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08/06/2015 | FRANCE | N°13BX00246

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 08 juin 2015, 13BX00246


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 et 25 janvier 2013, présentés pour la société Lyonnaise des Eaux France, dont le siège est situé Tour CB 21, 16 place de l'Iris à Paris la Défense Cedex (92040), par la SCP Tonnet Baudouin Othman-FarahA... ;

La société Lyonnaise des Eaux France demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901696 du 27 novembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SA Sobebo, la SA Urbaine de Travaux, la société Sagebat et la soc

iété Axa France Iard à lui verser la somme de 3 430 367,20 euros TTC au titre de...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 et 25 janvier 2013, présentés pour la société Lyonnaise des Eaux France, dont le siège est situé Tour CB 21, 16 place de l'Iris à Paris la Défense Cedex (92040), par la SCP Tonnet Baudouin Othman-FarahA... ;

La société Lyonnaise des Eaux France demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901696 du 27 novembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la SA Sobebo, la SA Urbaine de Travaux, la société Sagebat et la société Axa France Iard à lui verser la somme de 3 430 367,20 euros TTC au titre des désordres du collecteur Lajaunie du réseau d'assainissement de la communauté urbaine de Bordeaux ;

2°) à titre principal, de condamner solidairement la SA Sobebo et la SA Urbaine de Travaux et les sociétés d'assurance Sagebat et Axa France Iard à lui verser la somme de 3 430 367,20 euros actualisée en fonction de l'évolution du coût de la construction entre le 13 mai 2008, date à laquelle le chiffrage a été adressé à l'expert Lemaire, et la date de l'arrêt à intervenir, en réparation des désordres ayant affecté le collecteur Lajaunie au titre de la responsabilité décennale des constructeurs ;

3°) de condamner les mêmes sociétés in solidum au remboursement des frais d'expertise avancés par la société Lyonnaise des Eaux France à hauteur de 311 940,66 euros TTC ;

4°) en tout état de cause, condamner la SA Sobebo à lui verser la somme de 3 430 367,20 euros avec actualisation sur le coût de la construction entre le 13 mai 2008, date à laquelle le chiffrage a été adressé à l'expert Lemaire, et la date de l'arrêt à intervenir au titre de la garantie contractuelle ;

5°) à titre subsidiaire, de désigner un expert avec mission de reprendre les travaux d'expertise aux fins de déterminer, au vu des nouveaux éléments du dossier, les responsabilités encourues et de chiffrer les travaux de reprise des désordres, en lui accordant d'ores et déjà une provision de 350 000 euros ;

6°) à titre infiniment subsidiaire et si la cour devait retenir une faute qui lui serait imputable, d'opérer un partage de responsabilité entre elle et le groupement d'entreprises Sobebo et SA Urbaine de travaux, sa part de responsabilité ne pouvant qu'être minime ;

7°) de mettre à la charge de la société Sobebo une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :

- le rapport de M. Olivier Gosselin, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...de la SCP Tonnet Baudouin Othman-FarahA..., avocat de la société Lyonnaise des Eaux France, de Me Galy, avocat de la société Sobebo et de Me Cachelou, avocat de la société Urbaine de Travaux et de la société Axa France Iard ;

Vu, enregistrée le 13 mai 2015, la note en délibéré présentée pour la société Urbaine de Travaux et de la société Axa France Iard ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 19 mai 2015, présentée pour la société Lyonnaise des eaux ;

