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13/07/2015 | FRANCE | N°15BX00747

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 juillet 2015, 15BX00747


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 10 avril 2015, présentés pour M. A... B..., demeurant..., par Me Ndigo Nzié ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405146 du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2014 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annu

ler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mars et 10 avril 2015, présentés pour M. A... B..., demeurant..., par Me Ndigo Nzié ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405146 du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2014 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

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Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Yaoundé le 24 janvier 1994 et l'accord franco-camerounais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire, signé à Yaoundé le 21 mai 2009 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;

- les observations de Me Ndigo Nzié, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais, fait appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2014 du préfet de la Gironde lui refusant le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité d'étranger malade, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, que, contrairement à ce que soutient M.B..., les premiers juges, qui ont relevé que le préfet ne s'est pas estimé tenu de prendre sa décision, ont répondu au moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les pouvoirs qu'il tient de l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, dans ses écritures du 28 janvier 2015, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement, après avoir indiqué que le préfet s'était fondé sur la circonstance que, dépourvu de ressources et bénéficiaire de l'aide médicale, il constituait une charge pour le système de sécurité sociale français, le requérant a fait valoir que ce motif n'était pas au nombre de ceux prévus au I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement ; qu'il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, de statuer par voie d'évocation sur les conclusions de la demande de première instance dirigées contre l'obligation de quitter le territoire et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la requête ;

Sur la légalité du refus de séjour :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ; que l'article R.313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé (...) émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ; que selon l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. (...) " ;

4. Considérant que pour rejeter la demande d'admission au séjour de M.B..., le préfet s'est fondé sur l'avis émis le 4 juillet 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, indiquant, d'une part, que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé n'était pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, qu'un traitement approprié était disponible au Cameroun ; qu'aucun texte ne lui imposait de communiquer cet avis à l'intéressé préalablement à sa décision ; que si le requérant est atteint d'une coxarthrose hyperalgique invalidante, ni le certificat médical du 5 février 2014 transmis au médecin de l'agence régionale de santé, mentionnant des "coxalgies chroniques bilatérales à prédominante droite en raison d'un trouble de la tubulation avec une ostéolyse majeure, des signes de coxarthrose droite avec pincement de l'interligne articulaire, une impotence fonctionnelle persistante ressentie dans les gestes de la vie quotidienne avec tendance à compenser du côté gauche", ni celui émis le 29 décembre 2014, d'ailleurs postérieur à l'arrêté contesté, ne suffisent à établir que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation émise sur ce point par le médecin de l'agence régionale de santé ; que dans ces conditions, M. B...ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer l'indisponibilité d'un traitement approprié au Cameroun ; que, par suite, le préfet, dont il n'est pas établi qu'il se serait cru lié par l'avis susmentionné ou qu'il n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressé, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le titre de séjour sollicité sur ce fondement ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de séjour doit être écarté ; que le préfet a pu assortir ce refus d'une mesure d'éloignement sur le fondement du 3° du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si dans ses écritures de première instance, il faisait valoir, notamment, que M. B...représentait une charge pour le système de sécurité sociale français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait fondé sur ce motif ou sur d'autres motifs étrangers à ceux prévus par la loi ; que la mesure d'éloignement n'est pas dépourvue de base légale ; qu'à le supposer allégué, le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

6. Considérant que les stipulations du § 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'appliquent pas dans les relations entre autorités nationales et particuliers ; qu'en ce qui concerne l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, si le requérant invoque la méconnaissance des principes généraux du droit de l'Union, cet acte préparatoire n'est pas au nombre des mesures individuelles défavorables entrant dans le champ d'application des garanties relevant des droits de la défense, notamment le droit d'être entendu ; qu'en ce qui concerne la mesure d'éloignement, dans le cas où une telle mesure est prise concomitamment et en conséquence du refus de séjour, le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration soit tenue de mettre l'étranger à même de présenter ses observations de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne le refus de séjour ; que M. B...ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il lui appartenait, lors du dépôt de cette demande, qui devait en principe faire l'objet d'une présentation personnelle en préfecture, d'apporter toutes les précisions qu'il jugeait utiles ; qu'il lui était loisible, au cours de l'instruction de cette demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que, par suite, la circonstance que le préfet ne l'aurait pas, préalablement à l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire, et de sa propre initiative, expressément informé qu'en cas de rejet de sa demande, il serait susceptible de faire l'objet de cette mesure en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ne saurait caractériser une atteinte à son droit à être entendu ; qu'à l'appui du même moyen, le requérant soutient qu'alors qu'à l'issue de la consultation, le rédacteur de l'avis médical du 4 juillet 2014 lui avait fait part de son avis favorable, la mesure d'éloignement lui a été notifiée le 16 novembre 2014, seulement une dizaine de jours après la délivrance de son récépissé valable du 5 novembre 2014 au 4 mars 2015, ce qui révèlerait que l'administration a "changé de décision" et annulé "les dispositions du récépissé" ; que l'abrogation du récépissé de demande de carte de séjour découle nécessairement du refus de séjour et n'a pas à faire l'objet d'une procédure spécifique ;

7. Considérant que, pour les motifs exposés au point 4, compte tenu, au surplus, des possibilités, non sérieusement contestées, de traitement approprié au Cameroun, le préfet ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.B... ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux, tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prononcée le 13 novembre 2014 et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, le surplus de ses conclusions d'appel doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 février 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement prononcée le 13 novembre 2014 par le préfet de la Gironde à l'encontre de M.B....

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Bordeaux, tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

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No 15BX00747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 15BX00747
Date de la décision : 13/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : NDIGO NZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-07-13;15bx00747 ?
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