Vu I, la requête enregistrée le 3 décembre 2013, sous le n° 13BX03238, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par MeC... ;
M. D...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201356-1201698 du 3 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier Henri Laborit soit condamné à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait du décès de son épouse le 19 avril 2009 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Henri Laborit à lui verser la somme de 108 506,40 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Laborit la somme de 2 000 euros en remboursement des frais exposés en première instance ainsi que 2 000 euros pour les frais exposés en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu II, la requête enregistrée le 3 décembre 2013, sous le n°13BX03272, présentée pour Mme E...D..., épouseA..., demeurant..., par MeC... ;
Mme A...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201356-1201698 du 3 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier Henri Laborit soit condamné à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du décès de sa mère le 19 avril 2009 ;
2°) de condamner le centre hospitalier Henri Laborit à lui verser la somme de 20 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ces intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Henri Laborit la somme de 2 000 euros en remboursement des frais exposés en première instance ainsi que 2 000 euros pour les frais exposés en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2015 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme F...D...a été hospitalisée en service libre le 4 avril 2009 au sein du centre hospitalier spécialisé Henri Laborit, après avoir fait une tentative d'autolyse médicamenteuse ; que le 19 avril 2009, alors qu'elle devait retourner à l'hôpital après une sortie d'essai pour le week-end des 18 et 19 avril, elle a mis fin à ses jours en se défenestrant à son domicile ; qu'après avoir formé des demandes d'indemnisation auprès du centre hospitalier spécialisé Henri Laborit qui ont été rejetées, M.D..., son époux, et MmeA..., sa fille, ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de demandes tendant à la condamnation du centre hospitalier Henri Laborit à réparer les préjudices qu'ils ont subis en raison du suicide de Mme F...D... ; qu'ils relèvent appel du jugement du 3 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté leurs demandes après les avoir jointes ;
2. Considérant que les deux requêtes présentées par M. D...et par Mme A...sont relatives au même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur la contestation de l'expertise :
3. Considérant que M. D...et Mme A...soutiennent que l'expertise diligentée par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ne s'est fondée que sur le dossier médical fourni par le centre hospitalier ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le récit complet de l'entretien de l'expert avec M. D...figure dans le rapport ; que l'expert a collecté l'ensemble des données médicales soumises à son examen qui relatent les comptes rendus des psychiatres que Mme D...a consultés depuis sa première hospitalisation en 1992 jusqu'à son dernier séjour hospitalier en 2009 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'expert, qui a analysé l'ensemble de ces pièces, ait entaché son rapport de contradictions ou d'inexactitudes au motif qu'il ne connaissait pas la patiente ; que, par suite, les conclusions de l'expert commis par le tribunal administratif ne sont pas utilement remises en cause par les requérants au seul motif qu'il n'a pu travailler que sur la base du dossier médical communiqué par le centre hospitalier ; qu'en tout état de cause, la circonstance que l'expert désigné par le juge des référés ne se serait fondé que sur le dossier médical fourni par le centre hospitalier ne faisait pas obstacle, par principe, à ce que le rapport établi, qui a été communiqué aux parties et a pu être discuté par ceux-ci dans le cadre de la procédure juridictionnelle, soit retenu par le tribunal à titre d'élément d'information ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier spécialisé Henri Laborit :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.-Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...)" ;
5. Considérant que MmeD..., âgée de 59 ans au moment des faits, a été admise du 4 au 18 avril 2009 au centre hospitalier spécialisé Henri Laborit, à la suite d'une tentative de suicide par absorption médicamenteuse, sous le régime de l'hospitalisation libre ; qu'une permission de sortie d'essai lui a été accordée du 11 au 12 avril 2009 ; qu'elle a bénéficié de la même permission de sortie à la fin de la semaine suivante du samedi matin au dimanche soir ; que M. D...et Mme A...soutiennent qu'eu égard aux antécédents dépressifs et suicidaires de Mme D... et du fait que la précédente permission de sortie se serait mal passée, des mesures particulières de surveillance auraient dû être mises en place ; que les requérants relèvent également une erreur de diagnostic de la part du médecin qui a autorisé la sortie d'essai à la fin de la semaine du 19 avril, dès lors qu'il aurait sous-évalué le risque de suicide alors que le geste était prévisible compte tenu d'antécédents évocateurs et que ce médecin n'a pas pris en compte leur opposition à une permission de sortie ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme D... ne présentait pas lors de son entrée à l'hôpital un syndrome dépressif franc ; que selon l'expert, si Mme D...était " devenue de plus en plus dépendante ", " rien n'oriente vers une décompression dépressive majeure au sens d'un retournement contre soi de l'agressivité ou d'une conviction suicidaire " ; que l'expert considère également que " les prises de médicaments qui ont conduit Mme D...a être hospitalisée à plusieurs reprises ne correspondent pas à des souhaits répétés d'autolyse mais donnent l'impression dominante d'une valeur symbolique et d'être un des moyens maladroits et largement inconscients d'avoir une certaine prise sur l'environnement " ; que si l'expert constate aux vus des diagnostics qui s'étalent sur plusieurs années une " aggravation progressive de la pathologie de Mme D...dans la dépendance, l'évitement et le repli sur soi " il ajoute que " la tentative de suicide qui succède à une longue série est dramatiquement différente dans son mode opératoire et, dans sa nature complètement imprévisible " ; qu'il conclut que : " les soins semblent bien en rapport, qu'il s'agisse en termes d'hospitalisation ou de thérapeutique, aux symptômes présentées par cette patiente qui réagit très rapidement à l'hospitalisation et au traitement et réclame sa sortie " ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, qui ne se sont d'ailleurs pas opposés à la sortie de Mme D...même s'ils s'y sont montrés réticents, et alors qu'il n'a pas été envisagé l'hospitalisation sous contrainte de celle-ci, le centre hospitalier n'a commis aucune faute tant dans le fonctionnement et l'organisation du service quant à la surveillance dont devait bénéficier Mme D...pendant ses soins et l'appréciation des risques qu'une sortie présentait pour elle, que dans le diagnostic de l'état de santé de la patiente, le traitement de sa pathologie et sa prise en charge, en lui accordant une permission de sortie ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE
Article 1er : Les requêtes de M. B...D...et de Mme E...A...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D..., à Mme E...A..., au centre hospitalier Henri Laborit et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.
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No 13BX03238,13BX03272