Vu la requête enregistrée par télécopie le 7 mai 2013 et régularisée par courrier le 13 mai suivant, présentée pour la SCP BES Ravise mandataire liquidateur de la société LGM Bureautique, par la Selarl Agoralex ;
La SCP BES Ravise demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200230 du 14 mars 2013 du tribunal administratif de Fort-de-France qui a rejeté sa demande en tierce opposition tendant à l'annulation du jugement du 30 septembre 2011 de ce tribunal qui a, à la demande de M.A..., annulé la décision du 3 août 2009 par laquelle le ministre du travail, des relation sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville avait annulé la décision de l'inspecteur du travail du 26 décembre 2008 refusant d'autoriser le licenciement de M. A...;
2°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France ;
3°) de rejeter la demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
4°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2015 :
- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;
1. Considérant que, par décision du 26 décembre 2008, l'inspecteur du travail du secteur Nord-Caraïbes a refusé de faire droit à la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SAS LGM Bureautique à l'encontre de M.A..., lequel se prévalait de sa qualité de délégué syndical ; que, par une décision du 3 août 2009, statuant sur le recours hiérarchique de la SAS LGM Bureautique, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail au motif que M. A...ne bénéficiait d'aucune protection ; que, par un jugement du 30 septembre 2011, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé la décision du ministre ; que la SCP BES Ravise mandataire liquidateur de la société LGM Bureautique a formé tierce opposition à ce jugement ; qu'elle relève appel du jugement du 14 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté cette demande ;
Sur le bien-fondé de la tierce opposition :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués syndicaux et des membres du comité d'entreprise, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;
3. Considérant que, pour annuler la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement de M. A..., le ministre du travail s'est fondé sur la circonstance que l'inspecteur du travail aurait dû se déclarer incompétent dès lors que M. A...ne justifiait pas, selon les formes prévues par les articles L. 2143-3, L. 2143-7 et D. 2143-4 du code du travail, de la qualité de délégué syndical dont il se prévalait ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2143-3 du code du travail : " Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement de cinquante salariés ou plus, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 243-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur. (...) " ; qu'aux termes de L. 2143-7 du même code : " Les noms du ou des délégués syndicaux sont portés à la connaissance de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. Ils sont affichés sur des panneaux réservés aux communications syndicales. / La copie de la communication adressée à l'employeur est adressée simultanément à l'inspecteur du travail. / La même procédure est appliquée en cas de remplacement ou de cessation de fonctions du délégué. " ; qu'aux termes de l'article L. 2143-8 du même code : " Les contestations relatives aux conditions de désignation des délégués syndicaux légaux ou conventionnels sont de la seule compétence du juge judiciaire. Le recours n'est recevable que s'il est introduit dans les quinze jours suivant l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa de l'article L. 2143-7. / Passé ce délai, la désignation est purgée de tout vice sans que l'employeur puisse soulever ultérieurement une irrégularité pour priver le délégué désigné du bénéfice des dispositions du présent chapitre. (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 2143-4 du même code : " Les nom et prénoms du ou des délégués syndicaux, du délégué syndical central et du représentant syndical au comité d'entreprise sont portés à la connaissance de l'employeur soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise contre récépissé. " ;
5. Considérant que si les dispositions des articles L. 2143-7 et D. 2143-4 du code du travail précisent les conditions dans lesquelles la désignation des délégués syndicaux est portée à la connaissance du chef d'entreprise, ces formalités ne sont prévues que pour faciliter la preuve de cette désignation ;
6. Considérant que si la SCP BES Ravise soutient que M. A...n'a produit aucune correspondance du syndicat CGTM le désignant en qualité de délégué syndical, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a participé, en cette qualité, à plusieurs négociations au sein de la société LGM Bureautique, qui ont donné lieu à des accords revêtus de sa signature aux côtés de celle de l'employeur ; qu'en outre, par lettre du 22 mars 2008, M. A... a saisi, en cette même qualité, le représentant légal de l'entreprise d'une demande relative au renouvellement des instances représentatives du personnel, demande que l'entreprise a réceptionnée sans émettre de réserves ;
