Vu la requête enregistrée le 20 février 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 22 février 2013 présentée pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège social est situé 36 avenue du Général de Gaulle tour Galliéni II à Bagnolet cedex (93175) par Me Saumon ;
L'ONIAM demande à la cour :
1°) avant dire droit, d'ordonner une nouvelle expertise et subsidiairement d'annuler le jugement n° 1000555 du 30 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France l'a condamné à verser à Mme C...la somme de 326 338,20 euros et à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils auront été exposés, les frais engagés au titre de l'assistance par une tierce personne ;
2°) subsidiairement d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamné à indemniser Mme B... ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Demailly, avocat du centre hospitalier universitaire de Fort de France
1. Considérant que Mme B...a subi une intervention chirurgicale le 24 avril 2006 au centre hospitalier régional universitaire de Fort-de-France au cours de laquelle a été pratiquée une ostéotomie trans-pédiculaire L.4 ; qu'une reprise chirurgicale s'avérant nécessaire, elle a été de nouveau opérée le 6 mai 2006 dans le même établissement ; qu'après plusieurs mois de rééducation elle est restée atteinte d'un " syndrome de la queue de cheval partiel " se manifestant notamment par une paralysie partielle des membres inférieurs avec abolition de certains réflexes ; que Mme B...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser des préjudices résultant de ces interventions ; que par jugement du 30 novembre 2012 le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté ces conclusions mais a condamné l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à lui verser la somme de 326 338,20 euros et à lui rembourser sur justificatifs les frais engagés pour son assistance par une tierce personne; que l'ONIAM relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné au titre de la solidarité nationale; que Mme B...demande la réformation du jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ;
Sur l'appel de l'ONIAM :
En ce qui concerne la régularité des opérations d'expertise :
2. Considérant qu'il ressort du rapport de la seconde expertise ordonnée par le tribunal administratif de Fort-de-France et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'expert a régulièrement convoqué les parties, dont l'ONIAM, et les a informées qu'elles pouvaient consulter elles-mêmes le dossier médical de Mme B...sur place au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France ou par l'intermédiaire d'un médecin conseil choisi sur place ; qu'il est constant que malgré cette information l'ONIAM n'a désigné aucun médecin conseil pour consulter le dossier et ne s'est pas non plus fait représenter lors des opérations d'expertise ; que, dans ces conditions, alors même que l'expert n'a pas adressé à l'ONIAM de copie du dossier médical de MmeB..., le caractère contradictoire de la procédure d'expertise a été respecté ; que les insuffisances ou contradictions du rapport d'expertise, alléguées par l'ONIAM ne faisaient pas obstacle, en tout état de cause, à ce que le tribunal administratif prît ce rapport en considération à titre d'élément d'information, en tenant compte des observations présentées par les parties sur ses conclusions ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu sur une procédure irrégulière et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner un supplément d'expertise ;
En ce qui concerne la mise à la charge de l'ONIAM des préjudices subis par Mme B...au titre de la solidarité nationale :
3. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour ouvrir droit à une réparation au titre de la solidarité nationale, les préjudices subis par la victime d'un accident médical doivent être reliés de façon incontestable et démontrée par une relation de cause à effet à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ; qu'un acte de soins ne saurait ouvrir droit à une telle réparation que s'il est la cause immédiate du dommage et non s'il est seulement son occasion ; que l'ONIAM soutient tout d'abord qu'il ne pouvait pas être condamné à indemniser Mme B...et que cette dernière pouvait seulement rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier dès lors que le syndrome de la queue de cheval dont elle est atteinte provient du débricolage du matériel d'ostéosynthèse, lui-même résultant de chutes lors de son hospitalisation et n'est donc pas directement imputable à un acte de soin, comme le prévoient les dispositions précitées ; qu'il résulte toutefois de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que seules l'évolution de l'état antérieur de Mme B...et les interventions chirurgicales qu'elle a subies les 24 avril et 6 mai 2006, sont à l'origine du syndrome de la queue de cheval dont elle est atteinte ; que l'expert ajoute que ces interventions ont été réalisées au centre hospitalier dans les règles de l'art et selon les données actuelles de la science et qu'aucune faute n'a été commise à l'occasion des soins dispensés, ni dans les actes médicaux ni dans l'information du patient ou de ses proches ; qu'il n'est fait état d'aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'expertise sur ce point ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France ne pouvait pas être engagée et que le syndrome dont est atteint Mme B...a pour origine directe des actes de soins non fautifs ;