1. Considérant que, pour la réhabilitation du collecteur du réseau d'assainissement de la communauté urbaine de Bordeaux dit collecteur Lajaunie, situé entre la station Saint-Emilion et le quai de Brazza à Bordeaux, la communauté urbaine a confié une mission de maîtrise d'oeuvre à la société Lyonnaise des Eaux, exploitante du réseau d'assainissement dans le cadre d'un contrat d'affermage conclu le 22 décembre 1992 ; que l'exécution des travaux a, quant à elle, été confiée par la communauté urbaine à un groupement d'entreprises constitué entre la société Sobebo et la société Urbaine de Travaux par un marché du 17 mai 1994 ayant fait l'objet de deux avenants les 15 mai 1995 et 7 juin 1996 ; que les travaux, qui consistaient à chemiser la section du collecteur au moyen d'une coque en polypropylène souple d'un diamètre légèrement inférieur à celui du collecteur et solidarisée à celui-ci par des ergots pris dans un coulis de bentonite-ciment, ont été réceptionnés avec réserve avec effet rétroactif au 14 mars 1995 ; que cette réserve a été levée le 23 janvier 1998 ; que le 20 décembre 1995, les installations ont été remises à la société Lyonnaise des Eaux en sa qualité de fermière du réseau d'assainissement ; qu'à la suite de l'apparition de désordres affectant cette coque, la société Lyonnaise des Eaux a recherché la responsabilité des deux entreprises ainsi que celle des sociétés Sagebat et Axa Iard France en leur qualité d'assureurs des entreprises, et demandé leur condamnation solidaire au versement d'une indemnité de 3 430 367,20 euros TTC et au paiement de frais d'un montant de 311 940,66 euros TTC engagés dans le cadre de l'expertise ordonnée par le juge des référés administratifs le 20 février 2004 ; que la société Lyonnaise des Eaux fait appel du jugement du 27 décembre 2012 du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté ses demandes ;

Sur l'intervention de la société Sagena :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) " ; que l'intervention de la société Sagena n'a pas été présentée par mémoire distinct du mémoire en défense de la société Sagebat ; que, dès lors, elle n'est pas recevable et doit être rejetée ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage, ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance et relève par suite, comme l'action en garantie exercée, le cas échéant, par l'auteur du dommage contre son assureur, de la compétence de la juridiction administrative, dès lors que le contrat d'assurance présente le caractère d'un contrat administratif et que le litige n'a pas été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les contrats d'assurance conclus d'une part, entre la société Sagena et la société Sobebo et, d'autre part, entre la société urbaine de Travaux et la société Axa Iard France, personnes morales de droit privé, n'ont pas le caractère de contrats administratifs ; que les conclusions de la société Lyonnaise des Eaux dirigées contre la société Sagebat, ayant la qualité de courtier de la société Sagena, et contre la société Axa Iard France doivent, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur la mise hors de cause du CEBTP :

4. Considérant qu'aucune conclusion n'est présentée par les parties à l'encontre du Centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) ; que ce dernier doit en conséquence être mis hors de cause ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la garantie décennale :