7. Considérant, dans ces conditions et alors même que le syndicat et M. A...n'auraient pas informé la société LGM Bureautique dans les formes prévues par les dispositions des articles L. 2143-7 et D. 2143-4 du code du travail, que l'employeur de M. A...doit être regardé comme ayant eu connaissance, de façon certaine, de sa qualité de délégué syndical CGTM au plus tard le 17 juin 2003, date à laquelle il a accepté de signer avec l'intéressé le protocole d'accord relatif à la négociation annuelle obligatoire au titre de l'année 2003 ; que, par ailleurs, la circonstance que l'intéressé n'ait pas eu cette même qualité au sein de la société CCB Martinique, ultérieurement acquise par la société LGM Bureautique, n'est pas de nature à établir qu'il n'aurait pas eu la qualité de délégué syndical au sein de la société LGM Bureautique ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entreprise ait contesté la désignation de M. A...devant le tribunal d'instance dans le délai prévu par l'article L. 2143-8 du code du travail ; qu'ainsi la désignation de M. A... doit être regardée comme ayant été purgée de tout vice de sorte que l'entreprise ne peut plus utilement invoquer le moyen tiré de l'absence de désignation régulière de l'intéressé pour soutenir que ce salarié n'était pas protégé comme délégué syndical ;
9. Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que, par le jugement dont il est fait tierce opposition, le tribunal administratif de Fort-de-France a retenu, contrairement à ce qu'a estimé le ministre du travail, que l'inspecteur du travail était compétent pour se prononcer sur le licenciement contesté ;
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail :
10. Considérant que l'inspecteur du travail a fondé son refus d'autoriser le licenciement de M. A...sur les motifs tirés d'une part, de l'absence de mise en place des institutions représentatives du personnel, et, d'autre part, de l'insuffisance des efforts entrepris par l'employeur en vue du reclassement de M.A... ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1235-15 du code du travail : " Est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2324-3 : " L'élection des représentants du personnel au comité d'entreprise et celle des délégués du personnel ont lieu à la même date. / L'employeur informe le personnel tous les quatre ans par affichage de l'organisation des élections. Le document affiché précise la date envisagée pour le premier tour. Celui-ci doit se tenir, au plus tard, le quarante-cinquième jour suivant l'affichage, sous réserve qu'une périodicité différente n'ait pas été fixée par accord en application de l'article L. 2314-27. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2324-5 : " Lorsque, en l'absence de comité d'entreprise, l'employeur est invité à organiser des élections à la demande d'un salarié ou d'une organisation syndicale, il engage la procédure définie à l'article L. 2324-4 dans le mois suivant la réception de cette demande. " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 2324-26 du même code : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur telle que mentionnée à l'article L. 1224-1, le mandat des membres élus du comité d'entreprise et des représentants syndicaux de l'entreprise ayant fait l'objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique. (...) " ;
12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société LGM Bureautique avait repris le personnel de l'ancienne société CCB Martinique, société dotée d'un comité d'entreprise ; que le mandat des élus et l'institution elle-même subsistaient donc dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas allégué que l'entreprise aurait perdu son autonomie juridique ;
13. Considérant par ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise n'a pas été renouvelé postérieurement à la reprise en 2001 du personnel de la société CCB Martinique par la société LGM Bureautique, alors pourtant que les salariés de l'entreprise avaient demandé au liquidateur judiciaire d'organiser des élections ; que, dès lors que cette instance n'avait pas été régulièrement renouvelée dans l'entreprise lorsque la procédure de licenciement économique de M. A... a été mise en oeuvre, la procédure de licenciement de M. A...était entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article L. 1235-15 du code du travail ;
14. Considérant enfin qu'aux termes de l'article L. 662-4 du code de commerce : " (...) La protection instituée en faveur du représentant des salariés pour l'exercice de sa mission fixée à l'article L. 625-2 cesse lorsque toutes les sommes versées au mandataire judiciaire par les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, en application du dixième alinéa de l'article L. 143-11-7 dudit code, ont été reversées par ce dernier aux salariés. (...) " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...aurait reçu les sommes versées au mandataire judiciaire par l'assurance garantie des salaires à la date de la demande d'autorisation de licenciement ; que la période de garantie résultant de son mandat prévue par l'article L. 662-4 du code de commerce n'était donc pas expirée ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de l'irrégularité la procédure de licenciement, qui justifie légalement le refus d'autoriser le licenciement de M.A... ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second motif retenu par l'inspecteur du travail pour refuser d'autoriser le licenciement de l'intéressé, la SCP BES Ravise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SCP BES Ravise, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCP BES Ravise la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCP BES Ravise mandataire liquidateur de la société LGM Bureautique est rejetée.
Article 2 : La SCP BES Ravise versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 13BX01269