des griefs retenus à l'encontre de MmeB..., a qualifié ceux-ci de manquements aux obligations professionnelles, et a enfin précisé, pour justifier le choix de la sanction retenue, que l'intéressée représentait " un réel danger pour les patients qui font appel à elle " ; que, ce faisant, la chambre disciplinaire nationale n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation constitutive d'une faute ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
''
''
''
''
2
N°13BX03283