5. Considérant que, dès le début des travaux de rénovation du collecteur Lajaunie et tout au long de leur exécution, des cloques de dimension importante pouvant provoquer l'arrachement du chemisage sont apparues et ont fait l'objet d'observations régulièrement portées sur les comptes rendus de chantier entre le 24 août 1994 et le 21 mars 1995 ; que ce phénomène résultait de l'incapacité du coulis du ciment, dans lequel se fixaient les ergots permettant l'accrochage de la coque en polypropylène mise en place à l'intérieur de la canalisation, à assurer une adhérence satisfaisante de cette coque à la canalisation ; que, tout au long des travaux, le maître d'oeuvre requérant et les entreprises en charge des travaux ont recherché des solutions à ces désordres en analysant les causes du délitement du ciment et en testant de nouvelles formules de mélange de la bentonite, du ciment et de l'eau du coulis ; que ces différentes cloques et arrachages ont toutefois pu être réparés avant la réception des travaux, à l'exception d'une cloque ayant fait l'objet d'une réserve ; que cependant, postérieurement à la fin des travaux, de nouvelles cloques sont apparues et, du fait de la pression des eaux circulant dans le collecteur, le chemisage s'est arraché, provocant l'obstruction plus ou moins grande du collecteur ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les cloques et arrachages de la coque en polypropylène apparues postérieurement à la réception, constatés dans le cadre d'une visite de contrôle effectuée en 2003, sont de même nature et ont la même cause que celles apparues durant les travaux, même s'il s'agit de nouvelles cloques généralement distinctes de celles qui avaient été traitées pendant les travaux ; que, durant les travaux, il avait été constaté que les cloques pouvaient survenir dans un délai variable après le coulage du ciment bentonite et l'arrimage des ergots fixant la coque, tandis que des cloques réparées par l'injection d'un nouveau coulis de fixation des ergots sont apparues de nouveau ; qu'au moment de la réception, le vice affectant l'ouvrage était donc connu du maître d'oeuvre qui pouvait en appréhender les conséquences, dans toute leur étendue, dès lors que, durant les travaux, il avait longuement recherché la nature et les causes de ce phénomène, qu'il avait fait tester différentes méthodes pour traiter les désordres, avait fait travailler des bureaux d'études sur ces phénomènes et réaliser des études sur le flambement des coques du chemisage sous l'effet de la pression de l'eau ; que, dans ces conditions, les sociétés intimées sont fondées à soutenir que ces désordres avaient le caractère d'un vice apparent lors de cette réception ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées en défense et d'ordonner une expertise, la société Lyonnaise des Eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de condamnation solidaire des entreprises en charge des travaux sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché en date du 17 mai 1994 conclu pour la réfection du collecteur Lajaunie a été signé par la communauté urbaine de Bordeaux en tant que maître d'ouvrage et le groupement d'entreprises formé par la société Sobebo et la société Urbaine de travaux ; que la société Lyonnaise des Eaux chargée d'une mission de maitrise d'oeuvre par la communauté urbaine n'était donc pas partie à ce contrat ;

8. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 26 du contrat d'affermage du service d'assainissement : " Le fermier est autorisé, soit directement, soit par l'intermédiaire de la collectivité, à exercer les recours ouverts à celle-ci vis-à-vis des entrepreneurs et fournisseurs par la législation en vigueur " ; que si la société requérante fait valoir que sa qualité de société fermière en charge de l'assainissement la rendait recevable à engager la responsabilité contractuelle des entreprises en application de ces stipulations, il résulte toutefois de celles-ci que les seuls recours ouverts à la société fermière sont ceux prévus par la législation en vigueur ; qu'à la différence de la garantie décennale ou de la garantie de parfait achèvement qui sont prévues par le code civil, la garantie contractuelle de droit commun, au demeurant aménagée par le contrat liant les parties, ne trouve son fondement que dans les stipulations contractuelles ; que dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de faire procéder avant dire droit à un complément d'expertise, la société Lyonnaise des Eaux n'était pas recevable à rechercher la responsabilité de la société Sobebo et de la société urbaine de Travaux sur le fondement des stipulations du contrat ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Lyonnaise des Eaux n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais qu'elle aurait engagés dans le cadre de l'expertise et à l'octroi d'une provision, doivent également être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de société Sobebo, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Lyonnaise des Eaux, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lyonnaise des eaux le versement de la somme de 1 500 euros à la société Sobebo, la société Urbaine de travaux, au CEBTP, à la société Sagebat et à la société Axa France Iard chacun, sur le même fondement ; que, la société Sagena n'ayant pas la qualité de partie au litige, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande présentée sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Sagena n'est pas admise.

Article 2 : Le Centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics (CEBTP) est mis hors de cause.

Article 3 : La requête de la société Lyonnaise des eaux France est rejetée.

Article 4 : La société Lyonnaise des eaux France versera à la société Sobebo, à la société Urbaine de travaux, à la société Sagebat, à la société Axa France Iard et au Centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la société Sagena tendant à la mise à la charge de la société Lyonnaise des eaux France des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

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N° 13BX00246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00246
Date de la décision : 08/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. JOECKLÉ
Rapporteur ?: M. Olivier GOSSELIN
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP TONNET BAUDOUIN OTHMAN-FARAH BECHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-08;13bx00246 ?
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