5. Considérant que l'ONIAM soutient également que l'état antérieur de Mme B...n'aurait pas été pris en compte pour apprécier le caractère anormal des séquelles des interventions chirurgicales qu'elle a subies ; que toutefois il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, du fait de son état antérieur, Mme B...était atteinte d'une incapacité permanente partielle évaluée à 30 % et que du fait des séquelles des deux interventions chirurgicales, ce taux est passé à 80 % ; que cette augmentation considérable du taux d'invalidité révèle le caractère anormal des séquelles de l'aléa thérapeutique ; que si l'ONIAM relève qu'avant les interventions chirurgicales du centre hospitalier Mme B...présentait un déséquilibre important ainsi qu'un déficit neurologique, une fragilité du rachis et qu'à la suite d'une précédente intervention chirurgicale en 2001, elle n'a pas pu reprendre son activité professionnelle d'infirmière, cet état antérieur est sans commune mesure avec l'état dans lequel elle se trouve du fait des séquelles des interventions des 24 avril et 6 mai 2006, c'est-à-dire, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, du fait du syndrome dit de la queue de cheval qui se manifeste par une paralysie partielle des membres inférieurs avec abolition de certains réflexes, des douleurs lombaires, des troubles de la sensibilité et des troubles sphinctériens ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à indemniser Mme B...sur le fondement des dispositions précitées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Sur l'appel incident de MmeB... :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
7. Considérant que, si Mme B...fait valoir qu'elle sera contrainte d'avoir recours à l'aide d'une tierce personne pour un montant annuel de 8 505,60 euros, elle ne conteste pas le jugement en ce qu'il a condamné l'ONIAM à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils auront été exposés et sur présentation de justificatifs, les frais qu'elle aura engagés à ce titre à raison de deux heures par jour ;
8. Considérant que le tribunal administratif a rejeté la demande de Mme B...de remboursement de son billet d'avion pour se rendre à Paris avant d'y être hospitalisée au motif qu'il avait été pris en charge par sa mutuelle ; qu'en appel Mme B...renouvelle sa demande sans contester le motif de rejet qui lui a été opposé par le tribunal administratif ;
9. Considérant qu'au titre des frais de vêture, de téléphone et de télévision que Mme B... a pu payer, le tribunal administratif lui a accordé la somme de 2 396,39 euros correspondant aux frais qu'elle justifiait avoir engagés ; qu'en appel Mme B...se borne à demander la somme de 92 655,60 euros sans produire de justificatifs ;
10. Considérant que, s'agissant de frais de véhicule adapté, le tribunal administratif a rejeté la demande de Mme B...au motif qu'elle ne justifiait pas les avoir engagés ; qu'en appel Mme B...ne justifie pas non plus avoir engagé ces frais ;
11. Considérant que, s'agissant de ses pertes de revenus, Mme B...ne conteste pas sérieusement le jugement qui lui a accordé la somme de 175 941,81 euros sur la base de ses rémunérations nettes antérieures dès lors qu'elle se borne à reprendre ses écritures de première instance faisant état de rémunérations brutes ;
12. Considérant que, s'agissant de l'incidence professionnelle, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation pour ce chef de préjudice au motif qu'elle n'apportait aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de sa demande, qu'il s'agisse tant de ses perspectives d'avancement et d'augmentation de traitement que de son projet d'accéder au corps des cadres de santé ; qu'en appel, Mme B...se borne à reprendre ses conclusions telles qu'elles étaient formulées en première instance ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
13. Considérant que Mme B...demande que les indemnités qu'a fixées le tribunal administratif soient portées de 5 000 euros à 30 000 euros pour son déficit fonctionnel temporaire, de 15 000 euros à 60 000 euros pour les souffrances endurées, de 100 000 à 400 000 euros pour le préjudice fonctionnel permanent, de 20 000 euros à 40 000 euros pour le préjudice d'agrément et de 20 000 euros à 70 000 euros pour le préjudice esthétique ; que toutefois Mme B... ne conteste pas sérieusement l'évaluation de ces différents chefs de préjudices faite par le tribunal administratif en se bornant à reproduire en appel ses écritures de première instance ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a limité la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 326 338,20 euros et à lui rembourser, au fur et à mesure qu'ils auront été exposés et sur présentation de justificatifs, les frais engagés au titre de l'assistance par une tierce personne à raison de deux heures par jour ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM versera à Mme B...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France et à MmeC....
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No 13BX00558